ÇA PARLE DE QUOI ?
Une série d’événements va transformer radicalement l’existence des habitants d’un immeuble romain, dévoilant leur difficulté à être parent, frère ou voisin dans un monde où les rancœurs et la peur semblent avoir eu raison du vivre ensemble. Tandis que les hommes sont prisonniers de leurs entêtements, les femmes tentent, chacune à leur manière, de raccommoder ces vies désunies et de transmettre enfin sereinement un amour que l’on aurait pu croire à jamais disparu…
JOURNAUX INTIMES
"Un immeuble. Trois familles. Trois destins", promet la bande-annonce. Et un long métrage dont l'action reste majoritairement circonscrite dans les appartements et sur les paliers de ses personnages qui se croisent mais se parlent finalement peu, et cachent des secrets derrière leurs portes respectives. Un dispositif qui, en soi, n'est pas novateur. Mais qui a pris une autre dimension depuis mars 2020 et le premier confinement.
Sauf que le quinzième long métrage réalisé par Nanni Moretti (et le premier dont il n'est pas l'auteur de l'idée originale) a été tourné avant. Avec Benedetta et The French Dispatch, il faisait partie de ces longs métrages sélectionnés en 2020 qui ont préféré attendre l'édition suivante du Festival de Cannes pour concourir en Compétition, plutôt que de se contenter d'un simple label. Et, dans le cas du réalisateur transalpin, tenter de briguer une seconde Palme, vingt ans après celle de La Chambre du fils.
"Le livre 'Trois étages' n'a pas été écrit en réaction à l'épidémie de Covid-19 [mais au début des années 2000, ndlr]", explique l'Israélien Eshkol Nevo, auteur du roman dont le film s'inspire, dans une note d'intention. "La merveilleuse version cinématographique de Nanni Moretti a également été tournée, montée et prête à sortir avant que des expressions comme 'confinement', 'distanciation sociale' et 'isolement' ne fassent partie de nos vies. Et pourtant, lorsque j'ai vu le film la semaine dernière, je n'ai pu m'empêcher de penser qu'il arrivait sur grand écran au bon moment."
Le film est une invitation à s'ouvrir au monde extérieur qui emplit nos rues, à l’extérieur de nos maisons
"Après des mois au cours desquels nous avons été contraints de garder nos distances, au cours desquels nous avons été séparés de force de nos parents et de nos amis pendant de trop longues périodes, Tre Piani nous rappelle avec force combien les relations intimes sont porteuses de bienfaits et de difficultés : au sein des couples, entre parents et enfants, entre voisins."
Difficile, en effet, de ne pas voir dans Tre Piani un écho à la situation que nous vivons depuis un peu moins de deux ans maintenant. Ne serait-ce parce que, au-delà de ses thèmes de prédilection (les rapports familiaux en tête), le cinéaste italien met en scène des personnages qui, bien que géographiquement proches les uns des autres, font face à une grande solitude.
"Ce qui arrive à ces personnages nous montre à quel point nous sommes tous concernés par l’effort commun à faire pour se sentir membre d'une communauté", explique le réalisateur dans le dossier de presse. "Le film est une invitation à s'ouvrir au monde extérieur qui emplit nos rues, à l’extérieur de nos maisons. Il ne tient qu'à nous de ne pas à nouveau rester enfermés dans nos 'trois étages'."
Le Pacte
Découpé en trois segments qui s'entremêlent, dans un récit qui, contrairement au livre dont il s'inspire, se termine après la crise à laquelle chacun fait face, Tre Piani parle aussi de transmission, à travers des problématiques elles aussi très actuelles : "À l'heure où nous parlons beaucoup de ce que nous laisserons à nos enfants en termes écologiques, nous parlons peu de ce que nous leur laisserons en termes éthiques et moraux."
"Chaque geste que nous faisons, même dans l'intimité de notre foyer, a des conséquences qui affecteront les générations futures. Chacun d'entre nous doit en être conscient et responsable : nos actions sont ce que nous laissons en héritage à ceux qui viennent après nous." Un film simple en apparence mais qui, comme ses protagonistes, cache plus de choses qu'il n'y paraît.
