Avec Moonage Daydream, Brett Morgen réussit un pari fou : créer un voyage immersif dans l’univers de David Bowie. Une œuvre unique qui a nécessité sept années de production et un travail de recherche acharné dans les cinq millions d’archives fournies par les héritiers de la rockstar. Cette fabrication, le réalisateur en parle comme d’une traversée “traumatisante” et “solitaire”, au point d’en perdre la santé.
Loin d’être un documentaire classique, le film s’intéresse à une période bien précise. Il commence en 1971, avec la création de Ziggy Stardust, alter ego de Bowie, et se poursuit jusqu’en 1985. À l’écran, c’est un véritable feu d’artifice visuel qui prend forme, entre effets psychédéliques, avalanche de couleurs, vidéos et dessins inédits avec, bien sûr, les chansons de l’artiste en trame sonore.
Brett Morgen insiste : le film n'est pas destiné à être une biographie de David Jones - vrai nom de David Bowie. “C'est un film très attaché à la mythologie et présenté comme tel”, précise-t-il.
Se frayer un chemin parmi les millions d’archives disponibles est une mission périlleuse. Au-delà de la quantité, le plus difficile était de se souvenir de tout. “J’étais seul, fait savoir Brett Morgen. Il n’y avait personne d’autre pour réaliser cette veille avec moi. J'ai dû passer quelques scanners parce que je craignais de souffrir d'une démence précoce. Le médecin m’a dit que j'essayais d'ingérer trop de médias.”
En janvier 2017, Brett Morgen fait une crise cardiaque. Il reste une semaine dans le coma. Cette expérience de mort imminente est devenue indissociable de son expérience sur le film. “Depuis ma crise cardiaque, je n’ai pas connu de moment sans Bowie, fait-il savoir. J'ai l'impression que Moonage Daydream m'a donné envie de profiter du peu de temps qu'il me reste.”
Brett Morgen souligne que sans le soutien de sa femme, rien de tout cela n’aurait été possible. “Elle était là pour m'encourager dans mes heures les plus sombres, quand j'avais l'impression d'être sans but, sans direction et incapable de trouver ma voie, poursuit-il. Elle me rappelait que cela faisait partie de l'expérience et qu'il ne fallait pas paniquer.”
La récompense de tout ce travail ? La présentation de Moonage Daydream en Séance de minuit au 75e Festival de Cannes. Brett Morgen n’est pas près d’oublier son entrée dans le grand Théâtre-Lumière où le film était projeté pour la première fois. “J’ai fini par danser sur le tapis rouge, alors que je ne danse jamais d’habitude, se remémore-t-il. C'était une expérience spontanée, hors du corps, qui ne me ressemble pas du tout.”
Propos recueillis par Thomas Desroches, à Paris, le 2 septembre 2022.
Moonage Daydream, au cinéma le 21 septembre.