Labellisé Cannes 2020, Le Dernier Piano est le premier long-métrage de Jimmy Keyrouz, prolongement de son court-métrage Nocturne in Black, qui avait été récompensé d’un BAFTA. Le scénariste et réalisateur libanais reprend donc l’histoire de Karim, un pianiste de talent, dont les opportunités de carrière rêvées sont bouleversées par la guerre en Syrie et les restrictions imposées par l’État Islamique.
Lorsque son piano, seule chance de s’enfuir de cet enfer, est détruit, Karim se met en tête de trouver les pièces nécessaires à la réparation de son instrument et se lance dans un long voyage pour retrouver sa liberté.
Inspiré d'histoires vraies
Du court au long-métrage, dès aujourd'hui au cinéma, Jimmy Keyrouz s’est inspiré de plusieurs histoires vraies d’artistes privés de leur art par l’État Islamique, comme il nous l’explique :
"Lorsque j’ai appris que l’État islamique avait interdit la musique en Syrie et en Iraq j’ai été choqué parce que je ne pouvais pas imaginer que quelque chose d’aussi beau que la musique puisse être banni. J’ai commencé à faire des recherches et je suis tombé sur plusieurs articles qui parlaient de musiciens, peintres, danseurs, sculpteurs, et autres artistes qui ont continué à défier les règles absurdes imposées par les terroristes.
Ils ont ainsi fait de leurs arts une arme contre l’extrémisme. J’ai donc décidé de faire un court métrage - et ensuite le long métrage - à partir de cette idée d’espoir et de combat par l’art. Je me suis inspiré de ces héros, et j’ai imaginé l’histoire d’un jeune homme qui devait reconstruire son piano en plein milieu d’une guerre, afin de pouvoir réaliser ses rêves."
Pour incarner Karim, le héros du Dernier Piano, le réalisateur a fait appel une nouvelle fois à Tarek Yaacoub, qui campait déjà le même personnage dans le court-métrage Nocturne in Black. Une évidence pour Jimmy Keyrouz tant l’acteur comprend les enjeux liés à son personnage :
"Karim est quelqu’un qui se bat pour son rêve et son ambition. Cette bataille est quelque chose que j’assimile facilement. Nous avons tous d’énormes obstacles a surmonter pour atteindre nos objectifs; en particulier dans cette partie du monde… Tarek Yaacoub comprend très bien cet aspect du personnage. Déjà le monde du cinéma n’est pas évident, être acteur est assez difficile, et le faire au Liban ou au Moyen Orient l’est encore plus. Il a donc pu très facilement s’identifier à Karim. Ensemble nous avons beaucoup travaillé sur l'authenticité. La compréhension de chaque scène, et l’intention dans chaque moment, comptent énormément."
Un tournage en Iraq
Afin d’apporter de l’authenticité à sa mise en scène et de plonger le spectateur dans l’horreur que vivent les personnes opprimées par l’État Islamique, Jimmy Keyrouz et ses équipes ont tourné en Syrie et en Iraq. Pour le réalisateur, "tourner en studio n’était pas une option" :
"Nous avions besoin de quartiers ravagés et d’une ville complètement détruite pour recréer la guerre et la destruction. Notre seule solution était donc de tourner à l’endroit même ou se déroulait l’histoire : en Syrie ou en Iraq. Nous avons finalement réussi à tourner à Mossoul, en Iraq, notamment dans la vieille ville qui est le dernier endroit où l’État Islamique à combattu. Tout était encore complètement détruit, et de nombreuses rues et quartiers sont noyés sous les décombres."
Pour la mise en scène, Jimmy Keyrouz a adopté des cadrages différents entre les scènes de violence qui envahissent Karim et les séquences musicales qui lui permettent de respirer et de reprendre le contrôle : "Les séquences d’actions, de violence ou de guerre ont été tournées avec une caméra souvent en mouvement, dynamique ; alors que pour les séquences où Karim joue au piano, la caméra est plus stable, posée sur des rails. Le but de cette mise en scène est de faire abstraction de la guerre pendant les scènes musicales et donc de transporter le public d’un monde à l’autre."
Sur la musique de Gabriel Yared
Impossible de raconter l'histoire d'un pianiste et l'utilisation de l'art dans un film sans une partition musicale pour l'accompagner. Et c'est le célèbre compositeur français d'origine libanaise Gabriel Yared qui a signé la musique du Dernier Piano. Le réalisateur Jimmy Keyrouz était heureux et fier de cette collaboration avec le compositeur, lauréat d'un César pour L'Amant et d'un Oscar pour Le Patient anglais :
"Il a toujours été le partenaire idéal pour ce film. Ayant grandi au Liban, sa perception du Moyen Orient ainsi que son approche dans la composition de la musique ont élevé la narration. La collaboration a été très fructueuse. Il a rajoute une touche, pas forcément orientale, mais originale et unique dans sa musique. Le résultat est magnifique et je suis fier d’avoir eu la chance de travailler avec un compositeur de ce calibre et d’avoir rencontré une aussi belle personne."