AlloCiné & Boxoffice Pro, avec la collaboration de Camille Marigaux, journaliste Culture, Politique et International à France Culture et RFI, donnent la parole aux douze candidats et candidates à l'élection présidentielle 2022. Le même questionnaire a été soumis à toutes les personnes en lice dans la course à l'Elysée. Les réponses d'Emmanuel Macron, en troisième position selon le tirage au sort du Conseil Constitutionnel, ne nous sont pas parvenues dans les temps : aussi, nous reprenons, par souci d'égalité du temps de parole, des propositions de son "Projet présidentiel".
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Pensez-vous que le modèle américain, qui prévoit qu’un film puisse être disponible sur une plateforme 45 jours après sa sortie dans les salles de cinéma, puisse être transposable en France ?
Nathalie Arthaud (Lutte Ouvrière) : L’exception culturelle française, présentée comme un rempart contre l’uniformisation, est une fanfaronnade nationaliste qui empêchera peut-être, un temps, de transposer le modèle américain. Mais sur ce problème, comme bien d’autres, en France, comme aux États-Unis, ce qui prime, ce n’est pas la création culturelle mais les intérêts privés sonnant et trébuchant des grands groupes de production et de diffusion.
Fabien Roussel (Parti Communiste Français) : Absolument pas ! La spécificité du modèle français du cinéma repose justement sur l'importance de la salle et de la rencontre vivante avec les publics. Non seulement c'est le public de la salle de cinéma qui permet au film ses premières – et le plus souvent principales – remontées de recettes, en toute transparence, par le biais du CNC, mais cette procédure permet une réelle mutualisation au profit des créations futures. Ce socle vertueux, étendu désormais aux télévisions et aux plateformes dans une certaine mesure, doit être préservé et conforté. Un raccourcissement drastique du délai de mise à disposition aux plateformes aurait un effet dévastateur sur la carrière des films en salle, mettant en jeu la survie-même de ces dernières. Je suis très attaché au bien-fondé de la chronologie des médias dont le but est bien de protéger l’exploitation en salle des films.
Par ailleurs, le point 112 de mon programme stipule que La liberté de création sera défendue et renforcée, les métiers des arts et de la culture soutenus Le régime de l’intermittence, dans le spectacle vivant et audiovisuel, sera conforté. Les artistes-auteurs seront doté·e·s d’un authentique statut, plus protecteur et garantissant effectivement leurs droits sociaux et leurs rémunérations. Les artistes et créateurs seront placés sous la protection de la République, face aux attaques obscurantistes dont ils et elles font de plus en plus l’objet. L’État protégera l’art et la création de la domination de l’industrie numérique nord-américaine, qui pille leur contenu et les uniformise.
Emmanuel Macron (La République en Marche !) : La priorité est de sauvegarder et de promouvoir notre modèle culturel unique au monde. Depuis cette année, les grandes plateformes de vidéo à la demande en ligne (Netflix, Amazon, Disney + etc.) participent à financer la création cinématographique et audiovisuelle nationale et européenne et doivent donc respecter l’exploitation de nos œuvres. C’est une première au niveau européen. Les plateformes de partage de contenu doivent aussi s’assurer de l’accord préalable des auteurs, ainsi que de la possibilité d’une rémunération supplémentaire pour les auteurs et les artistes-interprètes pour l’exploitation de leurs œuvres. (propositions extraites du "Projet Présidentiel")
Jean Lassalle (Résistons !) : Je crains bien que ça soit très préjudiciable pour nos cinémas qui peinent déjà à remplir leurs salles. Cette règle, si elle devait être modifiée, devrait être toujours validée par les distributeurs nationaux.
Marine Le Pen (Rassemblement National) : Je pense que le modèle américain de la sortie à J+45 ne peut s’appliquer correctement en France dû à notre modèle d’exception culturelle française. En effet les acteurs comme Canal+ et Netflix ont un avantage dans la chronologie des médias, avantage qui s’explique logiquement par le support financier qu’ils apportent à l’industrie du cinéma tricolore. Cet apport financier mis en place grâce au CNC et au décret SMAD est garant d’une diversité et grâce à cette formule, la France est aujourd’hui le premier pays européen producteur de films. Ce modèle a permis de préserver notre industrie cinématographique, contrairement à d’autres pays comme l’Allemagne ou l’Italie qui ont été lentement fragilisés par le mastodonte américain. Une sortie simultanée serait donc injustifiable auprès des premiers financeurs, et lorsque nous le couplons au risque de vider les salles, le manque à gagner pour le CNC serait potentiellement désastreux.
Il est intéressant de noter que l’indépendance du CNC est mise en cause par une proposition de loi de LREM demandant un plafonnement des taxes affectées au CNC. En clair, limiter les recettes de l'institution, en redonnant une partie des taxes récoltées au budget général de l'État, lorsqu'elles dépassent un certain seuil. Le ministre d’alors, Franck Riester, a pris la défense de l’indépendance du CNC. Le cinéma américain étant financé en quasi-totalité par des fonds privés ne se trouve pas face au même dilemme.
Eric Zemmour (Reconquête!) : Malgré notre entrée dans la fameuse "ère Netflix", les salles de cinéma résistent. Cela prouve bien que le cinéma est profondément ancré dans notre culture, et je compte bien faire en sorte qu’il le reste. Je ne suis donc pas favorable à ce modèle américain qui risquerait de vider nos salles de cinéma.
Jean-Luc Mélenchon (La France Insoumise) : La salle est le cœur du cinéma. Alors que la crise sanitaire a déjà fragilisé la sortie physique des films, il faut revenir sur des programmations sur le temps long permettant aux œuvres d’exister. Pour cela nous ferons du médiateur du cinéma une véritable autorité de régulation et nous instaurons ainsi des obligations de diversité ambitieuses dans les salles de cinéma en commençant par interdire aux multiplexes de programmer le même film dans plusieurs salles à la fois.
Par ailleurs, il est essentiel de redonner aux chaînes de télévision du service public un rôle central dans la création et la diffusion, par son rôle dans le financement et sa place dans la chronologie des médias. Nous sortirons des logiques de rentabilité et augmenterons leurs obligations d’achat d’œuvres audiovisuelles pour les chaînes de télévision française, notamment dans le service public, avec des critères précis de diversité afin de valoriser le cinéma indépendant et les jeunes réalisateurs et réalisatrices.
Nous ne nions pas la nécessité de repenser ce vide qui existe entre la sortie salle et la diffusion en ligne, néanmoins cela doit se faire dans une logique de protection de la création française, ce que les plateformes états-uniennes ne garantissent pas.
Anne Hidalgo (Parti Socialiste) : Je ne le pense pas. Notre écosystème me paraît complètement différent. Au regard des paramètres actuels, un tel modèle reviendrait, d’une manière ou d’une autre, à condamner les cinémas et la diversité culturelle. J’ajouterai que j’y suis d’autant moins favorable qu’en sortie de crise sanitaire, le retour des publics dans les salles, et de manière générale dans les lieux de culture, est une priorité.
Yannick Jadot (Pôle écologiste) : Le modèle américain est incompatible avec l’exception culturelle française que nous défendons. Nous avons une législation qui protège les oeuvres, nous devons la conserver et la renforcer. La chronologie des médias, régie par les acteurs du secteur, est la garante d’une industrie diverse et dynamique. Dans la carrière d’un film de cinéma, la salle est fondatrice et doit être préservée à tout prix. Elle est d’ailleurs, dans la chronologie, le seul mode de diffusion protégé par la loi avec un délai incompressible de quatre mois. Reste que les pratiques culturelles ont changé. Ce délai devra être abaissé, à la fois parce que la durée moyenne de l’exploitation en salle a été divisée par deux en dix ans et par souci de l’accessibilité des oeuvres pour le public. Nous le ferons en concertation avec les acteurs de la filière.
Valérie Pécresse (Les Républicains) : La disponibilité des films sur une plate-forme à 45 jours après la sortie salle serait potentiellement mortelle pour l’exploitation en France, au vu notamment de la proximité tarifaire entre un abonnement mensuel à une plate-forme SVOD et le prix d’une place de cinéma. Sans doute les blockbusters hollywoodiens y survivraient au prix de la perte de la moitié de leurs entrées, mais pour le reste des films, ce serait chronique d’un désastre annoncé.
Le secteur de la distribution, déjà considéré comme le "maillon faible" de l’industrie, n’y survivrait pas et le cercle vicieux de la diminution des taxes perçues par le CNC et reversées au cinéma français, serait irrémédiablement enclenché. A terme, ce serait donc une véritable diminution de l’offre de films produits en France.
Philippe Poutou (Nouveau Parti Anticapitaliste) : Les USA sont un pays continent de 330M d’habitants et 6 fuseaux horaires. Nous n’avons pas les mêmes problématiques en France. On ne peut pas toujours tout comparer. Sortir un film indépendant aux USA n’a pas le même coût qu’en France. Il est impossible en dehors des films de studio de couvrir un territoire aussi vaste. Et le public américain, en dehors de quelques grandes villes, ne va voir que des blockbusters. Il n’y a pas comme en France ce maillage de salles art et essai réparties plus ou moins équitablement sur le territoire.
De même, le concept de day and date qui consiste à diffuser en salle et en vod (à l’acte) en même temps ne peut pas s’appliquer de la même manière en France. Et réduire la fenêtre de diffusion en VOD par abonnement de 15 ou 17 mois à 45 jours reviendrait à faire des salles de cinéma un pur objet de promotion couteux pour une rentabilité essentiellement numérique. Par ailleurs, cela finirait par produire du cinéma de consommation rapide et jetable : énormément de copies pour une exploitation courte. Encore une fois, il faut fois, il faut apporter de la souplesse en fonction des films et ne pas défendre un modèle qui finira par craquer sinon.
Nicolas Dupont-Aignan (Debout la France) : Je ne pense pas, et surtout je ne souhaite pas que l’on puisse transposer le modèle américain, selon lequel un film puisse être disponible sur plateforme 45 jours après sa sortie dans les salles de cinéma. C’est la mort des cinémas assurée ! Un film n’est pas un simple produit de consommation, les longs-métrages ont été pensés, filmés et réalisés pour l’expérience du cinéma, cette expérience ne doit pas passer pour anecdotique et devenir une simple étape avant le visionnage du film sur d’autres supports.
Le piratage : comment lutter efficacement contre ce fléau ? Le gouvernement a refusé la transaction pénale, quelle serait votre principale mesure ?
Nathalie Arthaud (Lutte Ouvrière) : Je trouve dommageable que la question de la rétribution des artistes et donc de la création artistique soit liée à des questions de profitabilité pour les grandes sociétés d’exploitation commerciales. Les auteurs, réalisateurs, comédiens devraient pouvoir vivre décemment de leur art sans être tributaire des profits réalisés.
La question du piratage est liée à la notion de propriété privée des œuvres. Comment un film, un tableau, un roman peuvent-ils être la propriété d’une personne ou d’une société quand ils sont destinés à être partagés, à faire réfléchir, rire, à procurer du plaisir ? La propriété privée est la base de la société capitaliste que je combats en tant que militante communiste révolutionnaire. Il est vital de libérer la société de cette loi du profit et de la propriété privée qui entraînent le monde à sa perte. Je pense que, lorsque les travailleurs se battront pour défendre leurs intérêts, ils se libéreront des ces lois capitalistes en expropriant les capitalistes et ils libéreront du même coup l’art, assujetti aux lois du marché.
Fabien Roussel (Parti Communiste Français) : Nous ne sommes pas partisans du "tout répressif", car l'arsenal législatif actuel nous paraît suffisant, d'autant que le "piratage", c'est à dire pour l'essentiel le téléchargement illégal, compte tenu des nouveaux modes de consommation des œuvres audiovisuelles, est en régression significative.
Emmanuel Macron (La République en Marche !) : Face aux nouvelles menaces numériques, notre arsenal de lutte contre le piratage a été renforcé en créant un seul et nouveau régulateur, l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (ARCOM), et en défendant l’accès du public aux œuvres cinématographiques et audiovisuelles françaises. (propositions extraites du "Projet Présidentiel")
Jean Lassalle (Résistons !) : Le piratage qui représenterait au minimum entre 10 et 25% des revenus de l’industrie du cinéma et qui semblent être en augmentation, doit nous préoccuper et nous devons y répondre plus sévèrement. Protéger les droits d’auteur est primordial pour la survie de nos talents et les sanctions pénales doivent correspondre aux préjudices.
Marine Le Pen (Rassemblement National) : NDLR - La réponse de la candidate ne nous a pas été communiquée.
Eric Zemmour (Reconquête!) : Pour ce genre d’infractions, je ne suis pas hostile à la transaction pénale qui raccourcit les procédures et permet d’infliger rapidement une pénalité aux pirates.
Jean-Luc Mélenchon (La France Insoumise) : Tout d’abord, nous maintenons l’idée d’une licence globale pour la prise en compte du droit d’auteur en amont de la diffusion des œuvres. Ensuite, concernant la lutte en elle-même contre les infractions au droit d’auteur sur internet, il nous semble essentiel de remettre de la présence humaine dans le traitement des contenus litigieux sur le sujet posté en ligne. Cela implique donc de revenir à un traitement a posteriori et non plus a priori, dont nous avons vu beaucoup d’abus de sanction de censure dans de nombreux de cas récents. Tout ne peut pas être traité sans l’aide de logiciels, bien entendu, mais c’est un équilibre à trouver. Le choix ne peut d’ailleurs plus uniquement incomber aux plateformes en ligne qui héberge les contenus, car ce n’est pas à ce genre d’entreprise de constater des infractions légales.
Nous sommes donc favorables à étudier la piste d’une surveillance mixte, humaine et mécanique, mais également par le biais de personnes assermentées pour pratiquer cette juridiction qui travaillent avec les équipes des plateformes. Pour financer cela, une contribution demandée aux plateformes qui hébergent, qui réalisent des bénéfices conséquents, semble être une piste pertinente à explorer. Enfin, concernant ces plateformes comme la nouvelle ARCOM, il y a une claire nécessité de visibilité de leur action à garantir afin de pouvoir publiquement choisir quelles pistes, qu’elles soient techniques ou légales, sont les plus efficaces et respectueuses des droits fondamentaux en matière d’expression.
Anne Hidalgo (Parti Socialiste) : Je suis particulièrement attachée à la juste rémunération des ayants droits. Il faut assécher les revenus des sites commerciaux qui ne vivent que grâce aux contenus piratés en usant des dispositions existantes visant au blocage, retrait ou déférencement d'un site illicite.
Yannick Jadot (Pôle écologiste) : Le piratage est un vrai fléau pour l’industrie cinématographique et lui a fait perdre la moitié de sa valeur. Rappelons-le, l’industrie du cinéma français est un fleuron économique, un “soft power” à l’international et nous devons le défendre. Le piratage a été insuffisamment combattu par le gouvernement actuel, malgré les multiples demandes - et les propositions ! - des professionnels. Les écologistes mettront en place des amendes proportionnées, seul moyen efficace pour mettre fin à ces pratiques.
Valérie Pécresse (Les Républicains) : L’instauration de la transaction pénale d’un montant compris entre 135 et 200 euros par infraction est l’une des mesures phares du programme de soutien aux industries culturelles de Valérie Pécresse. Il faut impérativement cesser l’hypocrisie sur ce sujet et prendre une mesure efficace pour dissuader le quart de la population française qui pirate, de continuer à le faire.
La "riposte graduée" est un échec et si la transaction pénale pour la consommation de cannabis a été instaurée, nulle raison de ne pas le faire pour la piraterie audiovisuelle.
Philippe Poutou (Nouveau Parti Anticapitaliste) : Question complexe. Le piratage concerne surtout les grosses productions, mais le manque à gagner pour des structures intermédiaires est important aussi. Des pays comme l’Allemagne ont réussi à limiter drastiquement le piratage. Nous on a supprimé Hadopi. Mais il n’y a pas que la dimension répressive qui doit fonctionner. La fameuse chronologie des médias crée des angles morts dans l’accès aux films. A certaines périodes, notamment juste après leur diffusion en salles, on ne peut les voir nulle part. C’est là qu’évidemment le piratage vient s’installer, au début d’une chaîne d’exploitation qui va peu à peu éroder l’intérêt pour les films. Les chaînes en clair sont les partenaires du cinéma qui souffrent le plus ce système.
Nicolas Dupont-Aignan (Debout la France) : Le système des droits d’auteur traditionnel est à bout de souffle et cherche à se maintenir par tous les moyens. Je souhaite abroger la loi Hadopi (qui ne permet ni de lutter efficacement contre le piratage, ni de rémunérer les créateurs à la hauteur de leur audience) et assurer une juste rémunération des auteurs grâce au mécanisme d’une licence globale, prélevée sous la forme d’une contribution forfaitaire mensuelle sur chaque abonnement Internet, et redistribuée au prorata des audiences respectives.
Quelles seraient vos mesures incitatives et structurelles pour aider à "ramener" le jeune public -désormais tourné vers les jeux vidéo, le streaming et les réseaux sociaux- vers les salles de cinéma ?
Nathalie Arthaud (Lutte Ouvrière) : Le rendre gratuit et accessible à tous !
Fabien Roussel (Parti Communiste Français) : Tout d’abord, je rappelle que le point 113 de mon programme annonce "qu’un plan national pour l’éducation artistique à l’école sera remis sur le métier." Et qu’"il s’étendra de la maternelle à l’université, assurant son intégration aux programmes scolaires et construisant les indispensables collaborations avec la création dans sa diversité."
Pour en venir spécifiquement à votre question, les nouvelles pratiques que vous évoquez sont éminemment chronophages et posent le problème crucial de cette "économie de l'attention" … ou de l'inattention, qu'évoque le philosophe Bernard Stiegler. Cette question renvoie, me semble-t-il, à celle de l'éducation à l'image, qui passe aussi par une meilleure connaissance du patrimoine cinématographique national et mondial. L'école a bien évidemment son rôle à jouer, mais également les politiques d'action culturelle et d'éducation populaire conduites par les associations, les collectivités territoriales, les établissements culturels. Notons au passage que, contre vents et marées, et souvent contre les attaques des grands réseaux de l'exploitation cinématographique, nos communes ont su créer et maintenir un important réseau de salles de cinéma exigeantes et populaires, où la place du jeune public est fondamentale. 113 Un plan national pour l’éducation artistique à l’école sera remis sur le métier Il s’étendra de la maternelle à l’université.
Emmanuel Macron (La République en Marche !) : Plus d’un million et demi de jeunes entre 15 et 18 ans peuvent déjà avoir accès, via le Pass Culture, aux offres de plus de 11 000 acteurs culturels. Ils seront 4 millions d’ici la fin de l’année. L’ensemble des jeunes de 18 ans bénéficient maintenant du Pass Culture, avec 300 euros pour aller au théâtre, ou à des concerts, acheter un instrument, visiter des monuments, lire des mangas ou des romans, etc. Le Pass Culture est étendu en 2022 et concernera plus de 4 millions de collégiens et lycéens. (propositions extraites du "Projet Présidentiel")
Jean Lassalle (Résistons !) : La jeunesse sera ma "grande cause". J’ai élevé 4 enfants, aujourd’hui adultes, et je sais combien nous sommes tous préoccupés par l’impact des jeux vidéo et des réseaux sociaux sur nos jeunes. Nous ne pourrons pas les empêcher de vivre avec leur temps, mais c’est à nous de les faire revenir vers autre chose : activités et œuvres culturelles. Je crois profondément que faire participer activement les jeunes dans le processus de création, production, communication, est une des solutions à étudier pour changer cette situation.
Marine Le Pen (Rassemblement National) : Je ne sais pas si ces usages sont mutuellement exclusifs. De plus, il ne faut pas oublier que le Covid est passé par là et que les données des deux dernières années sont donc inexploitables. Selon une étude du CNC lui-même, les moins de 25 ans représentent un peu plus du quart de la population totale en 2019, et constituent pourtant la tranche d’âge la plus attirée par le cinéma. Plus de 70 % des 3-24 ans sont allés au moins une fois par an au cinéma sur la période 2015-2019. Cette part dépassait 90 % en 2015 pour les 15-19 ans. A mon sens, cette fréquentation est donc avant tout liée aux types de films diffusés en salle.
En revanche, si jamais nous connaissons un effondrement de la fréquentation des cinémas par les jeunes dans les prochaines années, il faudra bien évidemment s’interroger sur une refondation des mesures incitatives à leur égard. Cela va des prix, à la promotion, aux offres spéciales et à l’innovation artistique et technologique.
Eric Zemmour (Reconquête!) : Pour moi, la culture est intimement liée à l’éducation. Pour ramener le jeune public vers les salles de cinéma il faut le ramener vers la culture. A ce titre, je propose d’instaurer un enseignement et une pratique véritable de la musique, de l’histoire de l’art et de l’art plastique de l’école primaire au collège. Je compte également imposer aux chaines de télévision généralistes l’obligation de diffuser des programmes à caractère culturel (pièces de théâtre, opéra, concerts, documentaires…) à des heures de grandes écoutes. Enfin, j’aimerais consacrer une part plus importante des subventions accordées par le CNC aux productions assurant la promotion et la diffusion de la culture française.
Jean-Luc Mélenchon (La France Insoumise) : L’abandon de la jeunesse pour les salles de cinéma peut s’expliquer par différents facteurs. Le premier est la question de l’offre avec des programmations qui sont parfois pour un public plus âgé qui est déjà acquis. Le second est le manque d’éducation artistique et culturelle qui ne permet pas à toutes et tous de développer un intérêt et une appétence pour le cinéma.
Enfin, un facteur non négligeable est la tarification. Quand on sait que presque un étudiant sur deux saute un repas pour des raisons financières, la place de cinéma et son coût qui peut s’élever au-dessus de 10€ dans certains multiplexes devient un luxe. Si nous prévoyons une allocation d’autonomie étudiante permettant de lutter contre la précarisation des jeunes, nous encadrerons également les tarifs des lieux culturels privés afin de les rendre accessibles à toutes et tous, avec un encadrement encore plus bas pour les publics précarisés et les enfants.
Néanmoins, nous n’opposons pas le cinéma et le jeu vidéo, que nous considérons comme une nouvelle forme d’art qui se trouve dans une situation similaire à celle du cinéma à ses débuts. À l’instar du cinéma, on y trouve des productions d’arts et essais tout comme des productions de pur divertissement. La France a été pionnière dans le développement de la frange artistique du jeu vidéo, et c’est une chance tant cet art peut aussi permettre une vision critique et sensible des temps contemporains et de la place que la technologie y prend. Ce pourquoi nous reconnaîtrons politiquement et concrètement le jeu vidéo en tant qu’art, par la création d’un Centre national du jeu vidéo (CNJV), aux logiques similaires au CNC mais qui développera ces logiques redistributives de soutien à la diversité et à la création française au sein même de l’économie du jeu vidéo, et non plus dans le seul giron du cinéma (dont les premières étapes de reconnaissance au sein du CNC ont été cruciales). Nous développerons également l’enseignement professionnel et supérieur public dans ce domaine, ainsi que la valorisation et l’accès à son patrimoine, le développement de l’activité associative et présentielle, et ainsi que le champ de l’éducation artistique et culturelle et de la médiation consacré au jeu vidéo.
Anne Hidalgo (Parti Socialiste) : Je crois qu’il faut faire attention aux constats qui apparaitraient trop évidents. D’après l’étude du CNC sur le public du cinéma en 2019, les jeunes de moins de 25 ans constituaient le premier public "consommateur" de cinéma, en progression par rapport à 2018, avec une nette augmentation chez les enfants (+9,2%).
En revanche, nous devons être vigilants dans la période si particulière que nous vivons afin que le recours aux plateformes numériques ne devienne pas un réflexe systématique. Une campagne de communication gouvernementale pourrait être mise en place pour encourager le retour des publics dans les salles de cinéma, et plus largement de spectacle vivant et dans les médiathèques. Dès le mois prochain, le printemps du cinéma sera une belle occasion de le faire.
Yannick Jadot (Pôle écologiste) : Le public des salles de cinéma a vieilli, c’est certain, et on ne peut pas s’en satisfaire. Si les cartes d’abonnements sont abordables, les tickets uniques sont devenus hors de prix. Le retour de la jeunesse dans les salles de cinéma passera par deux leviers : une baisse des tarifs d’abord, et les écologistes seront au côté des exploitants pour les accompagner si nécessaire ; des initiatives impliquant les jeunes ensuite, comme on le voit avec le Goncourt des lycéens. On pourrait par exemple imaginer une "Palme d’or des lycéens" ou veiller à ce que les jurys ou les commissions professionnelles comptent un minimum de jeunes.
Valérie Pécresse (Les Républicains) : L’envie de découvrir le cinéma se joue dès le plus jeune âge et en particulier via les dispositifs d’éducation à l’image : c’est pourquoi au coeur du programme de Valérie Pécresse figure un triplement du budget alloué à l’éducation artistique et culturelle, de la maternelle à l’université. S’agissant spécifiquement du cinéma, cela passera, selon l’âge des enfants, par un certain nombre de sorties obligatoires au cinéma par an, par la venue d’artistes et de professionnels dans les établissements scolaires pour des rencontres et la découverte d’oeuvres, par une politique ambitieuse de relance des ciné-clubs dans les lycées et toute autre mesure qui placera le cinéma au rang d’art majeur à découvrir au même titre que les beauxarts ou les arts vivants.
Philippe Poutou (Nouveau Parti Anticapitaliste) : La question posée est plus générale : comment amener le jeune public vers la culture. Il faut rendre la culture accessible à toutes et tous en délocalisant les lieux culturels, en baissant les tarifs ce qui veut dire qu’il faut un financement plus important de la part de l’Etat. La culture est essentielle, elle n’est pas juste le petit plus qui améliore la vie, elle permet l’ouverture aux autres, elle permet de comprendre le monde. En ce qui concerne le cinéma, c ‘est un art qui reste malgré tout populaire.Le jeune public continue de fréquenter les salles de cinéma, on le constate notamment lors des sorties de blockbusters.
Il y a deux éléments : rendre le cinéma accessible à toutes et tous comme toute la culture. Les cinémas sont essentiellement dans les zones urbaines, il faudrait mettre place des cinéclubs (mise à disposition de salles, de vidéo projecteurs…),de cinémas municipaux , organiser des rencontres avec les réalisateurs, les différents partenaires… Et mettre en place une véritable éducation à l’image, en faire une matière à l’école comme la musique, le dessin…
Nicolas Dupont-Aignan (Debout la France) : Il faut ramener les jeunes au cinéma : par des tarifs préférentiels plus attractifs ; par l’école qui doit les sensibiliser à l’art en général et au cinéma en particulier, notamment en permettant à tous les écoliers de préparer au moins une œuvre artistique et en renforçant les coopérations entre les établissements scolaires et les cinémas pour les sorties scolaires ; par la création d’un ticket "découverte culturelle" par an à tous les Français à partir de 16 ans. Il donnera droit à 2 options à choisir parmi un billet de cinéma Art et Essai, une place de théâtre, une exposition, un concert et une visite d’un monument historique. Le pass culture est trop souvent utilisé pour télécharger des contenus sans rapport avec la culture française.
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