La Culture ne devrait-elle pas bénéficier d’un ministère régalien ?
Je ne pense pas que cela soit particulièrement nécessaire. La culture n’a pas vraiment vocation à être pilotée par l’Etat, et la richesse culturelle de notre pays est en grande partie basée sur les traditions et les productions locales. A ce titre, les collectivités territoriales ont un grand rôle à jouer. En effet, la tendance centralisatrice de Paris ne s’effectue souvent qu’au détriment de la culture dans le reste de la France.
Pour le cinéma, l’Etat est déjà un acteur incontournable de l’industrie. Le CNC est, malgré ses défauts, un excellent outil de préservation et de consolidation du cinéma français. Lors de mon mandat, nous dialoguerons évidemment avec les professionnels du secteur pour renforcer, corriger et développer l’industrie cinématographique française.
Notre pays a été sur la défensive pendant des décennies, peut-être serait-il temps de passer à l’offensive ? L’exemple de la politique culturelle du Japon et de la Corée est en tout cas très intéressant. La France a inventé le cinéma, et nous sommes l’un des seuls pays européens à avoir préservé notre industrie cinématographique.
Nous pourrons donc réfléchir à des coopérations avec d’autres pays européens, ou ceux de la francophonie. Ce serait l’occasion de créer un contrepoids français à la domination américaine sur le 7e art. L’Europe des nations ou l’Union Francophone que je souhaite mettre en place seront de très bons cadres pour une grande politique du cinéma aux ambitions mondiales.
Le cinéma est-il forcément un art politique ? Que vous inspire la récupération qui peut se faire autour d’une œuvre, comme "Bac Nord" récemment ?
Bac Nord est un film d’action populaire. C’est un film romancé certes, mais n’en déplaise à ses contradicteurs, également très réaliste. Le film est non seulement tiré d’une histoire vraie, mais il correspond très bien à la vérité de ces quartiers. Je ne compte plus le nombre de policiers, de pompiers ou d’habitants qui viennent me voir depuis 20 ans et me racontent les épreuves, et parfois les horreurs, qu’ils subissent.
Les journalistes ou responsables politiques qui nous accusent de récupération n’ont jamais mis les pieds dans ces endroits, ou pire, ne voient pas le problème à laisser le contrôle de pans entiers de notre pays à des gangs de délinquants, de trafiquants ou d’islamistes.
Don’t Look Up peut être vu comme une critique du laxisme climatique, mais Bac Nord ne pourrait pas être interprété comme un constat du laxisme sécuritaire et des conditions de travail de la police ? Cela n’a pas de sens. C’est la politique de l’autruche.
Le cinéma et les séries ont-ils entre autres pour vocation, selon vous, d’aider à faire "bouger les lignes" sur des problématiques sociétales (parité, diversité…) ?
L’utilisation politique de l’art est très ancienne, et le cinéma n’échappe évidemment pas à la règle. Est-ce pourtant le but ? Je ne pense pas. Tout dépend de la définition que l’on a de l’art. Est-ce la recherche du beau ? La promulgation de valeurs ? La recherche d’une émotion, qu’elle soit positive ou négative ? C’est un débat philosophique qui a fait couler beaucoup d’encre.
Ce que je sais c’est que certains milieux politiques de gauche se sont très tôt attaqués à la culture et en ont fait l’un de leurs bastions politiques. C’est la théorie du penseur marxiste Antonio Gramsci : pour changer la société en profondeur, il faut saisir les institutions culturelles, académiques et artistiques pour lentement diffuser les idées révolutionnaires.
Une fois les esprits acquis aux nouvelles idées, les changements politiques pourront se faire sans accroc. Nous le voyons de manière flagrante aujourd’hui avec la distillation de ce que l’on appelle "les idées woke". En parallèle de cette utilisation politique du cinéma, parfois dans l’intérêt des Etats eux-mêmes, nous assistons à une marchandisation de l’art. Le cinéma populaire d’il y a quelques années tend parfois à devenir un produit de consommation de masse, dénué de profondeur, perdant en qualité. Je regrette ces deux tendances.
La longue histoire du cinéma français est éminemment politique, mais elle doit avant tout demeurer artistique et populaire. Certains films dénoncent des réalités et permettent à la société de prendre conscience de problématiques essentielles, mais nous devons faire attention à la mainmise de l’idéologie, ou plutôt d’une seule idéologie, sur la production artistique de notre pays. Ce qui se passe outre-Atlantique, ou même en Grande-Bretagne, est à ce titre très inquiétant.
Candidate... et spectatrice
S’il fallait donner un titre de film ou de série à cette campagne…
Le Bon, la Brute et le Truand. Je vous laisse deviner qui est qui.
S’il fallait donner un titre de film ou de série à votre programme…
Une réplique de film ou de série qui vous inspire…
C’est difficile. Une réplique d’Audiard probablement. Peut-être "On est gouvernés par des lascars qui fixent le prix de la betterave et qui ne sauraient pas faire pousser des radis".
Un personnage de film/série qui vous inspire…
Jeanne d’Arc, comme toujours.
Pour quel Président·e à l'écran auriez-vous voté ?
Sûrement Jean Gabin dans Le Président.
Le meilleur film politique ?
C’est une très bonne question. A priori, je dirais Argo ou Le Guépard.
La meilleure série politique ?
Baron Noir sans hésitation. Je pourrais citer House of Cards ou Veep, qui parait-il est une très bonne série, mais Baron Noir est incontestablement une très belle réussite française. Il y a un certain rythme inhérent à nos créations, une maitrise du dialogue, et puis c’est la France tout simplement, on s’y identifie bien en dépit de certains éléments caricaturaux.
Votre premier souvenir de spectateur ?
Je me rappelle très bien de Tarzan ! La version de 1968.
Votre film culte ?
Braveheart. C’est un film magnifique avec de très belles valeurs de patriotisme et de liberté. Pour le cinéma français, Le Père Noël est une ordure évidemment.
Votre série culte ?
J’ai adoré Game of Thrones. C’est une série puissante, pleine de rebondissements. Malgré la fin décevante, son succès était amplement mérité.
Votre dernier coup de cœur cinéma/série ?
Bac Nord. J’ai été frappée par le réalisme de ce film. Il correspond très bien à la réalité décrite par les policiers et les habitants de ces quartiers que je rencontre maintenant depuis près de 20 ans.
Une musique de film/série pour travailler ou réfléchir ?
Je dirais Le Professionnel.
Marine Le Pen (Rassemblement National)
- mlafrance.fr
- twitter.com/MLP_officiel
- www.facebook.com/MarineLePen
- www.instagram.com/marine_lepen
- www.tiktok.com/@mlp.officiel
Note de la Rédaction d'AlloCiné
A l'occasion de l'Election Présidentielle 2022, AlloCiné donne la parole aux douze candidats et candidates engagées dans la course à l'Elysée, avec la collaboration de Camille Marigaux, journaliste Culture, Politique et International à France Culture et RFI.
Le même questionnaire a été soumis à toutes les personnes en lice. Nous publierons chaque jour les réponses d'un ou d'une candidate, selon l'ordre déterminé par le tirage au sort officiel*. Un article thématique, regroupant les réponses et propositions des différents candidats et candidates sur des sujets liés à la chronologie des médias et au piratage, sera également proposé sur notre site d'ici le 8 avril 2022.
*les réponses d'Emmanuel Macron, en troisième position selon le tirage au sort du Conseil Constitutionnel, ne nous sont pas parvenues dans les temps. Elles seront publiées dès réception.
Nous vous rappelons qu'il convient de faire preuve de civisme dans les commentaires liés à ces publications. En cas de débordements et de messages non-conformes à la charte, nous nous verrons dans l'obligation de fermer les commentaires. Merci pour votre compréhension.
N'oubliez pas d'aller voter les 10 et 24 avril.