Lorsque Claude Miller entame la préparation de La Meilleure façon de marcher, son premier long métrage, tourné en 1975, Patrick Dewaere vient d'être à l'affiche, coup sur coup, de deux succès : Adieu Poulet de Pierre Granier-Deferre, un film policier avec Lino Ventura, et surtout Les Valseuses de Bertrand Blier, avec Gérard Depardieu. Avec ce dernier, Dewaere est alors assurément un des acteurs dont la cote grimpe.
Pour cette raison, Claude Miller se refuse d'abord à l'idée de solliciter l'acteur : "je n'osais pas l'approcher", confie-t-il dans le livre d'entretien "Serrer sa chance, entretiens avec Claire Vassé" (Stock, 2007). "Je n'avais pas un sou pour le film, je n'espérais pas pouvoir engager des acteurs connus." Dans "Patrick Dewaere une vie" de Christophe Carrière (Balland), on apprend que Claude Miller songeait initialement à Philippe Léotard pour ce rôle.
C'est grâce à l'impulsion de l'un des autres comédiens du film que Claude Miller a finalement accepté de tenter sa chance avec Dewaere. Patrick Bouchitey (qui joue le rôle de Philippe, premier acteur à avoir été casté sur le film) lui demande directement pourquoi il ne demande pas à Dewaere, et lui montre dans la foulée des essais du comédien que Bouchitey avait en sa possession. "En les visionnant, j'ai compris qu'il était tout à fait le personnage de Marc. Bouchitey m'a encouragé à lui envoyer le scénario", détaille Miller dans son livre de confidences.
Tout va ensuite très vite, car Patrick Dewaere est emballé par le scénario, et rappelle le réalisateur. Deux jours plus tard, Dewaere et Miller se rencontrent. Dewaere aurait adoré l'idée de jouer un personnage antipathique, ce qu'il considère comme un nouveau challenge. Comme l'explique Christophe Carrière dans sa biographie consacrée à l'acteur, il va lui "apporter de la hauteur". Et d'ajouter : "Il en fera un type bourré de contradictions, taraudé par des dilemmes intimes. Ainsi, il gommera tout risque de manichéisme primaire". Comme le formule Claude Miller lui-même, "Dewaere avait un physique de petit taureau, mais à l'intérieur, c'était Dostoïevski".
Si Patrick Dewaere accepte rapidement, le film mettra néanmoins du temps avant d'entrer en tournage, par manque de moyens. Claude Miller a déjà réalisé trois courts métrages, a été assistant réalisateur de grands noms du cinéma, notamment François Truffaut, mais la recherche de financements s'avère compliquée.
Patrick Dewaere propose même de ne pas être payé ! "On n'avait pas le financement et, sans que je lui demande, il n'a pas voulu être payé, comme le reste de l'équipe d'ailleurs, moi y compris, évidemment. On a juste payé l'indispensable : la pellicule, la location du matériel..." Dans "Serrer sa chance", Claude Miller explique avoir tourné le film avec un tiers du budget, et sans perspective d'argent pour le montage. "A la fin du tournage, on ne savait pas ce qu'on allait faire", se souvient-il.
La solution viendra de Jean-Louis Livi, agent et futur producteur, qui donnera à Claude Miller des moyens pour monter une bande-annonce axée sur les moments comiques du film, et cela permettra de débloquer un financement de la part de Claude Berri alors à la tête de la société de distribution AMLF. Cet argent a permis de finir le film et le sortir dans de bonnes conditions. La Meilleure façon de marcher a d'ailleurs connu un certain succès critique, et public (plus de 500 000 entrées), malgré une interdiction aux moins de 12 ans.