En réalisant trois épisodes de la deuxième partie de Lupin, Hugo Gélin s'aventure dans un tout nouveau genre. Cinq ans après la comédie dramatique Demain tout commence, le réalisateur retrouve Omar Sy pour la série devenue un véritable phénomène culturel en janvier dernier. Pour AlloCiné, le cinéaste est revenu sur son implication dans le projet, la liberté de ton laissée par la plateforme Netflix et un tournage périlleux sous couvre-feu.
AlloCiné : Comment êtes-vous arrivé sur le projet Lupin ?
Hugo Gélin : J'avais déjà fait un film avec Omar Sy, Demain tout commence, et il m'a appelé, tout simplement. Il était en train de tourner avec Louis Leterrier et il cherchait un réalisateur pour le final. C'était un grand tournage d'un an pour les deux parties, il fallait donc quelqu'un pour finir la partie 2 avec trois épisodes. Il m'a demandé : "Ça t'amuserait de venir ?" D'abord, j'avais envie de le retrouver, mais il y avait aussi un challenge artistique que je voulais relever.
Filmer sans avoir écrit le scénario, c'est une première pour moi. Une série, c'est une autre manière de raconter les choses, de tourner et c'est un autre genre à explorer. Il y a plein de clins d'oeil au cinéma des années quatre-vingt-dix qui me plaît, un cinéma de divertissement assumé et généreux. Jusqu'ici, j'avais fait des films sur l'amitié, l'amour et la famille, mais jamais une histoire d'espionnage ou d'enquête.
Il est vrai que lorsqu'on regarde votre filmographie, comme Mon Inconnue par exemple, le grand écart est assez important. Était-ce un défi qui vous faisait peur ?
En réalité, j'ai toujours eu envie de faire des films d'action. Même dans Mon Inconnue justement, qui est pourtant une comédie romantique, le film s'ouvre sur une scène d'action futuriste où mes héros affrontent des mercenaires dans un Paris enneigé. Je fais tout pour mettre des scènes qui ne sont pas liées à mon histoire principale. Dans Demain tout commence, Omar Sy était cascadeur et cela me permettait d'incorporer des séquences de cascade. Le défi Lupin ne me faisait pas peur, au contraire, j'étais excité. C'était un exercice qui m'enthousiasmait.
L'autre challenge c'était d'apporter son propre style tout en respectant un cahier des charges déjà établi...
Il y a deux choses : tout d'abord, le bon sens. C'était impossible de se lancer dans quelque chose qui n'avait rien à voir avec les épisodes précédents, je n'avais même pas envie de faire quelque chose de différent d'ailleurs. Ensuite, il y a la liberté que l'on m'a laissé. Personne ne m'a jamais dit : "Tu dois filmer de cette façon, tu dois faire comme Louis Leterrier !" J'ai pourtant posé la question, si je devais reprendre le même chef opérateur, suivre une grammaire particulière. Ils m'ont dit qu'ils considéraient chaque épisode comme un sous-genre dans le genre.
Je prenais ces épisodes comme des petits films : il y a l'épisode Bonnie and Clyde, qui est romantique, le suivant est une chasse à l'homme comme dans Le Fugitif, puis on termine au théâtre sur scène avec tous les personnages, ce qui est un classique dans ce genre-là.
J'ai travaillé avec les mêmes décorateurs et costumiers que Louis Leterrier, qui sont tous formidables. Mais en terme de mise en scène, j'ai eu le chef opérateur que je voulais et toute mon équipe habituelle. On ne m'a jamais demandé de faire "à la manière de". Même si la série doit rester uniforme, il y a de la place pour imposer son identité, son style, sa manière de filmer et de diriger les acteurs car personne ne les dirige de la même façon.
Combien de temps avez-vous eu pour tourner votre partie ?
Pour trois épisodes, j'ai eu 35 jours. Vous imaginez, c'est plus court que le temps de tournage de Mon Inconnue qui, lui, est un seul film. C'est un rythme très différent mais c'était un jeu, un défi intéressant. Au lieu de faire plusieurs prises, nous faisions plusieurs plans. On tournait avec deux, si ce n'est trois caméras. C'est une autre manière de penser les mises en scène, de jouer avec les acteurs. C'est une mécanique, une gymnastique à apprendre.
De nombreuses séquences, notamment celle au théâtre du Châtelet, nécessitent beaucoup de figurants. Pourtant, vous avez tourné pendant le confinement avec des restrictions sanitaires plus lourdes qu'aujourd'hui. Comment cela s'est-il passé ?
On a tourné en pleine pandémie, en octobre dernier, au deuxième confinement et pendant le couvre-feu. Pour la scène du théâtre du Châtelet, c'était un combat de dingue. Nous avons testé 150 personnes. C'était il y a huit mois et à cette époque, nous n'étions pas comme aujourd'hui. Nous avons réussi, grâce aux autorités, à obtenir 150 personnages qui ont accepté de passer le test.
Pareil pour les musiciens sur scène. Et 150 figurants, c'est peu. On a dû les déplacer à chaque prise. L'idéal aurait été d'avoir au moins 500 personnes. Pour les scènes en extérieur, dans la rue par exemple, nous demandions aux gens de retirer les masques. Mais il fallait être attentif. Lorsqu'il y avait des masques involontaires, nous avons pu les gommer grâce à la magie de la post-production.
Découvrez l'interview du compositeur de la bande originale de "Lupin" :