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    Natalie Wood, What Remains Behind sur OCS : "On ressent encore l’impact de son travail d’actrice et de productrice"
    Clément Cusseau
    Clément Cusseau
    -Rédacteur
    Après des études en école de cinéma, il intègre la rédaction d’AlloCiné en 2011. Il est actuellement spécialisé dans les contenus streaming et l’actualité des plateformes SVOD.

    Le réalisateur Laurent Bouzereau, connu mondialement notamment pour ses making-of de prestige, a évoqué à notre micro son nouveau documentaire "Natalie Wood: What Remains Behind" disponible sur OCS à la demande.

    HBO

    Comment vous est venue l’idée de consacrer un documentaire à la vie et à la carrière de Natalie Wood ?

    Laurent Bouzereau : L’idée est venue par l’intermédiaire d’un historien du cinéma qui travaille à partir d’archives et s’appelle Manoah Bowman. Il venait de sortir un très bel ouvrage écrit en collaboration avec la famille de Natalie Wood, et plus particulièrement avec sa fille Natasha Gregson Wagner. Il m’a demandé si j’avais parmi mes connaissances un réalisateur qui serait intéressé à l’idée de la rencontrer pour un projet de documentaire, et je lui ai répondu : "bah et moi alors ?". (rires) Il ignorait complètement que j’appréciais la carrière de Natalie Wood, car pour quiconque n’aime pas les films de Natalie Wood n’aime tout simplement pas le cinéma ! Nous nous sommes donc rencontrés avec Natasha et nous nous sommes immédiatement liés d’amitié.

    Je tenais absolument à ce que le projet ne soit pas contrôlé par la famille, j’ai donc accepté de travailler en collaboration avec eux, à la condition que ma vision soit respectée et qu’on ne m’impose aucune censure. Ils m’ont donné toutes les garanties, tant que ma démarche n’irait pas à l’encontre de la vérité. Une des rencontres les plus importantes a été celle avec Robert Wagner ; je suis allé lui rendre visite chez lui à Aspen dans le Colorado, nous avons énormément discuté ensemble, échangé des souvenirs et évoqué les grandes lignes du projet. Cela a été une rencontre très émouvante, car c’est un acteur que j’admire beaucoup et sa femme Jill St John est ma James Bond girl préférée ! (rires) C’est quelqu’un d’immensément classe, comme cela ne se voit désormais plus. Nous nous sommes immédiatement entendus, mais avec la distance nécessaire pour respecter ma vision de réalisateur. Il accepté d’évoquer la nuit où Natalie Wood est décédée, mais aussi des affaires qui ont suivi l’annonce de sa mort.

    A chaque fois que je commence à travailler sur un projet, je prends rendez-vous avec Amblin la compagnie de Steven Spielberg, avec qui je collabore depuis trente ans, pour leur proposer de s’associer avec moi. Ils ont donné leur accord, et Steven était particulièrement enthousiaste parce que Natalie Wood figure parmi ses actrices favorites bien qu’il ne l’a jamais rencontrée. C’était donc un projet très important pour lui, et nous nous sommes associés pour trouver un acheteur. A ma grande tristesse, cela a été très dur car il y a toujours cette sensation que l’histoire des stars du passé n’intéresse désormais plus personne, et notamment les plus jeunes.

    C’est finalement en présentant le film comme l’histoire d’une famille face au succès puis la tragédie que le projet a plu à HBO. Ils ne s’intéressaient pas à la thématique du cinéma mais davantage à celle de la famille. C’était la première fois que je travaillais avec HBO, je sortais d’expériences avec plusieurs studios et avec Netflix, nos chemins ne s’étaient pas encore croisés mais c’était un rêve que je cherchais à concrétiser. Cela a été une collaboration très fructueuse et très respectueuse, ils m’ont donné tous les outils pour faire le film que j’avais en tête.

    Effectivement, au-delà du portrait de l’actrice, la femme et la mère de famille, il y a énormément de thématiques abordées dans votre film, celui du système hollywoodien de l'époque, le rôle des tabloïds dans la vie privée des stars etc...

    L'aspect qui me paraissait le plus important à souligner était celui d’une femme qui a commencé sa carrière à l’âge de 5 ans et qui au fil des décennies a pu voir l’industrie du cinéma changer complètement. Pour son dernier film Brainstorm, elle a travaillé avec Douglas Trumbull qui est l’un des grands visionnaires du futur, dans tous les sens du terme d’ailleurs. Donc Natalie Wood a été une femme qui n’a cessé de se réinventer, y compris dans sa vie personnelle lorsqu’elle a interrompu sa carrière pour endosser le rôle de mère.

    Il y a sur Netflix un film qui s’appelle Boys in the Band : c’est l'adaptation d’une pièce de théâtre datant de 1968 écrite par Mart Crowley qui apparaît dans le documentaire car il était le confident et meilleur ami de Natalie Wood. Cette pièce a vu le jour grâce à elle, car elle l’a soutenu dès l’écriture en finançant son travail. Donc on voit débarquer aujourd’hui un film sur Netflix qui n’aurait jamais pu exister sans Natalie Wood. On ressent encore aujourd’hui l’impact de son travail d’actrice et de productrice ! Elle a aussi imposé le jeune Robert Redford au générique du film Propriété interdite, donc peut-être qu’aujourd’hui il ne serait pas la star qu’il est sans l'intervention de Natalie Wood.

    Natalie Wood: What Remains Behind
    Natalie Wood: What Remains Behind
    Sortie : 14 septembre 2021 | 1h 40min
    De Laurent Bouzereau
    Avec Natalie Wood, Richard Benjamin, Dyan Cannon
    Spectateurs
    3,1
    Disponible sur MAX

    Si la famille de Natalie Wood a accepté d’apparaître dans le film, avez-vous au contraire essayé le refus d’autres personnes, dont Christopher Walken qui n’apparaît que par le biais d’images d’archives ?

    Oui il a refusé de participer. Pas méchamment du tout, il m’a dit qu’il ne voulait pas être le point de mire du film, ce qu’il n’aurait pas été, mais c’était sa décision. La sœur de Natalie Wood, qui a un autre point de vue sur les circonstances de sa mort dirons-nous, a elle aussi refusé d’apparaître dans le documentaire. Nous nous sommes rencontrés et avons discuté à plusieurs reprises. De ne pas les avoir dans le film ne m’a pas paru être un manque car aucun des intervenants que nous avons eu – Mia Farrow, Robert Redford, Robert Wagner – n’avait parlé de cette façon de Natalie Wood auparavant. Je peux également vous dire que ce film ne pourrait plus être fait aujourd’hui car deux des personnages majeurs de ce documentaire – son deuxième mari Richard Gregson et Mart Crowley – sont décédés. Ses deux témoins de la vie de Natalie Wood ne sont donc plus parmi nous et sans eux, il n’aurait même pas été concevable de faire un film sans qu’il paraisse comme incomplet.

    Il sera toujours difficile de vendre des projets sur ce que j’appelle le "vieil" Hollywood, mais je ne vais pas baisser les bras !

    Vous êtes bien sûr connu mondialement pour la qualité de vos making-of ; selon vous, est-ce que l’on raconte une histoire différente du film dont nous retraçons le tournage dans un making-of ?

    Je fais plusieurs sortes de documentaires. Il y a les documentaires historiques je dirais, c’est-à-dire quand je n’ai pas assisté au tournage de films comme Les Dents de la mer. Il y a donc une approche plus historique dans ma façon de raconter ce tournage. Et dans le cas de films dont j’assiste au tournage, j’essaie de suivre la thématique principale qui s’applique au moment venu. Je fais énormément de travail de recherches en amont, je rencontre les acteurs et le réalisateur, et je cherche à trouver des histoires qui donnent l’impression au spectateur de participer à ce qui s’est passé derrière le film. Donc ce sont deux démarches complètement différentes.

    Il y a certains documentaires qui se prêtent mieux à une approche historique : dans le cas des Dents de la mer, tout le monde veut savoir comme le tournage s’est déroulé, comment a été fabriqué le requin, etc. Et pour le cas par exemple d’un film comme Les Garçons de la bande de William Friedkin, cela a été une approche beaucoup plus sociologique puisque cela a été l’un des premiers films à traiter du sujet de l’homosexualité.

    Avec la mort des géants du cinéma, l’histoire d’Hollywood est menacée de disparaître des mémoires. A quelle personnalité ou à quel film aimeriez-vous un jour consacrer un documentaire ?

    Pour répondre à votre question, c’est quelque chose que j’avais en tête quand j’ai débuté il y a trente ans. J’étais ami avec Robert Bloch qui a écrit le roman Psychose et j’étais allé voir les studios Universal : Robert venait de nous quitter, Anthony Perkins était également décidé, mais il restait encore Janet Leigh, Joseph Stefano, Hilton Green, donc il me paraissait indispensable de faire quelque chose sur le tournage de Psychose avant que toutes ces personnes disparaissent. Ils ont accueilli le projet avec enthousiasme, et m’ont donné un gros soutien financier et créatif pour faire ce documentaire. 

    Donc ma démarche aujourd’hui est toujours la même qu’à l’époque. J’ai collaboré avec les studios Columbia/Sony Pictures pour un documentaire sur le film The Last Picture Show de Peter Bogdanovich et je voulais également faire un film sur Obsession de Brian De Palma mais le studio n’avait pas les fonds nécessaires pour le financer ; j’ai demandé une simple avance pour quelques jours de tournage et j’ai réussi à combiner la somme pour faire les deux films. Une vraie aubaine pour le studio, avec le budget d’un seul film j'en tournais deux !

    Est-ce qu’il y a des projets que je rêverais de faire ? Oui, je développe actuellement douze films documentaires, certains dans la même veine que celui de Natalie Wood, d’autres plus contemporains avec des thèmes d’actualité. Certes, il sera toujours difficile de vendre des projets sur ce que j’appelle le "vieil" Hollywood, mais je ne vais pas baisser les bras car on m’a confié la responsabilité de faire ce genre de choses, et j’espère pouvoir continuer bien que cela soit très difficile à monter. Mais j’échange très souvent avec Spielberg à ce sujet, on s’amuse à lister les personnalités dont nous aimerions retracer la carrière, ce sont ce genre de choses qui vous motivent.

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