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    Bonnie and Clyde sur Arte : comment ce film de gangsters a révolutionné Hollywood
    Vincent Formica
    Vincent Formica
    -Journaliste cinéma
    Bercé dès son plus jeune âge par le cinéma du Nouvel Hollywood, Vincent découvre très tôt les œuvres de Martin Scorsese, Coppola, De Palma ou Steven Spielberg. Grâce à ces parrains du cinéma, il va apprendre à aimer profondément le 7ème art, se forgeant une cinéphilie éclectique.

    Le film culte Bonnie and Clyde est diffusé sur Arte, l'occasion de faire un focus sur la production passionnante de ce film du Nouvel Hollywood.

    En 1967, Bonnie and Clyde débarque au cinéma et marque le début d'une révolution sur grand écran. Violente et sans concessions, l'oeuvre signe l'acte de naissance du Nouvel Hollywood.

    Le récit nous transporte aux Etats-Unis, dans les années 1930. C'est la Grande Dépression, suite au krach boursier de 1929. Un couple d'amants criminels, Bonnie Parker et Clyde Barrow, sillone le pays en braquant des banques.

    Bonnie and Clyde
    Bonnie and Clyde
    Sortie : 8 novembre 1967 | 1h 52min
    De Arthur Penn
    Avec Warren Beatty, Faye Dunaway, Gene Hackman
    Presse
    3,8
    Spectateurs
    4,0
    Disponible sur MAX

    Bientôt, l'Amérique ne parle plus que de ces hors-la-loi inexpérimentés. Certains les admirent. D'autres sont horrifiés. Quoiqu'il en soit, poursuivis par la police, ils devront bientôt faire face à leur destin.

    DE FRANÇOIS TRUFFAUT À ARTHUR PENN

    Au milieu des années 60, François Truffaut rencontre Warren Beatty à Paris et lui parle d'un scénario de Bonnie and Clyde, écrit par Robert Benton et David Newman.

    "Plus encore que leur carrière de pilleurs de banques, assez médiocre en fait, ce qui nous touchait chez Bonnie et Clyde, c'était leur esthétique de la révolution", confient les auteurs dans Le Nouvel Hollywood de Peter Biskind.

    Benton et Newman étant de grands admirateurs de Truffaut, ils lui ont envoyé le scénario, espérant que le français mette en scène le film. Malheureusement, ce dernier croule sous les projets et n'a absolument pas le temps de s'y consacrer.

    Le réalisateur de Jules et Jim propose à Warren Beatty d'appeler les auteurs pour lui faire lire le script. Très emballé, l'acteur est alors en pleine recherche d'un rôle qui ferait prendre un tournant à sa carrière.

    WARREN BEATTY ACTEUR ET PRODUCTEUR

    Malgré la violence et le côté sulfureux de l'histoire, évoquant notamment un ménage à trois, Warren Beatty fonce tête baissée et veut le tourner ! Toutefois, il va se raviser concernant la réalisation, préférant la confier à son complice Arthur Penn, avec lequel il a déjà collaboré sur Mickey One.

    À l'époque, le réalisateur de La Poursuite impitoyable est en disgrâce à Hollywood et vit "quasiment en reclus", indique Peter Biskind dans Le Nouvel Hollywood. Cependant, Beatty lui fait confiance et le metteur en scène accepte son offre.

    Warren Beatty, extrêmement motivé par ce projet, harcèle Warner pour qu'il produise le film. Le studio négocie alors un marché qui leur semble acceptable :

    "Beatty réclama seulement 200.000 dollars au départ mais un pourcentage final très important, 40% sur la marge brute. En contrepartie, il fut entendu que Beatty ne toucherait rien avant que le film n'ait rapporté 3 fois son coût négatif (coût d'un film de son développement à la fin de la post-production)", explique Peter Biskind.

    Ne s'attendant absolument pas au succès de Bonnie and Clyde, Warner va bien évidemment se mordre les doigts d'avoir conclu cet accord, qui s'avèrera miraculeux pour Warren Beatty.

    DES DÉBATS HOULEUX

    Mais avant le tournage, le ménage à 3 clairement évoqué dans le récit ne passe plus trop du côté de l'acteur du cinéaste Arthur Penn.

    "Je ne vais pas jouer les tantouses. Si les spectateurs voient ça, ils vont tous me pisser sur la jambe", s'insurge le comédien auprès du scénariste Robert Towne, venu donner un coup de main.

    "Vos héros sont déjà assez marginaux comme ça. Ils tuent, ils dévalisent des banques. Si en plus vous en faites des homosexuels, jamais le public ne s'identifiera jamais à eux. Ça va bousiller le film", argumente Penn auprès des auteurs Benton et Newman.

    Ces derniers proposent alors que Clyde soit impuissant, une idée qui a séduit Arthur Penn et Warren Beatty. Une fois le tournage commencé, les deux artistes se disputaient sans cesse. Chaque plan du film était constamment remis en question, pendant que l'équipe technique attendait qu'ils se mettent d'accord.

    Quoi qu'il en soit, ils étaient tous d'accord sur un aspect du film, le choc que le specateur devait ressentir devant la violence :

    "Avant, vous ne pouviez pas voir un type tirer et un autre se prendre une balle dans un même cadrage ; il devait y avoir une coupure. Nous voulions rompre avec cela. Le public a le droit de voir les choses comme elles sont réellement", soutient Arthur Penn.

    C'est d'ailleurs le réalisateur qui aura l'idée de la séquence marquante du long-métrage : la mort de Bonnie and Clyde au ralenti, sous une rafale de balles.

    Warner

    Une fois le film terminé, une projection test est organisée chez le studio : "Je te préviens, si je me lève pour aller pisser, c'est que ton film est une merde", lance Jack Warner à Arthur Penn. L'ambiance était donc très électrique autour de ce projet.

    De plus, Warren Beatty ne s'entendait pas très bien avec sa partenaire de jeu, Faye Dunaway. Le comédien aurait préféré avoir Jane Fonda, qui a refusé le rôle.

    Après 2 heures 10 de film, le verdict tombe... et le big boss déteste ! "Ce sont les deux heures dix les plus longues de ma vie ! Un film pendant lequel on va pisser plus de 3 fois, j'ai jamais vu ça !", s'exclame-t-il, pendant qu'Arthur Penn tente de lui expliquer ses choix de mise en scène.

    LA NAISSANCE DU NOUVEL HOLLYWOOD

    Quelques temps plus tard, Jack Warner s'en va et le studio change de direction, prenant un nouveau cap, cherchant à laisser beaucoup plus de libertés aux cinéastes. C'est dans cette optique que débarque Bonnie and Clyde au cinéma en 1967, marquant de son empreinte l'Histoire du cinéma.

    Le Hollywood classique était mort, vive le Nouvel Hollywood et l'émergence de nouveaux talents bruts comme Scorsese, Coppola, De PalmaSpielberg ou Lucas. L'oeuvre d'Arthur Penn a ouvert la voie à tous ces metteurs en scène, qui ont pu jouir d'une totale liberté au sein de l'industrie hollywoodienne durant les années 70.

    Ainsi, la révolution Bonnie and Clyde a permis à Taxi Driver, Easy Rider, Apocalypse Now, THX 1138, Les Dents de la merStar Wars, Le Parrain ou Phantom of the Paradise de voir le jour. Ce long-métrage a très clairement brisé toutes les règles, emmenant le 7ème art vers d'autres horizons.

    UN PHÉNOMÈNE PLANÉTAIRE

    Bonnie and Clyde a été un triomphe pour Warren Beatty. Le film est rapidement devenu un phénomène mondial. Il a rapporté près de 70 millions de dollars à l'époque, pour un petit budget de 2,5 millions. Dans l'Hexagone, il a rassemblé 1,8 million de spectateurs.

    Qualifié de "meilleur film de l'année" par le Time, Bonnie and Clyde reçoit 10 nominations aux Oscars 1968. L'oeuvre, qui a contribué à briser de nombreux tabous cinématographiques, remporte les statuettes de meilleure actrice dans un second rôle pour Estelle Parsons et meilleure photographie pour Burnett Guffey.

    Un vent nouveau de liberté soufflait à Hollywood. 50 ans plus tard, en 2017, le célèbre couple de gangters Warren Beatty / Faye Dunaway s'est reformé le temps de remettre l'Oscar du meilleur film à Moonlight, dans une confusion avec La La Land qui a fait le tour du monde.

     

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