Chaque semaine, l'équipe du pôle streaming fait sa sélection de coups de cœurs. Un article réalisé par Clément Cusseau, Thomas Desroches et Emilie Semiramoth.
Clair-Obscur (Netflix)
L'actrice Rebecca Hall passe derrière la caméra. Pour son premier film, elle adapte le roman de Nella Larsen, Passing, qui raconte l'histoire d'une femme noire qui se fait passer pour blanche dans l'Amérique des années vingt. Ce sujet, la réalisatrice ne le connaît que trop bien car son grand-père, lui-même Afro-Américain, avait recours à cette pratique pour échapper au racisme ordinaire.
D'une grande sincérité, Passing - ou de son titre français, Clair-Obscur - propose un drame délicat qui questionne le spectateur sur son identité et ses racines. Rebecca Hall met en scène un long métrage en noir et blanc à la photographie somptueuse signée Eduard Grau, chef opérateur sur A Single Man ou encore Buried. En tête d'affiche, Tessa Thompson et Ruth Negga incarnent des personnages nuancés que tout oppose et portent avec talent ce long métrage qui mérite toute votre attention. T. D.
Flashback (Prime Video)
Ancienne avocate devenue humoriste, Caroline Vigneaux met en scène son premier long métrage, Flashback. Elle y incarne Charlie, une avocate - tiens donc - peu aimable et aux pratiques douteuses, qui est renvoyée dans le temps pour croiser la route des femmes les plus importantes de l'Histoire de France, de Jeanne d'Arc à Marie Curie, en passant par Gisèle Halimi.
Concept assez courant au cinéma, le voyage dans le temps est ici utilisé à des fins pédagogiques pour servir un message féministe. Caroline Vigneaux n'est pas à court d'idées et s'amuse avec les époques qu'elle prend plaisir à ressusciter, aidée par un casting explosif : Suzanne Clément, Sylvie Testud, Gad Elmaleh, Bruno Solo, Florent Peyre… Flashback a les défauts d’un premier film, mais son ambition et ses intentions louables méritent à elles seules le coup d'oeil. T.D
Losing Alice (Apple TV+)
Sortie en début d’année sur Apple TV+, la mini-série israélienne Losing Alice est un thriller psychologique captivant mettant en scène Ayelet Zurer, connue pour ses participations dans Daredevil et Man of Steel. Dans Losing Alice, elle interprète le rôle-titre, celui d’une réalisatrice qui a connu la gloire mais se trouve en panne d’inspiration depuis qu’elle a délaissé sa carrière au profit de sa vie de famille. Sa rencontre fortuite avec une jeune femme dans le train, Sophie (Lihi Kornowski), une de ses fans et aspirante scénariste va faire basculer sa vie entière.
Tenue en huit épisodes, Losing Alice est une plongée dans la psyché complexe d’Alice, une femme dont le matériau principal de création est le désir, mais qui en manque cruellement à présent. Le scénario que lui apporte Sophie – et dont le rôle principal masculin revient au mari d’Alice, un acteur connu et couronné de succès – ausculte justement la relation perverse entre une jeune femme et un homme plus âgé.
Tout le jeu narratif dans cette intrigue est de savoir si le scénario dramatique de Sophie est tiré d’une histoire vraie, la sienne, et si ses intentions sont de s’immiscer dans la vie intime d’Alice. Que cherche-t-elle au juste ? À lui voler son mari. À la séduire, elle ? Tout est obscur et sujet à interprétation. À la fois objet de réflexion sur le travail de création, sur la part de vérité qu’un auteur injecte dans son œuvre et le désir d’une femme qui se veut plus qu’une mère, Losing Alice est un tourbillon d’émotions. ES.
Kevin Can F**k Himself (Prime Video)
Diffusée à la fin du mois d’août, la première saison de Kevin Can F**k Himself parle elle aussi d’une femme au foyer désespérée. Allison, jouée par Annie Murphy connue pour son rôle dans Schitt’s Creek, mène une vie ordinaire, mariée à Kevin (Eric Petersen) et vivant dans une petite maison de banlieue. Elle n’a pas d’enfant, ou du moins si, Kevin son mari, un homme particulièrement immature qui ne fait que caprices sur caprices et considère son épouse comme sa bonne.
À première vue, Kevin Can F**k Himself ne diffère pas des autres séries qui relatent la vie misérable et ennuyeuse de nombreuses femmes au foyer. Pourtant sur la forme, cette comédie noire propose quelque chose de radicalement différent. Car pour mettre en lumière le malaise vécu par Allison, Kevin Can F**k Himself prend le parti d’apparaître en alternance comme une sitcom classique avec ses rires enregistrés, son décor et ses prises de vue qui reprennent à la lettre toutes les règles du genre et, comme un drame classique.
Le principe est simple : toutes les scènes dans lesquelles apparaît Kevin sont filmées comme une sitcom à coups de blagues potaches dont Allison est la victime. Toutes celles où Allison est seule sont filmées comme un drame, avec une lumière glauque et l’accent mis sur la détresse de la jeune femme. Tout est fait pour nous faire comprendre que le rêve américain s’est cassé la figure il y a bien longtemps…
Alice in Borderland (Netflix)
Lancée en décembre dernier sur Netflix, Alice in Borderland est une série japonaise adaptée du manga éponyme d'Haro Asō (édité en France par Delcourt/Tonkam). Son intrigue suit les aventures de trois lycéens japonais dans un monde dystopique, alors qu'un événement surnaturel a fait disparaître de la surface du globe la quasi-totalité de la population. Le trio est invité à participer à une série de jeux mortels...
Composée de huit épisodes, la première saison d'Alice in Borderland est un condensé d'action et de suspense. Alors que chacun des jeux fait appel aussi bien aux capacités physiques qu'intellectuelles de ses participants, l'esprit de survie qui les anime renforce notre attachement aux personnages, pour la plupart des jeunes en manque de repères. La série propose de nombreuses mises à mort sanglantes, en décalage avec l'esprit enfantin de ses jeux, à l'instar de Squid Game à qui elle a souvent été comparée. Une seconde saison actuellement en tournage est attendue sur Netflix pour décembre 2022. C.C.