L'histoire de L'Avenir, diffusé ce soir sur Arte : Nathalie est professeur de philosophie dans un lycée parisien. Passionnée par son travail, elle aime par-dessus tout transmettre son goût de la pensée. Mariée, deux enfants, elle partage sa vie entre sa famille, ses anciens élèves et sa mère, très possessive. Un jour, son mari lui annonce qu’il part vivre avec une autre femme. Confrontée à une liberté nouvelle, elle va réinventer sa vie.
AlloCiné : Dans quelle mesure votre expérience personnelle a nourri l’écriture de ce projet. Est-il en partie autobiographique ?
Mia Hansen-Love, réalisatrice et scénariste : Autobiographie n’est pas le mot que j’emploierais ; par définition, c’est l’écriture de sa propre vie et ce n’est pas exactement le cas ici. Mais comme tous mes films, il s’inspire d’expériences que j’ai faites, de gens que j’ai rencontrés, de personnes qui me sont proches, qui comptent pour moi. Le film se nourrit de mon enfance, de mon adolescence. Tous mes films le font d’une manière ou d’une autre, peut-être plus frontalement dans L’Avenir. Effectivement, mes parents ont été tous les deux professeurs de philosophie, ce qui est le cas des deux protagonistes du film. En même temps, à partir du moment où je pense à Isabelle Huppert pour le film, le personnage acquiert une certaine autonomie par rapport à là d’où il est parti.
La philosophie est au centre du film, quelle place tient-elle dans votre vie ? Faire du cinéma est-il synonyme de quête de vérité pour vous ?
La philosophie a beaucoup compté pour moi, pas tant dans les textes eux-mêmes car je n’ai pas de formation de philo même si j’en ai fait un peu dans le cadre de mes études. Je suis plus qu’amatrice en la matière donc je ne vais pas revendiquer quelque savoir que ce soit en philosophie. En revanche, ça m’a nourrie en tant que questionnement, rapport au monde ; c’est plus l’univers de la philo, son enseignement, qui a été l’univers de mon enfance, de mon adolescence. J’ai grandi dans un appartement qui était rempli de livres de philo. Ce qui tapissait les murs, c’était surtout les œuvres de Nietzsche, Kant, beaucoup de livres en allemand car mon père est germanophone.
La philo a donc été là durant toute mon enfance et mon adolescence sous une forme de présence que j’ai toujours considérée bienveillante. Pour moi, l’environnement des livres n’a jamais été quelque chose d’hostile mais quelque chose que j’ai toujours associé à une sorte de chaleur. Au-delà de cette présence, il y avait aussi la philosophie dans les discussions, en tant que rapport aux idées et aussi en tant qu’enseignement. Quand j’écris dans le film des scènes où les personnages évoquent des livres de philosophes et parlent des idées, je n'ai pas du tout besoin de me forcer ou d’aller chercher très loin, c’est quelque chose qui vient assez naturellement, ça fait partie de mon monde.
Vous admirez le cinéma d’Eric Rohmer, pensez-vous avoir réussi à tricoter votre personnage rohmerien par excellence avec Isabelle Huppert et tout ce côté quête de sens, réapprendre à appréhender une liberté nouvelle etc…
J’admire en effet énormément le cinéma de Rohmer qui est un cinéaste qui compte beaucoup pour moi, qui m’accompagne. Dans le rapport intime que j’ai avec le cinéma, Rohmer est celui qui m’aide le plus, qui m’apporte le plus. Voir ses films, c’est ce qui peut le plus stimuler mon imagination. Pour autant, je n’essaie pas du tout de l’imiter, n’est rohmerien que Rohmer au final. Je pourrais aussi dire d’autres films qu’ils sont rohmeriens ; ce que je veux dire c’est tant mieux si des gens peuvent voir une continuité ou un dialogue entre ses films et les miens. Après c’est une chose qui me dépasse et je pense qu’il ne faut pas chercher à imiter de grands cinéastes comme ça, s’il y a quelque chose à imiter, ça doit être leur liberté, leur indépendance ; il ne faut pas chercher à leur ressembler.
Le fait est que son langage, le rythme de ses films, leurs enjeux et en effet, ses héroïnes féminines, m’ont beaucoup marquée et il est possible que ça ait exercé une influence sur l’écriture de ce film. Quand j’ai écrit L’Avenir, j’ai pensé à 2 films de Rohmer en particulier, pas comme des modèles, mais j’ai constaté qu’il pouvait y avoir une sorte de parallèle que je n’ai pas décidé. Il s’agit du Rayon vert et Ma nuit chez Maud. Ce dernier pour la philosophie et Le Rayon vert pour la traversée de l’été par une héroïne solitaire.
Propos recueillis par Vincent Formica à Paris le 17 mars 2016 (lire l'entretien originel complet)