À la fin des années 80, John McTiernan est le roi du film d'action. En enchaînant Predator, Piège de cristal et À la poursuite d'Octobre rouge, il dépoussière le genre et réinvente complètement le héros hollywoodien. À l'orée des années 90, le cinéaste est au summum de son succès. Quand on apprend qu'il s'associe à nouveau avec Arnold Schwarzenegger pour un long-métrage musclé, l'excitation est à son comble !
Schwarzy, qui vient de triompher avec Terminator 2 et Total Recall, avait démontré qu'il pouvait aussi être très bon dans le registre comique avec Un flic à la maternelle. Last Action Hero, à mi-chemin entre satire et blockbuster d'action survitaminé, semble venir à point nommé dans la carrière de l'acteur, qui ne manque pas d'auto-dérision. Pour le comédien, il est temps de redéfinir le héros d'action après des années 80 entièrement dévouées à l'Amérique triomphante de Reagan.
UN SCENARIO MAINTES FOIS REMANIÉ
Au départ, Last Action Hero est un scénario écrit par deux jeunes diplômés d’une université du Connecticut, Zak Penn et Adam Leff. Ils vendent le script au studio Columbia, qui adore le concept, mais trouve le scénario trop violent. Pour atténuer cet aspect et en faire un film plus familial, il confie la réécriture à une pointure, Shane Black (L’Arme Fatale). Ce dernier doit aussi composer avec les désirs de la production qui souhaite privilégier l’action au détriment de l’humour. Au final, Black déclare qu’il n’aime que 20% du film et que Last Action Hero est une de ses plus mauvaises expériences de travail.
"Pour moi, Last Action Hero demeure une mauvaise expérience, un film où j’ai dû commencer à écrire des scènes d’action avant même de construire les personnages. Nous avons reçu ce script écrit par deux gamins, Zak Penn et Adam Leff, à propos d’un gosse qui rencontrait son héros de l’écran. Bien qu’ils n’aimaient pas tant le script, les studios étaient raides dingues du concept. Je suis arrivé sur le projet avec David Arnott.
Nous avons donc gardé la base mais en changeant quasiment tout le reste. Au final, je pense que nous avions fini par pondre quelque chose d’assez bon. Ça avait beau être un film de Schwarzy, c’était plutôt vif et cru. Pour le studio, le film était censé s’adresser aux mômes. Ils voulaient que tout le monde vienne le voir, les parents, les grands-parents, les marmots. C’est devenu crétin. Quand j’ai découvert le film, ils avaient fait disparaître tous les gags", se souvient Shane Black, interviewé dans Impact numéro 77.
Pour rappel, Last Action Hero suit Danny Madigan, un ado qui reçoit un ticket de cinéma magique lui permettant d'entrer dans l'univers de son héros préféré : Jack Slater. Ensemble, ils affrontent force danger et triomphent toujours. Mais les choses se compliquent lorsque des personnes mal intentionnées s'emparent du billet magique et gagnent New York, ou le crime paie encore plus qu'au cinéma.
UN PASTICHE DU FILM D'ACTION
Ce pitch très séduisant est prétexte pour McTiernan et Schwarzy de se moquer de tous les clichés du film d'action, tout en offrant un spectacle bourré d'adrénaline. Avec le cinéaste de Piège de cristal à la baguette et le héros de Terminator 2 en rôle principal, le film ne pouvait qu’être un succès. C’était sans compter sur le studio, qui n’a cessé de mettre des bâtons dans les roues du metteur en scène. McT souhaitait se moquer gentiment du genre en déconstruisant les ficelles du film d’action. Mais la production, pris de panique face à l’arrivée imminente de Jurassic Park, ne lui a pas laissé le temps de peaufiner le montage. En conséquence, seulement 5 semaines séparent la fin du tournage de la sortie du long-métrage !
"Je me moquais gentiment du genre que j’avais contribué à faire naître, sans m’en douter, sans le vouloir", confiait John McTiernan lors d'une interview pour DVD Vision. "Postmoderne est exactement le terme qui définit Last Action Hero. Tout comme on construit aujourd’hui des immeubles neufs pour qu’ils ressemblent à des constructions anciennes, presque comme un commentaire sur les immeubles anciens. Last Action Hero était effectivement un commentaire sur le film d’action", analysait-il dans Les Cahiers du cinéma numéro 577.
De plus, le tournage a été ponctué de nombreux clashs entre le metteur en scène, les scénaristes et la Columbia, désireuse de rivaliser avec la nouvelle super-production de Steven Spielberg, Jurassic Park. À l'époque, ce projet est sous-estimé le studio, les dinosaures ne pouvant se hisser au niveau du super-héros Arnold Schwarzenegger. C'est pourquoi Columbia souhaitait à tout prix sortir Last Action Hero face à Jurassic Park et lui damer le pion.
"C’est un film que nous n’avons pas eu le temps de peaufiner. Ce que vous avez vu au cinéma n’était qu’un premier montage. Je prépare une nouvelle version pour ce film", affirmait McT pour Starfix Nouvelle Génération pendant la promo de Thomas Crown en 1999. Evidemment, ce "director's cut" n'a jamais vu le jour, le cinéaste s'étant ensuite empêtré dans des affaires judiciaires pour des écoutes illégales et purgé un an de prison.
CROQUÉ PAR LES DINOSAURES DE JURASSIC PARK
Finalement, Last Action Hero a été un gigantesque échec commercial, signant l’arrêt de mort des films d’action de ce genre. Sorti le 18 juin 1993, une semaine seulement après Jurassic Park, l’œuvre n’a pas pu résister aux mâchoires des dinos ! Le studio, qui voulait absolument lancer un blockbuster face au mastodonte de Spielberg, n’avait pas prévu la fin de l’époque des héros d’action musclés et l’avènement d’une nouvelle ère de la super-production.
Pour Schwarzy, l’échec est en partie dû à l’élection de Bill Clinton en 92. La presse a détruit le film en le politisant, faisant de Last Action Hero le testament du héros d’action sans en déceler sa dimension avant-gardiste et subversive. "Depuis le tout début du tournage, Last Action Hero a été au centre d’une campagne de presse. Les journaux américains lui ont tout reproché : son budget, l’intervention de plusieurs scénaristes, mon salaire [15M de dollars]. Ils n’ont épargné personne et sont parvenus à décourager les gens d’aller voir le film. Pourquoi ? Le fait que j’étais alors au sommet de ma carrière m’a placé dans leur collimateur. Avoir du succès est, à ce titre, extrêmement dangereux : on est du coup plus exposé, plus sujet aux attaques.
Attaquer un comédien inconnu n’intéresse personne ; par contre, tirer à boulets rouges sur la star du moment est nettement plus gratifiant. Le boulot des journalistes a porté ses fruits : Last Action Hero est un échec. Je pense malheureusement que le public américain n’est pas réceptif à un film aussi sophistiqué. De plus, beaucoup de gens, à commencer par ceux qui peuplent Hollywood, n’apprécient guère qu’on égratigne leur héros, qu’on révèle les ficelles, les combines, les clichés, bref, tout ce qui se déroule dans les coulisses. Hollywood ne nous a pas pardonné d’avoir livré au public ses secrets de fabrication", expliquait l'acteur dans les colonnes d'Impact numéro 46.
UNE CAMPAGNE PROMO CATASTROPHIQUE
Selon John McTiernan, Columbia a aussi fait la monumentale erreur de vendre Last Action Hero comme un gros film d’action qui allait concurrencer les dinosaures de Spielberg alors qu’il n’était selon lui qu’un "conte pour enfants".
"Ce film est à peine monté. On a l’impression que la pellicule est directement sortie de ma caméra pour être projetée sur l’écran, avec juste les claps enlevés au début et à la fin des plans. Deuxièmement, ils ont refait le coup de Medecine Man, en le vendant pour ce qu’il n’était pas : un énorme truc d’action censé concurrencer les dinosaures, alors que ce n’était qu’un petit conte enfantin PG13, une version poétique de Cendrillon. J’aurais souhaité qu’ils laissent ce film être ce qu’il était, un truc gentil, doux, plutôt que tenter d’en faire une machine de guerre destroy. Cette campagne promo, c’était vraiment n’importe quoi", déplorait le réalisateur au micro de DVD Vision.
La stratégie marketing autour de l'oeuvre a en effet été désastreuse. La production s’est notamment associée à la NASA pour une décorer une fusée aux couleurs du film et l’envoyer dans l’espace ! Budget : 500.000 $ ! Une folie qui n'a pas évité le flop gargantuesque de Last Actio Hero au box-office avec 137 millions de dollars de recettes mondiales pour un budget de 85M. Ironie du sort, le scénariste Zak Penn finira par travailler avec Spielberg 25 ans plus tard sur Ready Player One.
Mark Canton, ex patron de Columbia, est d'ailleurs revenu sur l'épisode de la fusée dans Mad Movies 83 : "C’est un film follement inventif. La fusée de la Nasa que nous utilisons pour la campagne de marketing donne une idée des hauteurs que nous avons atteintes. Nous avons voulu faire le film le plus populaire de tout l’univers."
Le temps fera de Last Action Hero une oeuvre culte, considérée comme le testament du film d'action 80's. Bourré de punchlines cinglantes et de séquences marquantes, il demeure malgré tout une référence. Des héros plus ordinaires comme Bruce Willis ou Keanu Reeves prendront la succession de Schwarzy et Stallone, pendant que ces derniers courront longtemps après une gloire révolue. Quand les Wachowski révolutionnaient l'action en 1999 avec Matrix, Arnold tournait le prophétique La Fin des temps. Une page se tournait alors définitivement.
LES PETITS DETAILS DE LAST ACTION HERO