Bras coupés en plastique et jets d’hémoglobine s’invitent sur le tapis rouge - sang - du Festival de Cannes. Non, il n’est pas question de film d’horreur, mais bien d’une comédie, celle de Michel Hazanavicius. C’est au cinéaste que revient l’honneur d’ouvrir la 75e édition. Dans Coupez !, une équipe de tournage se donne pour défi de réaliser un film de morts-vivants diffusé en temps réel. Leur objectif : aller jusqu’au bout, pour le meilleur, mais surtout le pire.
Le metteur en scène propose sa vision de Ne coupez pas !, petite folie japonaise de Shin'ichirô Ueda. Comme dans l’original, le film se divise en trois parties : un plan-séquence déjanté d’une trentaine de minutes, sa préparation dans les coulisses et un final, qui offre au public une toute nouvelle perspective. Montrer l’envers du décor, Michel Hazanavicius en a fait sa spécialité. Ses précédents films – The Artist, Le Redoutable, ou encore Le Prince oublié - s'articulent, eux aussi, autour de différentes mises en abyme.
"J’aime quand le dispositif du cinéma est présent, cela permet des jeux et une dimension supplémentaire, confirme le réalisateur. OSS 117 ne parle pas de cinéma, pourtant il est présent partout. Peut-être que je suis plus à l’aise avec cet outil ludique que je trouve joyeux, plus que de raconter une histoire de manière frontale, en demandant aux gens d’y croire. Je n’essaye pas de reproduire une vérité, ce que j’aime c’est le spectacle."
Au-delà de son concept ingénieux, Coupez ! séduit grâce à son casting, qui dégage une folie communicative. Romain Duris, Bérénice Bejo, Finnegan Oldfield, Matilda Lutz – révélée dans Revenge de Coralie Fargeat, un vrai film sanglant cette fois -, Grégory Gadebois… Michel Hazanavicius réunit des talents d’horizons très différents et réussit un mélange explosif. Tous se donnent au maximum, dans des rôles physiques où courses et pétages de plombs sont de mise. "Quand on rentrait chez nous le soir, on était épuisés", lance Romain Duris.
En guise de terrain de jeu, les acteurs se déplacent dans un immense bâtiment désaffecté - qui n’est pas sans rappeler le centre commercial du Zombie de George A. Romero. Si le désordre règne à l’écran, le vrai tournage, lui, était millimétré. Impossible de laisser place au hasard. "Tout était coordonné et réglé, insiste le cinéaste. On a eu près de cinq semaines de répétitions."
Sur le plateau, la fiction rejoint souvent la réalité. Bérénice Bejo – femme du cinéaste dans la vie – joue l’épouse de Romain Duris, qui interprète un metteur en scène à l’écran. Leur fille, Romy, est, quant à elle, incarnée par Simone Hazanavicius, la propre fille du vrai réalisateur. "C’était fou, lance Bérénice Bejo. Je voyais Michel dirigeait Romain qui dirigeait les autres acteurs. Il faudrait un making-of pour pousser le concept encore plus loin !"
Hommage aux séries Z
Plus qu’une comédie, Coupez ! est aussi une belle lettre d’amour aux séries Z – ces films d’horreur ou de science-fiction aux budgets modestes, fabriqués de façon artisanale. Un genre souvent méprisé et moqué auquel le réalisateur rend hommage. Néanmoins, question morts-vivants, Michel Hazanavicius n'est pas un grand client. "Ça me fait souvent peur", admet-il.
Ce qu’il aime néanmoins, “c'est la manière de faire du cinéma coûte que coûte. L’énergie qu’on met à faire des films, même débiles, ça c’est beau, poursuit-il. Quoi qu’il arrive, l’investissement reste le même.” Aller jusqu’au bout par passion, c’est le thème majeur de Coupez !. Quoi de mieux pour ouvrir le plus grand festival de cinéma au monde.
Propos recueillis par Thomas Desroches, à Paris, le 11 mai 2022.
Coupez ! est en salles dès ce 17 mai.