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    Betty saison 2 sur OCS : pourquoi il faut absolument découvrir cette série ado féministe sur le skate
    Julia Fernandez
    Julia Fernandez
    -Journaliste Séries TV
    Elevée à « La Trilogie du samedi », accro aux séries HBO, aux sitcoms et aux dramas britanniques, elle suit avec curiosité et enthousiasme l’évolution des séries françaises. Peu importe le genre et le format, tant que les fictions sortent des sentiers battus et aident la société à se raconter.

    Alors que la saison 2 de Betty démarre ce 12 juin sur OCS, c'est l'occasion de (re)découvrir cette formidable série dérivée du film "Skate Kitchen" de Crystal Moselle. Une ode au féminisme et à la liberté.

    De quoi ça parle ?

    A New York, la vie d'un groupe de jeunes femmes évoluant dans l'univers, à prédominance masculine, du skateboard. Elles s'appellent Janay, Honeybear, Kirt, Indigo et Camille. Très différentes les unes des autres, elles partagent une passion commune.

    6 épisodes de 26 minutes - à partir du 12 juin sur OCS

    Ca vaut le coup d'oeil ?

    Crystal Moselle, réalisatrice du surprenant documentaire The Wolfpack en 2016, signe avec Betty une adaptation libre de son second long-métrage, Skate Kitchen, sorti en 2018. Acclamé par la critique, le film montre une tranche de vie d'un groupe d'adolescentes inconoclastes réunies autour du skate. Tout en suivant une intrigue différente, la série Betty reprend les mêmes personnages et leurs interprètes, et permet d'explorer leur univers plus en profondeur tout en développant son propos politique et inclusif. 

    Janay (Ardelia Lovelace) et Kurt (Nina Moran), deux amies qui se réunissent un après-midi à Brooklyn après avoir créé un groupe sur internet pour proposer un rassemblement de filles au skatepark, font la rencontre de la timide Honey Bear (Kabrina Adams, aka Moonbear), de la très décontractée Indigo (Ajani Russell) et de Camille (Rachelle Vinberg), skateuse de talent qui traîne exclusivement avec les garçons. 

    HBO

    Occuper l'espace

    Dès le premier épisode, le postulat de la série est formulé par Kurt : pour les filles, faire du skate est un geste militant. Comment réussir à s'imposer dans un espace sportif quasi-exclusivement masculin ? Oser monter sur la planche, se réunir, rider, tomber, rire, recommencer sans craindre les regards sont autant de gestes qui prennent une ampleur politique alors que ces filles joyeuses et insouciantes apprennent à se réapproprier un terrain de jeu et un sport dont la société les a exclues.

    Le titre de la série est significatif de cette réappropriation : si "betty" est un adjectif plutôt réducteur utilisé pour désigner une jolie fille athlétique s'adonnant au skate ou au surf, il est ici employé comme un étendard pour ce groupe de filles puissantes aux looks colorés, qui dévalent les rues de Brooklyn en zigzaguant entre les voitures sur une bande-son hip hop (à noter que toutes les actrices font du skate et effectuent leurs propres figures dans la série.)

    Car occuper l'espace, c'est aussi se libérer du regard patriarcal, à l'instar de Kurt qui n'hésite pas à donner de la voix et entrer en confrontation avec ceux qui tentent de s'en prendre à elle ou à sa bande. Dans Betty, la sororité passe avant tout, quitte à bousculer les préconceptions des personnages (notamment celles de Camille, qui recherche la validation des garçons pour se faire intégrer dans le skate park) et à les mettre devant leurs propres contraditions, lorsqu'un scandale #MeToo vient déstabiliser une fille du groupe. 

      HBO

      Culture skate, vaping et génération Z

      Emprunt de néoréalisme et à la limite du docu-fiction tant la part d'improvisation semble laissée à ses acteurs et actrices, Betty convoque tout un imaginaire du skate à l'écran, forcément masculin. De Lords of Dogtown au récent 90's de Jonah Hill, en passant par les films d'Harmony Korine et de Larry Clark (Ken ParkWassup Rockers), Betty renvoie à tout un pan du cinéma nourri de la contre-culture skate, hip hop et cannabis, mêlée au mouvement vaping de la génération Z.

      Cigarettes électroniques pour fumer du CBD, looks streetwear unisexes et corps assumés, le tout porté par un mode d'esprit lucide et un regard désabusé sur l'ancien monde - celui des boomers - les codes du vaping flirtent avec la mélancolie. Un courant parfaitement illustré dans Euphoria, l'autre teen série de la chaîne HBO, qui ouvre de plus en plus le champ aux jeunes auteur.ice.s issu.e.s du cinéma indépendant.

      En situant son cadre dans une ville en constante évolution, Betty illustre enfin un Brooklyn populaire et réaliste, en opposition à la gentrification galopante de la ville qui efface peu à peu son multiculturalisme et son histoire marquée par le hip hop East-coast à coups de coffee shops et de lieux-concepts, qui utilisent l'histoire de la ville comme un ressort marketing.

      Honey bear (Moonbear)

      Quand être soi devient politique

      Coécrite avec Lesley Arfin (créatrice de la comédie dramatique Love sur Netflix), la série de Crystal Moselle donne la part belle à l'inclusivité et à la diversité, et montre avec beaucoup de sensiblité les difficultés d’être soi quand on est en marge, et du besoin du groupe pour se faire une place.

      On assiste ainsi à un constrate intéressant entre le côté grande gueule assumée de Kurt, qui flirte ouvertement avec toutes les filles qui lui plaisent et encourage ses pairs à s'affirmer, et des personnalités plus introverties comme Honey bear, (qui cache sa passion du skate et son look à sa famille rigoriste), ou encore Camille, tomboy qui veut désespérément faire partie des des "mecs cools", en se donnant à fond dans la pratique du skate pour gagner leur respect, quitte à ignorer le groupe de filles qui tente de sympatiser avec elle - mais vite rattrapée par les stéréotypes de genre lorsqu'elle tombe amoureuse d'un des garçons de la bande.

      Un sentiment de fluidité rare émane de la série, servie par une réalisation sensuelle et brute qui lui permet de véhiculer son message avec grâce, sans tomber dans une représentation forcée des minorités ethniques et sexuelles, mais de l'ordre de la chronique réaliste d'une génération inclusive et militante.

      Indigo (Ajani Russell)

      Rythmée, drôle et profonde, Betty est une oeuvre aux vertus émancipatrices. A l'instar du slogan asséné par l'actrice et activiste Nina Moran dans son TEDx Talk visible sur Youtube, Girls belong in the (Skate) kitchen - que l'on pourrait traduire par "les filles doivent rester dans la cuisine (du skate)", jeu de mots probable avec le film Soul Kitchen de Fatih Hakin : "en tant que fille, monter sur un skate pour la première fois, c'est incroyable. C'est comme enfourcher un balai magique qui peut vous emmener où vous voulez (...) et le fait d'être en groupe, ça élimine le sentiment d'intimidation."

      Les filles d'aujourd'hui peuvent, et doivent se sentir libres de reconquérir l'espace urbain et s'y faire une place. Poser le pied sur une planche de skateboard et glisser sur le bitume avec fierté est un premier pas. 

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