Alors que Je te promets, l'adaptation française de la série, affiche un joli bilan d'audience sur TF1 qui devrait lui assurer une saison 2, This Is Us connaît en parallèle un échec cuisant sur M6 depuis le lancement de la saison 4 il y a deux semaines. Proposée pour la première fois sur une chaîne gratuite, plusieurs mois après sa diffusion sur Canal+, afin, on peut le supposer, de surfer sur le buzz généré par le remake de la Une porté par Camille Lou et Hugo Becker. En vain.
Les mauvais scores du 25 février (un peu moins d'un million de téléspectateurs en moyenne, soit 5,43% des quatre ans et plus) ont immédiatement poussé la chaîne à modifier le rythme de programmation de cette quatrième saison, passant dès la semaine suivante de trois à cinq épisodes par soirée, afin de limiter la casse. Une décision qui confirme bel et bien que la mayonnaise This Is Us ne prend pas vraiment en France, après les chiffres déjà assez décevants rencontrés sur 6ter et sur la Six l'an dernier (la saison 3 ayant terminé sa course devant seulement 1,23 million de fidèles le 23 juillet 2020).
Alors même que la série emmenée par Milo Ventimiglia, Mandy Moore, et Sterling K. Brown, véritable phénomène aux États-Unis, a connu un démarrage canon sur NBC en 2016 et reste l'un des dramas les plus solides de la télé américaine aujourd'hui, notamment sur la cible des 18-49 ans, malgré cinq saisons au compteurs. Un fossé, d'un côté à l'autre de l'Atlantique, qui n'est finalement peut-être pas si surprenant que cela...
Une série pas si facile d'accès
Si elles attirent toujours autant sur Netflix, les séries américaines sont en perte de vitesse à la télévision française depuis quelques années, au profit des fictions françaises qui cartonnent sur TF1 ou France Télévisions notamment. À l'image de La Promesse, qui a tout balayé sur son passage en janvier sur la Une, ou du succès de l'indétrônable Capitaine Marleau et des unitaires "made in terroir" de France 3 année après année.
Un constat qui n'aide pas vraiment This Is Us, d'autant plus que côté séries US, les dramas policiers, aux intrigues bouclées (dites "procédurales"), continuent d'avoir davantage la cote chez nous. Sur toutes les chaînes, mais surtout sur M6, qui peine à renouveler son offre de fictions étrangères et se repose grandement sur NCIS et ses séries policières très formatées du vendredi et du samedi soir (Bull, Hawaii Five-0). Qui font le job, sans être toutefois des mastodontes d'audience.
Difficile donc, dans ce contexte, d'imposer une série ultra feuilletonnante comme This Is Us, qu'on ne peut se permettre de rater d'une semaine à l'autre, et qui repose sur une narration finalement assez "complexe" pour une série familiale, avec ses allers-retours incessants entre passé et présent, et ses multiples temporalités (les années 80, 90, 2000).
Et puis la série créée par Dan Fogelman souffre peut-être également de son apparent "classicisme" - une série familiale comme on en a vu tant d'autres pourrait-on penser sur la base de son pitch ou de sa bande-annonce - alors qu'elle est finalement très loin de cela.
Mais aussi de son casting, qui ne comprend pas vraiment de noms identifiables du grand public français (Milo Ventimiglia et Justin Hartley étant surtout connus des sériephiles), et qui n'en fait donc pas un produit d'appel. Ni même une série facile à vendre, là où Why Women Kill, succès presque surprise du printemps 2020 sur M6, pouvait compter sur le pédigrée "par le créateur de Desperate Housewives" et sur des similitudes dans le récit avec cette même série pour attirer le public (notamment féminin et jeune) de la chaîne. Même si le confinement a forcément, lui aussi, joué un rôle dans ce carton.
Ron Batzdorff/NBC
Une série très (trop ?) américaine
Dès le premier épisode, This Is Us met en place un récit universel qui a pour vocation de toucher le plus grand nombre avec des personnages identifiables et profondément humains et faillibles. Bref, This Is Us, c'est nous (c'est ce que signifie littéralement le titre en français). C'est vous. Mais c'est aussi et surtout l'Amérique en fait. Car le titre de la série peut également se lire sous l'angle "This Is US", c'est-à-dire "C'est les États-Unis".
Comme Je te promets suit la famille Gallo à travers les décennies, avec en toile de fond un contexte historique et social très français, et des tubes des années 80 et 90 très vite reconnaissables qui apportent une dose de nostalgie bienvenue, This Is Us ancre les aventures des Pearson dans quelque chose de très américain, qui ne parle peut-être pas assez au public hexagonal.
Le parcours de Kevin, qui passe de héros de sitcom hollywoodienne à star du prochain film de M. Night Shyamalan, la place (très) importante donnée au Super Bowl, une compétition de football américain, les épisodes se déroulant le jour de Thanksgiving, ou encore les groupes de soutien auxquels se rendent Kate, Toby, et Kevin à différents moments des quatre premières saisons. Les références à la culture américaine sont légion - plus nombreuses que dans beaucoup d'autres séries - et pourraient bien avoir fini par perdre ceux qui, par curiosité, avaient pourtant décidé de donner une chance au produit.
Ron Batzdorff/NBC
Une diffusion tardive, dans tous les sens du terme
Enfin, et ce n'est pas négligeable, l'échec de This Is Us sur M6 pourrait bien s'expliquer, tout simplement, par un problème de programmation. Parce que la série est tout d'abord proposée en première exclusivité en VOST sur Canal+ Séries à l'heure US, au lendemain de la diffusion américaine, puis dans un second temps en version multilingue sur Canal+ quelques mois plus tard, This Is Us s'est faite attendre sur les chaînes du groupe M6. Beaucoup trop. Les premières saisons étaient même déjà disponibles en DVD ou sur Amazon Prime au moment de l'arrivée des Pearson sur la Six l'an dernier. De là à dire que la majorité de ceux qu'elle intéressait l'avait déjà découverte ailleurs, il n'y a qu'un pas.
Après l'échec d'une diffusion trop confidentielle sur 6ter en 2018 (moins de 300 000 téléspectateurs en moyenne sur l'ensemble des deux premières saisons), M6 avait pourtant essayé de donner une seconde chance à la série en la lançant l'an dernier, dès le 30 avril à 22h, en plein confinement, juste après un épisode inédit de Why Women Kill. Une stratégie qui aurait presque pu être payante - ou tout du moins compréhensible - si la chaîne n'avait pas décidé d'expédier la diffusion à grands coups de cinq épisodes par semaine.
Alors, évidemment, quand la saison 2 a été programmée, elle, en prime-time une fois Why Women Kill terminée (parce que les scores sur cibles n'étaient pas mauvais), les curieux qui n'avaient pas suivi la saison 1 en deuxième partie de soirée ne sont pas venus. Et les audiences se sont effritées de semaine en semaine jusqu'à la fin de la saison 3 au cours de l'été 2020.
Bref, tout semble être contre This Is Us depuis son arrivée sur M6. Et on ne peut pas vraiment s'étonner de son échec. Mais la série de Dan Fogelman n'en reste pas moins un petit bijou, et ceux qu'elle a séduits devraient tout de même pouvoir déguster la saison 4 jusqu'au bout sur M6, en veillant très tard ou par le biais du replay. Quant aux autres, les fans hardcores qui rient et pleurent avec les Pearson depuis maintenant des années, ils dévorent déjà la saison 5 en US+24 sur Canal+ Séries et MyCANAL. Et ils se fichent certainement des chiffres sur M6.
