"C'est tout ce que je pouvais espérer. C'est la meilleure réaction possible au film", nous dit Edgar Wright en riant, lorsque nous lui faisons remarquer qu'entre son documentaire et Annette de Leos Carax, nous allons passer un bonne partie de l'été à écouter des chansons de Sparks.
Car le groupe emmené par Ron et Russell Mael, à qui l'on doit l'histoire et les chansons d'Annette, est au cœur de The Sparks Brothers. Un documentaire pop, inventif et étonnant, dans lequel le réalisateur revient sur ceux qui ont influencé un grand nombre d'artistes mais restent finalement assez peu connus grand public, malgré vingt-cinq albums et une carrière qui dure depuis cinquante ans.
Il fallait donc bien un long entretien avec lui pour évoquer le mystère qui les entoure, le film en lui-même et son rapport à la musique. Avec un teasing sur son prochain opus.
AlloCiné : Quand et comment avez-vous eu cette idée, non seulement de faire un documentaire sur Sparks, mais de tenter de percer le mystère qui les entoure ?
Edgar Wright : Je les ai rencontrés pour la première fois en 2015. J'étais à Los Angeles, au travail sur Baby Driver. J'étais un grand fan de Sparks. Un évangéliste même, dans le sens où je demandais régulièrement à mes amis et collègues s'ils avaient déjà écouté leurs chansons. Et un jour, alors que j'étais à West Hollywood en train d'écrire avec un ami et que nous écoutions beaucoup Sparks, je me suis demandé s'ils étaient sur Twitter.
J'ai donc trouvé leur page, et vu qu'il était écrit "Sparks vous suit". Cela faisait quelque chose comme trente-six ans que je les connaissais, et j'étais tellement stupéfait de découvrir qu'ils me suivaient que je leur ai immédiatement envoyé un message privé en leur demandant s'il s'agissait du groupe ou d'un attaché de presse, en précisant que j'étais un grand fan. Et Russell a répondu : "Non, c'est bien Russell, et nous sommes des grands fans de vos films." J'étais sonné.
Il m'a demandé où je vivais et, quand je lui ai répondu que j'étais alors à Los Angeles, il m'a répondu que c'était là qu'ils habitaient. Donc je lui ai proposé que l'on se rencontre, et dans trente-deux heures qui ont suivi, je prenais le petit déjeuner avec eux dans la maison de Russell. Ce qui est intéressant, c'est que même si nous avons parlé de divers sujets, la conversation a vité dévié vers le cinéma et Ron a dit : "Gardez cela pour vous, car ça n'est pas sûr que cela se fasse. Mais nous allons peut-être faire un film avec Leos Carax."
Je voulais raconter toute leur histoire, pas les réduire à un groupe des années 70
Et moi j'adore Holy Motors donc ça m'a paru incroyable, et j'ai eu très envie de voir ce film, dont j'ai très tôt entendu parler. Dans les années qui ont suivi, après leur collaboration avec Franz Ferdinand sur "FFS" puis la sortie de l'album "Hippopotamus", ils m'ont proposé de faire un clip pour ce dernier, mais je n'ai pas pu car je terminais Baby Driver. Après la sortie du film, je suis allé les voir en concert. Et à ce moment-là, je ne songeais pas à réaliser un documentaire, mais je disais à voix haute, et notamment aux gens qui les connaissaient, que quelqu'un devrait en faire un sur Sparks.
Parce que c'est un groupe très intéressant et tellement influent. Ils ont beaucoup de fans et de collaborateurs intéressants, et leur influence a été énorme. J'étais à leur concert avec le réalisateur Phil Lord [21 Jump Street, La Grande aventure Lego, ndlr], et lorsque je lui en ai parlé, il m'a répondu que je devrais le faire moi-même. Ce qui m'est apparu comme une évidence. Cette nuit-là, j'ai écrit à Ron et Russell pour parler de mon envie de faire un documentaire sur eux, sans savoir qu'ils avaient refusé plusierus propositions par le passé, car ils ne connaissaient pas les réalisateurs.
Moi je les connaissais et ils aimaient mes films. Et dans mon argumentaire, j'ai précisé que je voulais raconter toute leur histoire, pas les réduire à un groupe des années 70. Je voulais montrer Sparks comme un groupe qui continue de faire de la musique en 2020, comme ils l'ont toujours fait auparavant. L'idée leur a vraiment plu, et c'est ainsi que tout a commencé.
Cela veut dire que vous aviez déjà toute la structure en tête dès le début ?
Oui, dans le sens où je voulais raconter toute leur histoire. J'ai eu le sentiment que, lorsque Ron et Russell ont refusé d'autres propositions de documentaires, c'était parce que les réalisateurs ne voulaient se pencher que sur les années 70. En tant que fan, ce qui me paraît particulièrement impressionnant, c'est leur longévité. Et cette volonté inlassable d'aller de l'avant et d'essayer des nouvelles choses. J'ai le sentiment que leur travail, sur ces dix-huit dernières années, est incroyablement fort.
Leur trajectoire ne ressemblait pas à celle des autres groupes, et cela en fait une proposition intéressante pour un documentaire musical. Si vous en faites un sur les Beatles, il couvre dix ans. Sur les Rolling Stones, la plupart des gens se focalisent sur les années 60 et la première moitié des années 70. Et les Sex Pistols, cela dure deux ans (rires) Mais avec Ron et Russell, il y a plus de cinquante ans. À travers leur histoire, on peut donc raconter celle de la pop culture, l'évolution des goûts et les changements de l'industrie musicale.
Ce rapport à la pop culture prouve que Sparks est un groupe très cinématographique, ce qui fait un point commun avec vous.
Avant de les connaître et d'en apprendre plus sur eux, j'ai toujours eu ce sentiment que leurs chansons étaient très cinématographiques. Et si l'on peut établir un parallèle entre leur travail et le mien, c'est que, comme j'ai pu le faire dans certains de mes films comiques, ils savent rendre grand quelque chose de petit, comme lorsqu'ils prennent un événement ou une rencontre du quotidien pour les rendre opératiques. J'ai le sentiment d'avoir fait de même dans certains de mes films, donc il y avait un lien entre nous.
Et puis Russell a étudié le cinéma à l'université alors que Ron a étudié le graphisme. Donc ils ont très tôt aspiré à être des cinéastes, et ce n'est pas surprenant de voir comment les choses se sont déroulées, et notamment avec la présentation d'Annette à Cannes [où il a remporté le Prix de la Mise en Scène, ndlr]. C'était la meilleure fin possible car, comme vous l'avez vu dans le documentaire, ils ont eu d'autres projets de films [avec Jacques Tati puis Tim Burton, ndlr] qui n'ont pas abouti. Les voir enfin réussir alors qu'ils ont 70 ans, c'est extraordinaire (rires)
"Annette" et "The Sparks Brothers" forment un double-programme parfait, car grâce au documentaire, on comprend à quel point le film de Leos Carax est important pour eux. Est-ce pour cela qu'ils sortent de façon aussi rapprochée ?
Non, non (rires) C'est vraiment une coïncidence. J'ai pensé, à un moment, qu'Amazon [qui détient les droits d'Annette dans le monde, ndlr] achèterait le film, car ça me paraissait être une évidence. Mais cela ne s'est pas produit. Ce qui a rapproché les sorties de nos deux films, c'est la pandémie. Si Annette avait été présenté à Cannes en 2020, comme c'était initialement prévu, mon documentaire serait sorti après.
Et cela s'est aussi produit ainsi car, pendant la pandémie, j'ai dû arrêter de travailler sur mon prochain film [Last Night in Soho, attendu le 10 novembre chez nous, ndlr] mais j'en ai profité pour terminer The Sparks Brothers, et cela nous a donné l'opportunité de le présenter à Sundance, avant la sortie d'Annette. Mais que les deux films sortent le même été est une coïncidence.
Vous avez parlé des similitudes entre Sparks et vous. Diriez-vous qu'ils sont post-modernes comme vous pouvez l'être ? Quand ils font une chanson intitulée "Music That You Can Dance To" ("Une musique sur laquelle on peut danser", pour répondre par l'humour à la demande d'un producteur) par exemple.
Nous avons en commun le fait d'être sérieux lorsqu'il s'agit d'être drôles. Nous prenons l'humour au sérieux. Certaines personnes, dans le cinéma et surtout la musique, voient l'humour comme un démérite. Comme s'il s'agissait d'une forme d'art inférieure.
On le voit aux Oscars et aux BAFTA, où les drames sont mieux considérés que les comédies, à qui l'on dit "Oui, c'est très divertissant, mais là c'est un film sérieux." J'ai le sentiment que, dans la musique, la comédie est encore plus mal vue. Mais Ron, Russell et moi avons en commun le fait d'être passionnés par ce que nous faisons, et nous prenons notre métier très au sérieux. Et si le matériau auquel nous donnons naissance est drôle, où est le mal ? Il y a plus à analyser et discuter dans le catalogue de chansons de Ron et Russell que chez 95% des autres groupes (rires) Car leurs paroles sont extraordinaires, à cause de leur vision de la vie, ou leur manière de raconter une histoire.
Je vois parfois leurs chansons comme des courts métrages, avec différents points de vues. Il y a un titre incroyable dans l'album "N°1 in Heaven" (1979) : "Tryouts for the Human Race". Une chanson sur le point de vue d'un spermatozoïde. Quand tu l'écoutes, tu te dis que tu n'as jamais rien entendu sur ce sujet et de ce point de vue. Et il en va de même avec des centaines de leurs chansons. Comme s'ils avaient fait plusieurs films.
Vous avez évoqué, un peu plus tôt, l'influence de Sparks. Et le documentaire soulève un paradoxe en montrant qu'ils ont inspiré de nombreux artistes mais qu'ils ne sont pas aussi connus du grand public qu'ils devraient l'être. Est-ce aussi pour cela que vous avez voulu faire ce film, pour leur rendre justice ?
Oui, c'est une manière de montrer les tickets de caisse : plusieurs personnes ont avoué avoir été influencées par Sparks, mais eux sont trop modestes, donc il faut que quelqu'un le pointe du doigt.
Par exemple : leur premier album date de 1971, et le premier de Queen de 1973. Le premier album électro de Sparks ["N°1 in Heaven", ndlr] est sorti en 1979, le premier album électro de Depeche Mode en 1981. Et nous avons d'ailleurs des gens comme Vince Clarke de Depeche Mode qui disent qu'ils adorent Sparks. Cela me semblait être une bonne manière de montrer la chronologie des choses. Des gens qui regardent le documentaire sans connaître le groupe sont étonnés, car ils reconnaissent des éléments de groupes qu'ils aiment et peuvent voir d'où cela provient. C'est comme dévoiler leur ADN.
De manière générale, Ron et Russell font preuve d'une vraie agitation créative, qui les pousse à aller de l'avant. Donc même si un groupe qu'ils ont influencé a eu plus de succès qu'eux avec quelque chose qu'ils ont eux-même fait, je ne suis pas certain qu'ils aient eu l'occasion d'être amers vis-à-vis de cela. Car ils étaient déjà passés à autre chose.
Ont-ils apporté des idées pour le film ? La séquence de la foire aux questions du début par exemple ?
L'idée de la séquence ne vient pas d'eux, mais ils ont apporté les réponses. Je leur ai suggéré de débuter avec une foire aux questions sur eux, et j'ai alors écrit les questions et eux les réponses. Et à la fin, nous avons décidé d'écrire quelques faux "Sparks Facts", afin de garder un peu de mystère autour d'eux. C'était mon idée mais il ont écrit les dix infos et je me suis chargé de la dernière, que je ne veux pas dévoiler ici.
Ce qui est amusant, c'est de savoir que vous êtes fan de Sparks puis de réaliser que vous n'avez jamais utilisé une de leurs chansons dans vos films. Parce que vous avez eu peur de les gâcher ?
Non, il y a une bonne raison à cela. Et c'est sans doute pour cela que l'on retrouve aussi peu de chansons de Sparks dans les bandes-originales : parce qu'elles demandent toute votre attention. Surtout au niveau des paroles, où il se passe beaucoup de choses.
J'ai par exemple essayé d'utiliser l'un de leurs titres dans Hot Fuzz : dans cette scène, à la fin, où Simon Pegg et Timothy Dalton se battent dans le village miniature. J'ai pensé que "This Town Ain't Big Enough for Both of Us" ["Cette ville n'est pas assez grande pour nous deux"], ce serait parfait. Donc j'ai essayé, et cela débutait très bien. Mais je me suis ensuite retrouvé à écouter la chanson plus qu'à regarder la scène.
C'est un compliment envers les Sparks que de dire que leurs chansons requièrent toute votre attention. Je pense qu'ils auraient aimé être présents dans davantage de bandes-originales, et peut-être qu'ils le souhaitent toujours. Mais leurs chansons ne sont pas du papier peint que l'on peut mettre à l'arrière-plan.
Dans le film, Jason Schwartzmann dit quelque chose de particulièrement intéressant lorsqu'il avoue ne pas être certain de vouloir regarder le documentaire, de peur d'en apprendre trop sur Sparks. Est-ce le plus gros défi auquel vous avez fait face, cet équilibre à trouver entre entre trop en dire et pas assez ?
Oui mais ce n'était pas tant un défi. Dans le sens où l'idée était de raconter leur histoire tout en les laissant garder quelque chose pour eux. Parler de leur vie privée en interview ou dans le documentaire ne les intéresserait pas car, pour eux, le travail est ce que nous laissons derrière nous. C'est notre héritage.
Comme ils le disent eux-même, le drame est sur le disque. Il y a plus de drame sur leurs disques que dans leur vie personnelle. Et je n'y vois aucun mal. J'admire le fait qu'ils parviennent à canaliser cela dans leur travail, alors que la balance penche dans l'autre sens pour certains groupes. Comme lorsqu'on en apprend plus sur les querelles au sein d'Oasis que sur leur musique : cela tend à nuire à leur héritage.
Je voulais donc raconter l'histoire de Sparks, le groupe, et il n'était pas aussi important, pour moi, de les démystifier en tant que personnes. À la fin, on en sait assez sur eux pour les aimer. Je les connais un peu plus aujourd'hui, en tant qu'amis, mais je ne ressens pas le besoin de pleinement les connaître, en tant que personnes, pour les aimer.
Il y a plus à analyser et discuter dans le catalogue de chansons de Ron et Russell que chez 95% des autres groupes
Plus encore que vos films précédents, "The Sparks Brothers" repose sur le montage. À quel point sa forme finale est-elle née pendant la post-production ?
C'est vrai qu'il fallait trouver comment raconter une histoire qui s'étale sur cinquante ans. Mais j'ai eu la chance de pouvoir travailler sur le montage avec Paul Trewartha, avec qui j'avais déjà pu collaborer pour des documentaires sur les éditions DVD de mes films, et qui est depuis devenu un grand monteur de documentaires. Il savait donc ce que j'aimais et nous avons pu aborder le montage d'une façon créative qui, je pense, reflète le groupe.
C'est un peu comme si Sparks donnait le tempo, car ils ont cet humour espiègle et que le rythme de la musique est plus rapide. Donc cela coulait naturellement. Avec un groupe qui se prend plus sérieux, le montage serait différent, et il ne serait sans doute pas aussi amusant et pop. Mais là, c'était toujours cool. Et comme un cadeau que de pouvoir monter un film sur en suivant leur rythme.
À quel point votre travail sur ce documentaire a changé votre approche en termes de réalisation et de montage ?
C'est difficile à dire car, à cause de la pandémie, je me suis retrouvé à monter ce film en même temps que Last Night in Soho. Donc je ne pourrais pas dire que quelque chose a changé avec ce documentaire. Il faudrait que vous me re-posiez la question dans cinq ans (rires)
Le fait de travailler sur deux films en même temps a-t-il influé sur l'un et l'autre ?
Je ne pense pas. Lorsque vous verrez Last Night in Soho, vous constaterez qu'il n'a absolument aucun point commun avec The Sparks Brothers. Ce qui, pour le bien de ma santé mentale, est sans doute une bonne chose (rires)
La musique occupe une place centrale dans vos films, et vous donnez parfois l'impression d'écrire pour elle - et pas seulement dans "Baby Driver". Vous a-t-il été difficile d'écrire sur la musique cette fois-ci, à son sujet ?
La difficulté venait plus du choix des chansons avec lesquelles j'allais raconter cette histoire. Même avec une durée de 2h15, il y a beaucoup de mes chansons préférées de Sparks que je n'ai pas pu inclure. Il a donc fallu réduire leur nombre et ne garder que celles qui permettaient de raconter l'histoire du groupe. Je pourrais vous citer vingt de mes chansons préférées qui ne sont pas dans le film. Car le problème était de déterminer comment raconter leur histoire sur cinq décennies, et avec quels titres.
Que représente la musique dans votre travail ? Est-ce un point de départ ou quelque chose que vous rajoutez ensuite ?
Cela dépend du film. Dans le cas de Baby Driver, les chansons m'aidaient à écrire les séquences qu'elles allaient accompagner. Dans Le Dernier pub avant la fin du monde ou Last Night in Soho, les chansons évoquent une période : celle de mon adolescence dans le cas du Dernier pub…, et une époque antérieure à ma naissance pour ce qui est de Last Night in Soho, mais que j'ai vécue par procuration grâce à mes parents et d'autres personnes qui étaient alors nées.
La musique peut donc servir à illustrer une humeur ou un sentiment. Mais ce que j'ai tendance à faire, c'est écouter des centaines de chansons, et celles qui feront partie du film commencent à émerger à partir de là : vous l'écoutez et vous commencez à imaginer la scène.
Quels sont les cinq albums que vous recommanderiez à quelqu'un qui ne connaît pas Sparks, pour découvrir le groupe ?
C'est très difficile comme question, car aucun album ne raconte toute leur histoire. Mais si je devais n'en choisir que cinq, le premier serait "Kimono My House" (1974), l'album glam rock proto-punk qui les a fait connaître. Et l'un des meilleurs de tous les temps. Puis il y a "N°1 in Heaven", qu'ils ont fait avec Giorgio Moroder. Il est extraordinaire, génial à écouter et a eu une grande influence.
Je passe ensuite à l'un de leurs albums des années 80, qui est devenu l'un de mes préférés grâce au documentaire. Ce n'était pas un gros succès en Grande-Bretagne, mais il était plus important aux États-Unis : "Angst in My Pants" (1982). Après je refais un bond en avant, jusqu'à 2002 et "Lil' Beethoven", qui marque le début de la phase 3 de leur carrière. Un album extraordinaire, comme un retour à zéro.
Enfin je vous laisse choisir entre leurs deux derniers albums : "Hippopotamus" (2017) et "A Stready Drip, Drip, Drip" sont tous deux très étonnants. Comme un retour à des chansons pop légères, avec un style très Sparks. Donc vous ne pouvez pas vous tromper en écoutant l'un des deux.
Parce que le hasard fait bien les choses, Edgar Wright a composé une playlist pour aider à découvrir Sparks :
J'imagine que "Annette" a dû vous plaire. Et notamment cette séquence d'ouverture, qui aurait tout à fait pu faire partie de "Baby Driver".
La scène m'a surtout rappelé cette incroyable séquence d'accordéons dans Holy Motors : l'entracte avec Denis Lavant, qui était extraordinaire. Donc j'ai plutôt vu l'ouverture d'Annette comme un renvoi à cela. Mais ce qui est drôle, c'est que lorsque j'ai fait Baby Driver, j'avais monté une bande démo, lorsque je cherchais des financements. Avec des extraits d'autres films calqués sur les chansons de Baby Driver, afin de montrer ce que je voulais faire.
Et l'un des extraits était tiré de Mauvais sang de Leos Carax : cette séquence incroyable pendant laquelle Denis Lavant court sur fond de "Modern Love" de David Bowie. C'est pour moi l'une des meilleures utilisations d'une chanson pop dans un film.
Pour ce qui est d'Annette, j'ai eu la chance de pouvoir le voir il y a quelques mois. Et j'étais tellement heureux. Car j'adore Ron et Russell, et les films de Leos Carax. Et j'ai trouvé que celui-ci était incroyablement audacieux. C'était pourtant son premier film en anglais et, souvent, les gens s'inquiètent et pensent qu'un réalisateur a dû faire des compromis dans ce cas. Mais non, et le résultat est même encore plus bizarre que ses précédents (rires)
Annette est vraiment tout ce que vous voulez qu'il soit. Il est sauvagement non-conventionnel et j'aime la façon dont la bande-originale fonctionne comme dans un opéra. L'ensemble est très audacieux et plusieurs séquences m'ont donné des frissons. Comme dans cette scène incroyable où Simon Helberg dirige un orchestre tout en parlant. Le spectacle est incroyable, et je me suis plusieurs fois demandé comment il avait tourné cela.
Comme ce plan où Adam Driver et Marion Cotillard sont à moto sur Mulholland Drive et chantent en play-back alors que c'est clairement eux qui conduisent la moto. Et moi je sais à quel point ces engins sont bruyants, donc je me demandais comment ils avaient fait. Il y a beaucoup de génie dans ce film et j'ai hâte de le revoir. Je le trouve vraiment émouvant. Je suis très heureux que tout se soit bien passé pour eux à Cannes, et je pense que beaucoup de gens vont aimer Annette.
Cette année, nous aurons la chance de pouvoir voir deux de vos films : que pouvez-vous nous dire sur "Last Night in Soho" ? Et notamment son utilisation de la musique ? Vu que l'intrigue se déroule dans le Londres des années 60, il serait étonnant qu'elle n'occupe pas une place importante.
Oui, et je suis très content de la bande-originale. Mais je ne vais pas vous donner les titres de chansons qu'elle contient, même si je peux vous dire que la reprise de "Downtown" par Anya Taylor-Joy que l'on entend dans la bande-annonce sera dans le film. Et qu'elle a chanté quelques chansons. Elle possède une voix incroyable.
Il y aura également quelques super chansons de l'époque. Et Steven Price [compositeur du Dernier pub avant la fin du monde et Baby Driver, ndlr] a composé un score fantastique. Je peux donc vous annoncer qu'il y aura deux albums : une bande-originale et un score. Car il y a beaucoup de musique dans le film.
Comme "Scott Pilgrim" donc ?
Oui, c'est exactement ça !
Propos recueillis par Maximilien Pierrette à Paris le 21 juillet 2021
"Last Night in Soho" est attendu le 10 novembre dans nos salles :