Lauréat du prix du court métrage au concours Audi Talents Awards en 2014, Romain Quirot avait impressionné le jury avec Le Dernier voyage de l'énigmatique Paul W.R.. Un projet qui renferme un monde post-apocalyptique et lyrique au ton singulier et aux effets spéciaux ambitieux. Sept ans plus tard, le cinéaste dévoile le long métrage, simplement intitulé Le Dernier voyage, dans lequel il retrouve Hugo Becker, qui reprend son rôle de Paul W.R. AlloCiné a pu rencontrer le réalisateur lors du Festival du film francophone d'Angoulême en août 2020, où était présenté ce pari fou en avant-première. Interview.
AlloCiné : Comment vous êtes-vous lancé dans l’aventure de ce film, qui était initialement un court métrage ?
Romain Quirot : Lorsque j’ai participé aux Audi Talents Awards en 2014, je me suis dit : "Si tu gagnes, tu fais un long métrage." Recevoir ce prix a été un vrai soulagement car en France, faire un court métrage de science-fiction, c’est très compliqué. Heureusement, nous avons eu une belle visibilité grâce aux festivals dans lesquels il a été présenté. Mais très vite, il y a eu une frustration. Nous avions poser les premières pierres d’un univers, nous commencions juste à jouer avec et il y avait une volonté de continuer.
J’avais un début d’histoire sur la fuite d’un homme, accompagné par une adolescente. J’ai fait en sorte que cette idée de road movie puisse se rattacher au monde de Paul W.R.. Nous avons rajouté un personnage qu’on ne fait qu’évoquer dans le court métrage, Lucie. Dans ce film, j’avais envie qu’elle devienne une héroïne forte, qui est incarnée par Lya Oussadit-Lessert.
La France propose peu de films comme le vôtre. À quel point ce projet a-t-il été difficile à mener ?
Arriver et proposer un film comme ça, c’était fou. Mais je voulais aller jusqu’au bout. Je me disais : "Tu ne peux pas te plaindre et dire que tu ne vois pas assez de films de genre en France, si c’est pour finalement t’aligner avec les autres." C’est fondamental qu’une génération tente des choses. Donc oui, la production a été un calvaire, du début à la fin. Du story-boarding au montage. Heureusement, j’avais une belle équipe et des producteurs qui y croyaient, mais du côté des financiers, on sentait qu’il y avait une peur.
Nous nous sommes même posés la question de le faire en anglais car c’était tellement cloisonné chez nous. Mais c’était important que le film soit français. Par exemple, il n’y a qu’ici qu’on pouvait créer une vieille Peugeot volante. Et puis il y a une dimension personnelle. C’est un premier film que je porte depuis le court métrage, mais même bien avant cela. Je dirais depuis l’enfance car je faisais des bandes dessinées et en fouillant dans mes anciens dessins, j’ai retrouvé des éléments qui se sont retrouvés, inconsciemment, dans mon film.
Sur le plateau, c’était pire qu’un sprint, nous dormions 2 heures par nuit.
Le Dernier Voyage est une œuvre très référencée, qui évoque beaucoup le cinéma des années 1980 et 1990. Quelles étaient vos inspirations ?
J’ai grandi dans les années 1980 et 1990 et j’ai été très marqué par le cinéma américain. Mais je voulais approcher la science-fiction de manière poétique et reprendre des codes que nous connaissons tous, comme les voitures volantes ou le héros qui sauve le monde, pour mieux les détourner. Je souhaitais mêler le spectaculaire à l’intime. Du côté des inspirations, je me suis autant tourné vers Le Petit Prince que les œuvres de l’écrivain Ray Bradbury.
Vous avez tourné au Maroc. Les paysages du film regorgent d’effets spéciaux impressionnants. Comment avez-vous travaillé sur la direction artistique et sur ces nombreux plans ?
Tout a été pensé en amont. J’ai dessiné, pendant plusieurs mois, chaque image, chaque plan. Tout ce que vous voyez a été story-boardé. Il fallait être le plus précis possible car nous n’avions qu’une vingtaine de jours pour tourner. Ce qui est très peu. Le tournage a été efficace car je cadrais moi-même donc j’insufflais un rythme à l’équipe technique et aux comédiens. Sur le plateau, c’était pire qu’un sprint, nous dormions 2 heures par nuit. Il y avait une vraie dynamique et j’espère qu’elle se ressent dans le film.
Les effets spéciaux ont été réalisés par une société française ?
Oui, par Digital District. La post-production a été très longue car il y a beaucoup d’effets. Nous avons été soutenus par un de nos producteurs, David Danesi, qui a mis beaucoup d’énergie dans le projet. C’est un film qui s’est fait avec de la passion. Mais cela ne suffit pas d’avoir des effets spéciaux réussis. Il fallait également qu’ils correspondent à la sensibilité du film, à son univers.
Vous retrouvez une partie de l’équipe de votre court métrage, mais aussi de nouveaux arrivants, comme Jean Reno et Philippe Katerine…
J’aime l’idée d’être fidèle, de poursuivre une aventure aux côtés des personnes avec qui j’ai grandi. C’était important pour moi d’embarquer Hugo Becker, qui joue Paul W.R., et Etienne Forget, qui compose la musique, dans cette nouvelle étape. Il fallait de nouveaux personnages alors nous avons organisé des castings. Pour le rôle d'Elma, j’ai rencontré beaucoup de comédiennes et le profil de Lya s’est imposé comme une évidence. Elle avait une spontanéité qui était parfaite pour le film. Du côté d'Eliott, j’avais besoin d’un acteur qui sache être drôle, mais aussi un peu flippant. Paul Hamy est un peu fou, il est très généreux, il propose et tente énormément de choses, c’était un vrai bonheur de travailler avec lui.
J’ai eu beaucoup de chances d’avoir Jean Reno. Pour ce rôle de père, une sorte d’Elon Musk à la française, il fallait quelqu’un qui puisse porter ce personnage avec crédibilité et un certain rayonnement à l’international. Et Jean Reno c’est aussi un clin d’œil pour tous ses films culte que nous avons en tête. C’est un acteur très touchant car il a quelque chose de poétique en lui. Quant à Philippe Katerine, j’avais envie d’avoir cet animateur radio un peu fantasque. J’avais pensé à des artistes comme Orelsan ou Roméo Elvis, mais finalement, Philippe Katerine est celui qui se rapprochait le plus de ce personnage. Il a une telle folie et une telle sensibilité.
Travaillez-vous sur un autre projet ?
Entre le court métrage et le long, j’ai écrit une saga de romans pour jeunes adultes qui s’appelle Gary Cook. Elle se passe dans un monde futuriste couvert d’eau. C’est un peu l'équivalent marin de Paul W.R. (rires). C’est une histoire qui se focalise plus sur le chamboulement de la jeunesse, la fin du monde comme la fin de l’enfance. Nous sommes en train de développer l'adaptation de ces livres en série. J'ai également d'autres projets avec mes producteurs, qui sont assez fous pour me faire confiance.
Propos recueillis par Thomas Desroches, à Angoulême, en août 2020.