Juin 2016, dans le nord de la France. Béatrice Huret, ex-sympathisante d’extrême droite, aide Mokhtar, un migrant de 34 ans, à traverser la Manche pour rejoindre l’Angleterre. L’année suivante, cette ancienne aide soignante est condamnée, mais bénéficie d’une dispense de peine. Cette histoire devient aujourd’hui un film, intitulé Ils sont vivants.
Acteur et scénariste reconnu, Jérémie Elkaïm en fait son premier long métrage. Il se base sur les écrits autobiographiques de la militante, Calais, mon amour, publiés en 2017. Le réalisateur raconte cette romance hors du commun et pointée du doigt par l’entourage de l’héroïne.
Marina Foïs, qui joue la véritable Béatrice Huret, était passionnée par le sujet. C’est elle qui est venue chercher le réalisateur. “Je me suis dis que l’histoire entre eux avait quelque chose d’assez universel, explique-t-il. Cette possibilité de raconter l’intime, ces choses organiques qui ne se disent pas, ça m’a intéressée.”
S’il s’agit d’une adaptation, Jérémie Elkaïm assume ses libertés avec le récit original. “Être trop respectueux rendrait le film trop statique”, précise-t-il. C’est pour cela qu’il n’hésite pas à infuser de l’humour noir et ce, dès la scène d’ouverture. “Tout ça, c’est un peu Marina Foïs et je voulais mettre un bout d’elle dedans.”
À l’écran, l’actrice incarne une femme rugueuse, parfois antipathique. “J’ai rencontré la vraie Béatrice Huret et il y a une bonté derrière la dureté, souligne le cinéaste. Dans le film, on s’attache à elle petit à petit, on la comprend, on comprend ses actes. Il y a une complexité qui me paraissait essentielle. On ne voulait pas faire une bluette sur la crise des réfugiés. Tout est plus singulier, plus spécial que ça.”
Marina Foïs donne la réplique à Seear Kohi, acteur franco-afghan, qui prête ses traits à Mokhtar. Ensemble, ils partagent des scènes intimes d’une rare intensité. “Ces séquences étaient un enjeu, reconnaît Jérémie Elkaïm. Il fallait capturer l’électricité entre eux pour démontrer l’absurdité que représentent les frontières. Cette attirance qui les dépasse déboulonne la bêtise qu’est le racisme.”
Pour le décor, l’équipe a dû reconstruire un camp semblable à la jungle de Calais, déjà démantelé au moment du tournage. Bon nombre des figurants d’Ils sont vivants ont eu le même parcours que le personnage principal avant d’obtenir un droit d’asile.
Jérémie Elkaïm s’est rendu sur le terrain, “dans les camps et les ilôts de migrants présents sur les ronds-points.” Il est encore en contact avec beaucoup de personnes rencontrées durant la préparation. “Ce film a été une plongée particulière. La crise des réfugiés n’en est qu’à ses débuts, c’est dans notre époque.”
Propos recueillis par Thomas Desroches, à Angoulême, en août 2021.
Ils sont vivants, au cinéma le 23 février 2022.