Sorti en 1961, Les Sept mercenaires est rapidement devenu culte, forgeant sa légende sur celle des Sept Samouraïs, d'Akira Kurosawa. Mis en scène par John Sturges, l'architecte de la future Grande évasion, le long-métrage est désormais un grand classique du 7ème art.
Toutefois, sous ce vernis de prestige se cache une réalité moins glorieuse, celle de la rivalité entre la star du film, Yul Brynner, et un jeune comédien rebelle de 30 ans, Steve McQueen. Faisons un petit retour en arrière. Nous sommes en mars 1960, à 80km au sud de Mexico, dans la ville de Cuernavaca.
Le jeune Steve McQueen arrive sur les lieux. C'est ici que le tournage des Sept mercenaires va se dérouler. Il pose ses valises à l'hôtel Jacarandes et se crispe déjà. L'acteur apprend que Yul Brynner a droit à sa villa privée et une caravane sur le plateau.
Brynner, auréolé du triomphe des Dix Commandements et de son Oscar pour Le Roi et moi, est clairement favorisé par la production. Bien qu'il soit encore peu connu, Steve McQueen a du mal à supporter ce traitement de faveur. Malgré tout, le comédien tente de se lier d'amitié avec le monstre sacré au crâne rasé.
McQueen, qui connaît bien le maniement des armes grâce à son rôle dans la série Au nom de la loi, initie Yul Brynner. Cependant, ce dernier voit très clair dans le jeu du fougueux jeune homme, qui garde pour lui les meilleures astuces sur la façon de se servir d'un colt. Ça part déjà très mal entre eux. Arrive alors le tournage de la séquence de l'enterrement se situant au début du film.
Steve McQueen apparaît dans cette scène en arrière-plan, mais n'a rien à dire. C'est une séquence entièrement dédiée à Chris, le personnage de Yul Brynner. McQueen commence alors à jouer avec son chapeau ou ses munitions, dans le but de se faire remarquer. Ce comportement agace fortement la star chauve, qui ne supporte pas qu'on lui vole la vedette.
Le jeune comédien, qui a fait ses armes à l'Actors Studio, sait comment attirer l'attention des spectateurs et ne se prive pas d'en jouer. Même s'il ne parle pas, il sait d'instinct comment un petit geste, une petite grimace, un retrait nonchalant de chapeau, peut inévitablement tirer la couverture à lui.
"Steve travaillait beaucoup sur les détails. C'est le boulot des acteurs de faire ce genre de choses pour construire un personnage. C'étaient deux personnalités très différentes : autant Yul était un roc, autant Steve était souple et flexible", analyse le réalisateur John Sturges dans le livre de Bertrand Tessier, Steve McQueen, l'envers de la gloire.
Steve McQueen parviendra à rallier à sa cause ses partenaires de jeu en se moquant constamment des caprices de star de Brynner. Ce dernier, non content d'avoir villa privée et caravane personnelle, avait aussi une armée d'assistants pour tout et n'importe quoi, même allumer ses cigarettes. Ce comportement de diva agacera même le taciturne et solitaire Charles Bronson, qui s'amusera des blagues de McQueen.
Autre exigence cocasse de Brynner : des petits tas de terre pour qu'il paraisse plus grand que Steve dans leurs scènes en duo. Evidemment, McQueen se faisait un malin plaisir à les détruire avant les prises de vues, ce qui avait le don d'énerver son partenaire.
Les rumeurs des tensions grandissantes entre les deux acteurs montent jusqu'aux oreilles de la presse américaine. Fâché par la tournure des événements, Yul Brynner décide de calmer le jeu avec McQueen : "On raconte dans les journaux que nous nous sommes engueulés. Or je suis une star : je ne m'engueule pas avec les seconds rôles. Je veux que tu appelles le journal et que tu leur dises que cette histoire est un tissu de mensonges", dit-il à Steve.
Ce dernier rétorque : "Tu sais ce que j'en fais de tes ordres ? Fous le camp !" Cela en dit long sur l'ambiance électrique régnant entre eux sur le plateau. Finalement, Yul Brynner invitera l'équipe du film à son mariage, qui se déroulera pendant le tournage. Steve McQueen ne pointera jamais le bout de son nez.