Le combat peut enfin commencer en France ! 26 ans après la version signée Paul W.S. Anderson, la franchise Mortal Kombat se relance au cinéma avec un reboot mis en scène Simon McQuoid. Aux cotés du producteur Todd Garner, le réalisateur revient sur cette nouvelle adaptation, disponible depuis le 12 mai à l'achat digital dans l'Hexagone.
- Mortal Kombat sur Canal VOD
Une sortie vidéo qui, pour le moment, n'exclut pas un éventuel passage dans les salles même si le line-up s'annonce déjà chargé lorsque celles-ci vont rouvrir. Mais les plus impatients peuvent d'ores et déjà découvrir ce long métrage dans lequel les plus grands champions de la Terre sont appelés à combattre les ennemis de l'Autre Monde. Avec beaucoup de sang et de fatalités.
Le film est-il accessible au public qui ne connaît rien de l'univers ?
Simon McQuoid : Bien sûr ! Nous avons passé beaucoup de temps pour nous assurer de ne pas parler qu'aux fans, et faire en sorte de servir ces derniers autant que les néophytes. Nous cherchons vraiment à élargir l'univers, de façon à ce que plus de gens l'apprécient. Mais il n'était pas question de changer ce que nous avions pour l'adapter à un nouveau public : cela a beaucoup été fait dans des films tirés de jeux vidéo, qui ont été des échecs.
Nous avons plutôt cherché à rester fidèle à l'ADN de Mortal Kombat au sein d'une histoire que nous avons rendue accessible. Car nous nous adressons à un public très large. Mais c'est déjà très varié parmi les fans du jeu, car chacun a ses personnages préférés. Je répétais souvent à nos équipes que des spectateurs viendraient voir le film parce qu'il contient un personnage qu'ils adorent, que ce soit Jax [Mehcad Brooks] ou Sonya [Jessica McNamee]… Donc lorsqu'il était question de leur donner vie, de leur costume, je savais que des gens attendaient cela avec impatience et que nous ne devions pas nous louper (rires)
Pour vous donner un exemple : dans la scène d'ouverture qui revient sur l'histoire de Scorpion et Sub-Zero, j'ai cherché à présenter les personnages d'une manière qui respecte les fans, tout en m'assurant que des néophytes pourraient comprendre ce qu'il se passe et le conflit qu'il y a entre eux. Tout le monde devrait pouvoir se connecter avec ce que nous racontons.
La séquence d'ouverture de "Mortal Kombat" :
Il est difficile de faire un bon film tiré d'un jeu vidéo. En étiez-vous conscient, et qu'est-ce qui était important pour vous, afin de réussir à franchir cet obstacle ?
Todd Garner : Pour moi ce n'est pas tant un film tiré d'un jeu vidéo qu'un film d'arts martiaux. Et il y en a beaucoup de bons, donc il est plus facile de trouver des modèles à suivre dans ce registre. Je pense que le principal problème des adaptations de jeux vidéo est qu'elles ne se focalisent pas assez sur les personnages. Nous, nous avons fait attention à cela.
Le film débute avec une scène dans laquelle personne ne parle anglais. Tout est sous-titré, il y a de la romance, de la mort, de la tragédie… Beaucoup de choses se passent dans les treize premières minutes donc nous voulions d'emblée faire preuve de respect envers les personnages et l'univers du jeu, mais dans une ambiance qui rappelle davantage celle d'un film d'Akira Kurosawa qu'un jeu vidéo. Pour que le public comprenne qu'on ne les plonge pas dans de l'action folle où tout le monde tue tout le monde, mais que nous prenons notre temps pour installer les personnages, l'histoire et les conflits.
Quelles ont donc été vos influences parmi les films d'arts martiaux ?
Todd Garner : Oh mon Dieu ! Il y en a tellement. Les premiers Kurosawa. Tigre et dragon. The Raid. Même les John Wick. Deadpool. Matrix. Kill Bill. Nous avons tout regardé. Mais c'est aussi mon travail. Je fais des films depuis trente ans, et c'est mon boulot que de connaître ces choses, pour être sur la même longueur d'ondes que Simon et son équipe en ce qui concerne la photo et les chorégraphies des combats.
Mais il fallait faire attention à ne pas copier tous ces films et parvenir à créer quelque chose qui n'a jamais été vu auparavant, pour éviter le sentiment de déjà vu du public. Parvenir à se différencier a été l'un de nos défis.
Ce n'est pas tant un film tiré d'un jeu vidéo qu'un film d'arts martiaux
Qu'est-ce qui rend les jeux "Mortal Kombat" si cinématographiques selon vous ?
Simon McQuoid : Je pense que ce sont les personnages. La grande popularité de Mortal Kombat provient de ses personnages qui ont été développés au fil des ans et des décennies. Surtout qu'il y en a eu de plus en plus, ce qui a rendu l'histoire plus complexe sans que l'on en perde le cœur et ce que représente Mortal Kombat. Les jeux ont trouvé les ingrédients fondamenteux qui font leur ADN très tôt, et ils se sont ensuite appuyés sur ces bases.
A tel point que, lorsque j'ai reçu le scénario pour la première fois, j'ai réalisé que ces ingrédients pourraient donner naissance à une expérience cinématographique massive et épique. J'aime la richesse des personnages mais également la brutalité, le sens de l'humour. Et je pense que toutes ces données réunies peuvent fonctionner au cinéma.
Qui est pour vous le personnage le plus complexe du film ?
Todd Garner : Ils le sont globalement tous. Le plus tragique, c'est évidemment Hanzo Hasashi [alias Scorpion, joué par Hiroyuki Sanada, ndlr], car son clan est éliminé et qu'il est envoyé en enfer où il prépare sa vengeance. Mais Bi-Han [Sub-Zero, incarné par Joe Taslim, ndlr] est un personnage complexe également. C'est quelqu'un qui croit en sa mission d'éliminer les membres des autres clans pour le compte des Lin Kuei, pour que ces derniers soient les plus forts.
Mais c'est aussi un ninja froid qui produit de la glace, et j'imagine que ça n'est pas une vie facile (rires) C'est d'ailleurs pour cette raison que l'histoire débute avec eux. Car leur relation est complexe, donc nous voulions nous assurer que nous avions assez de temps pour la traiter correctement.
L'absence de Johnny Cage inquiète certains fans, qui craignent qu'il manque l'humour qu'il apporte. Comment le film va-t-il compenser cela ?
Todd Garner : Johnny Cage est un super personnage. Il est important et drôle. Et il mérite d'être traité ainsi. Mais en regardant l'histoire que nous voulions raconter, en nous assurant de poser des bases solides sans perdre les néophytes, nous nous sommes rendus compte que Johnny Cage et Kano [Josh Lawson] avaient des personnalités proches. Et nous ne voulions pas qu'ils se marchent sur les pieds. Mais nous avons de grands projets pour Johnny Cage. Ce n'est pas quelqu'un que vous pouvez balancer au milieu d'un groupe en espérant qu'il brille.
Les premiers jeux et le film de 1995 mettaient en avant l'aspect tournoi, qui semble ici avoir été remplacé par des conflits entre les personnages. Y aura-t-il quand même de la place pour un tournoi ?
Todd Garner : Nous ne voulions pas faire un film qui ne soit qu'un tournoi, dans lequel tout le monde débarque à tour de rôle dans une arène et commence à se battre. Je pense que cela n'aurait pas fonctionné, et cela faisait trop jeu vidéo.
Nous avons donc dû chercher comment intéresser le public, les fans comme ceux qui ne connaissent pas l'univers, avec ces histoires, de façon à ce que lorsque les personnages se battent, vous sachiez de qui il s'agit et les conflits qu'il y a entre eux. Il fallait que ces scènes aient une signification, et ce ne serait pas le cas avec un simple tournoi.
La bande-annonce du film de 1995 :
La présence de James Wan à la production a-t-elle ajouté un côté "horreur" aux scènes de combat ?
Simon McQuoid : Nous avons eu quelques discussions, mais il n'a pas été trop présent. Il m'a laissé faire ce que je voulais, sans me donner d'indications d'ordre stylistique. Mais je voulais qu'il y ait des variations dans les combats, pour être certain de ne pas lasser les spectateurs, fans compris. Chaque combat devait avoir une raison d'être et permettre de construire un personnage et l'histoire. Raconter quelque chose. Qu'il s'agisse de la grande histoire ou, dans le cas de la scène d'ouverture, quelque chose qui trouvera son aboutissement plus tard.
Je n'irais pas jusqu'à parler d'horreur, car ça n'est pas trop mon truc. Je ne regarde même pas de films d'horreur. Mais j'ai cherché à amener un peu de suspense et de drame, afin de surprendre les spectateurs. Je recherchais plus une sensation pour le public qu'un registre en particulier.
Les combats s'annoncent particulièrement sanglants. Jusqu'à quel point êtes-vous allés sur le plateau avant que les effets numériques ne prennent le relais ?
Simon McQuoid : Nous avons cherché à respecter l'âme du jeu en proposant des combats brutaux. Mais ce qui m'a plu et attiré dans ce projet, ce n'est pas l'idée de la violence pour la violence. Ce sont plus les conflits qui les guident et les rendent authentiques. J'ai cherché à être le plus réaliste possible tout en ayant une approche cinématographique, pour que cela devienne le ton du film.
Les fatalités n'ont ainsi pas été ajoutées par besoin d'un moment choquant ou d'une action particulière d'un personnage. Il fallait qu'elles servent l'histoire et les protagonistes, tout en restant fidèles aux jeux que nous adaptons. Que nous puissions les inclure dans le récit et non en faire des exécutions. C'est pour cette raison que je voulais que tout corresponde à la même approche stylistique.
Nous avons tourné des morts sur le plateau, mais beaucoup de choses on été faites grâce aux effets spéciaux. Grâce notamment à une équipe basée à Melbourne et à qui l'on doit Goro et un passage que personne n'a encore vu mais qui est assez brutal. Ce qu'ils ont fait sur Goro en pré-production était tellement réussi que cela nous a encouragés à faire davantage appel à eux que je ne le pensais en m'engageant sur le projet. Le niveau de réalisme de ce qu'ils ont créé est incroyable, et nous a permis de faire des ajustements sur la violence, afin de ne pas être classés NC-17 (interdit aux moins de 17 ans aux États-Unis), car il est facile de franchir cette ligne.
Le personnage principal, Cole Young, a été créé pour les besoins du film, et il suscite bon nombre de théories chez les fans. Que pensez-vous de tout ce qui a été écrit à son sujet ?
Simon McQuoid : Je ne peux évidemment pas dire grand-chose à son sujet. Mais il ne nous a pas semblé controversé d'introduire un personnage inédit, puisque les jeux l'ont régulièrement fait. De plus, Cole [Lewis Tan] représente les yeux du public, qui découvre l'univers avec lui. C'est une fenêtre sur ce monde. Même pour les fans, vis-à-vis de l'histoire.
Et c'était pour nous un ingrédient nous permettant de ne pas tomber dans le même piège que d'autres films tirés de jeux vidéo. Comme vous le savez évidemment, la narration n'est pas la même dans un film et dans un jeu, en termes de structure notamment. Et nous avons pensé que cela nous aiderait à vaincre cette malédiction - dans l'idée du moins. Sans trop en révéler, sachez que Cole a une raison d'être dans l'histoire, au-delà du fait d'être un nouveau personnage.
Propos recueillis par Maximilien Pierrette à Paris le 16 mars 2021