De quoi ça parle ?
Irlandaise immigrée à Londres, Aine tente de reprendre sa vie en main après une dépression nerveuse. Elle se débat entre sa maladie, son métier de professeur de langues et sa famille. Une lutte quotidienne, qui ne se fait pas sans mal, mais toujours avec beaucoup d'autodérision. Lorsqu'un quadragénaire taciturne la sollicite pour donner des cours d'anglais à son fils tout droit débarqué de France, la morosité d'Aine s'éclaircit...
This Way Up, dès le 9 novembre sur Canal+ et myCANAL (6 x 26 minutes)
C'est avec qui ?
Portée par sa créatrice et actrice principale, l'irlandaise Aisling Bea (prononcez "Ashlin"), vue l'an dernier dans l'excellente série Living with Yourself aux côtés de Paul Rudd, This Way Up présente tout un panel d'interprètes britanniques talentueux : Sharon Horgan (Catastrophe) joue Shona, la soeur d'Aine, aux côtés d'Indira Varma (Game of Thrones), Tobias Menzies (The Crown), Aasif Mandvi (Evil) ou encore Kadiff Kirwan (Chewing-gum).
Ça vaut le coup d'oeil ?
Les années 2010 ont vu l'essor des dramédies portées par des autrices ayant le contrôle total de leurs créations. Parmi elles, Pamela Adlon (Better Things), Frankie Shaw (SMILF), Issa Rae (Insecure), Rachel Bloom (Crazy Ex-Girlfriend) et Phoebe Waller-Bridge (Fleabag) ont créé des héroïnes imparfaites, réalistes et complexes, dont les histoires ont contribué à faire bouger les lignes dans la représentation des femmes à l'écran.
Dans This Way Up, la créatrice, actrice et productrice Aisling Bea incarne Aine (prononcez "Onya"), une trentenaire qui se bat avec la dépression après une rupture difficile, à travers ses doutes, ses angoisses et ses rechutes brutales. Mais Bea prend ici le parti de montrer la maladie mentale sans tabou, à travers le prisme de la comédie; une prise de parole rare alors que la dépression est souvent représentée de manière caricaturale ou très sombre dans les fictions, et que les campagnes de sensibilisation sur la santé mentale manquent encore.
Aine tourne tout à la plaisanterie afin d'éviter de souffrir, mais se retrouve vite rattrapée par ses angoisses une fois seule. Un procédé qui n'est pas sans rappeler celui de sa lointaine cousine britannique incarnée par Phoebe Waller-Bridge dans Fleabag, qui enchaîne les coups d'un soir et les commentaires sarcastiques pour éviter d'affronter le processus de deuil.
Là où la série est le plus efficace, c'est lorsqu'elle décrit la relation entre Aine et sa soeur Shona (Sharon Horgan). Occupant une place centrale dans sa vie, la relation fusionnelle entre Aine et Shona frôle à bien des égards la codépendance, la première interrompant sans cesse les moments d'intimité de la première à la moindre crise et la seconde ayant si peur pour sa soeur qu'elle va jusqu'à installer un GPS sur son smartphone pour la surveiller. Ce lien indéfectible entre les deux soeurs permet d'explorer avec beaucoup de justesse les conséquences psychologiques de la dépression sur l'entourage. A la fois nécessaires et salvateurs pour que les malades retrouvent une forme d'équilibre et d'autonomie, celui-ci peut également se sentir accablé sans oser imposer de limites face à la détresse de leurs proches en souffrance, donnant lieu à des relations parfois toxiques pour les deux côtés.
Si le personnage d'Aine, avec ses saillies trash et souvent hilarantes, est si bavard qu'on perd un peu en naturel dans la restitution de sa souffrance, cette dramédie enlevée et réjouissante se regarde sans modération, grâce à sa galerie de personnages authentiques que les fictions britanniques savent si bien restituer. La série prend aussi de la hauteur en évoquant en filigrane les conséquences du Brexit sur les populations immigrées, et évoque aussi la bisexualité avec beaucoup de nuances à travers l'attirance naissante entre Shona et son amie Charlotte (Indira Varma).
Avec ses codes de mise en scène rythmée, ses interprètes charismatiques et sa bande-son hip hop punchy, This Way Up est une proposition de dramédie rafraîchissante en cette rentrée agitée, qui tâcle sans prendre de gants le sujet encore trop tabou de la santé mentale. Comme le signifie son titre, "vers le haut" (en référence au label indiqué sur les emballages pour le transport des colis fragiles), une fois que l'on a touché le fond, il n'y a qu'un seul sens vers lequel remonter.