Synopsis : MOAH. Différent. Une mère qui s’inquiète un peu trop. Un père absent. Un chef qui n’écoute jamais ses idées. Des acolytes jaloux et méchants. Zéro perspective d’évolution. Puis il y a ce logement dans une zone à risque. Cette belle étrangère qui ne le remarque pas. Des voisins terriblement dangereux. Bref, la vie de MOAH est compliquée. Et le fait que ce soit il y a 45.000 ans n’arrange pas vraiment les choses.
Lancée ce soir à 20h40 sur OCS Max, et d'ores et déjà disponible en intégralité à la demande sur OCS, Moah est la nouvelle série OCS Signature produite par Empreinte Digitale, à qui l'on doit notamment Missions, Les Grands, et Lazy Company. Et il suffit de regarder quelques secondes de cet OVNI télévisuel pour se rendre compte que l'on est face à un vrai pari en 10 épisodes, qui a fait le choix d'une narration sans dialogues ni musique pour raconter l'histoire d'un homme préhistorique pas si différent de nous (incarné par Tigran Mekhitarian), qui tente de survivre en milieu hostile tout en cherchant sa place dans le monde. Bref, Moah est une série audacieuse, innovante, et pleine d'humanité dont le producteur Henri Debeurme, le réalisateur Benjamin Rocher, et le scénariste Bertrand Soulier, également tous trois co-créateurs du projet, nous ont parlé lors de l'édition 2020 du Festival de la fiction TV, qui s'est tenue à la mi-septembre exceptionnellement à Paris, aux Folies Bergère.
AlloCiné : Comment est née l’idée de Moah, une série qui sur le papier ressemble à un pari un peu fou ?
Henri Debeurme : Tout part de quand j’étais petit. J'ai été diagnostiqué un peu différent dans ma tête, je me suis toujours senti différent des gens qui m’entouraient. Et c’est quelque chose que j’avais envie de raconter un jour, mais je ne savais pas comment le faire. Mais comme j’étais passionné de Préhistoire, un jour je me suis dit "Tiens, ce serait marrant de raconter l’histoire de quelqu’un qui est différent et qui ne se sent pas à sa place dans le monde. Qui a un regard sur le monde que lui seul peut comprendre. Et ce serait marrant de le plonger dans un monde loin de tout ce que l’on connaît". Et c’est comme ça que l’idée de Moah est née intrinsèquement, de manière très personnelle.
Et ensuite, l’idée de la série est vraiment née de la conjonction de plein de facteurs qui nous ont donné l’autorisation d’avoir cette audace-là. Il y avait évidemment OCS, qui nous fait confiance depuis 10 ans, avec la Lazy Company puis Missions. Des gens qui nous ont dit "Mais oui, la science-fiction on va y aller", alors que tout le monde pensait que ce serait pourri. Cette confiance-là donne un peu envie de repousser les limites, il faut bien le dire. Et puis il y avait aussi l’état d’esprit qu’on a créé tous ensemble à Empreinte Digitale avec un côté un peu familial. On se challengeait les uns les autres sur l’innovation, l’audace de nos projets. Et puis bien sûr le fait de savoir qu’il y avait quelqu’un qui était capable de retranscrire ce pari un peu dingue à l’image. Et tout ça m’a donc donné l’autorisation de me lancer dans un projet fou comme celui-ci. Mais au final c’est Benjamin et Bertrand qui ont rendu le projet encore plus dingue en décidant qu’il n’y aurait aucun dialogue, aucun sous-titre, aucune voix-off, aucun synthé.
Benjamin Rocher : La proposition était tellement folle qu’il fallait y aller à 100%. Il fallait faire une proposition radicale et jusqu’au-boutiste. Une vraie série préhistorique ça n’existait pas, en dehors des Pierrafeu et des parodies en tout cas. Donc on s’est dit qu’il fallait faire la proposition la plus forte possible.
C’est vrai que sur le papier, avec ce sujet, on pouvait s’attendre à une comédie dans la veine de RRRrrrr, et finalement vous surprenez tout le monde en proposant une série dramatique…
Benjamin Rocher : Je trouvais que ce n’était pas ce qu’il y avait de plus intéressant à faire avec cette période-là. Surtout à la lumière des dernières découvertes. C’est une période très actuelle, très vivante au niveau des découvertes que l’on fait sans cesse sur la Préhistoire. Et ce qui était vraiment intéressant, à travers ce qu’avait écrit Bertrand, c’était de s’interroger sur qui on était, d’où on vient, et ce qui nous définit en tant qu’Homme. C’est quoi la vie ? Et comment ça se définit ? Ça ne m’intéressait pas de faire une comédie, même si j’adore ça. Je voulais faire une série qui ressemble à la vie. Qui passe d’un truc drôle à un truc ultra cruel deux secondes après, puis à quelque chose de mignon, de naïf, ou au contraire de hardcore.
C’était un gros challenge aussi de mise en scène et de montage, mais c’est ce qui m’excitait à mort. Avoir l’origine de l’Homme à tout point de vue. Et je voulais qu’on croie à cette époque-là, ce qui était encore un autre challenge. Et c’est pour ça que sans ce mélange de choses dures, débiles, et réalistes, le contrat n’aurait pas été vraiment rempli pour moi. Et heureusement OCS nous a laissés la liberté d'expérimenter ce pari un peu fou.
La série est visuellement assez bluffante. Comment est-ce qu’on créée une série à l’esthétique et à l’univers aussi prononcé avec les moyens d’une chaîne comme OCS ?
Benjamin Rocher : Ça a été facile, je trouve, d’embarquer des gens extrêmement talentueux à tous les niveaux. On a un chef opérateur qui défonce, les costumes défoncent, le maquillage aussi, le son est mortel. J’ai été extrêmement chanceux sur ce projet car j’ai la sensation d’avoir bossé avec les meilleurs, à tous les postes. Ce qui n’est pas toujours le cas dans ce métier. Et bizarrement j’ai l’impression qu’ils se sont facilement laissés convaincre, parce que le projet était fou. Et quand je dis que c’est les meilleurs ça signifie que ce sont des gens hyper expérimentés, qui ont déjà fait ce genre de productions et savent où mettre l’argent pour que ça se voit à l’image.
Henri Debeurme : Et nous on avait acquis l’expérience de production nécessaire pour rendre ce qu’on raconte crédible. C’est la Lazy Company qui nous avait appris ça. Quand on avait vu les pilotes de la série, on s’était dit "Il suffit de voir trois mecs en tenue de G.I. dans un champ pour se dire que c’est des G.I. de Steven Spielberg". Donc là c’est pareil. Il faut des gens de talent évidemment pour créer les costumes, mais si tu mets un mec en costume d’homme préhistorique, avec du maquillage, dans une grotte, tu as ton imaginaire tout de suite. Il y a des décors en France qui sont extraordinaires, en Dordogne. Tu poses ta caméra dedans et tu as déjà envie de voyager. Dans un sens, quand on a des décors incroyables, c’est facile de se projeter.
Vous êtes les premiers à avoir pu tourner aux Gorges de l’enfer. Ça a été compliqué d’obtenir l’autorisation ?
Benjamin Rocher : Il y a eu beaucoup de travail de la part de la production et de la régie, mais c’est une région où les gens sont très fiers de leur patrimoine et de l’héritage préhistorique, donc à partir du moment où tu montres que tu fais un projet qui va dans le sens de cette promotion-là, et que tu n’as pas envie de galvauder tout ça, ils sont plutôt favorables.
Henri Debeurme : Et on a fait le maximum pour montrer aux propriétaires et à tout le monde qu’on faisait tout pour être respectueux de l’environnement. Par petites choses, mais c’est un tournage qui s’est efforcé d’être un peu "durable". Evidemment ce n’est jamais parfait, car malheureusement on est obligé d’avoir des voitures sur un tournage comme celui-ci, mais il y avait l’envie d’essayer de s’inscrire dans cet endroit sans le violenter.
Un mot aussi sur le casting évidemment. Est-ce qu’il y a des noms que vous aviez en tête dès le départ ou est-ce que tous les comédiens ont été choisis sur casting ?
Benjamin Rocher : Non, tout s’est fait par casting. Il y a des comédiens qui peuvent être très bons d’habitude et qui, dans cet exercice-là, ont plus de mal, ont moins de physicalité. Donc tout s’est fait par casting et j’ai découvert plein de comédiens hyper talentueux que je ne connaissais pas. Lors des auditions, on leur demandait des exercices d’école en fait. C’était de l’impro. Je leur donnais des indications pendant ce temps-là et eux avaient le droit de s’exprimer d’une certaine manière, et pas d’une autre. Et on regardait s’ils réagissaient bien, si c’était assez expressif. C’est vraiment comme ça que j’ai trouvé mes personnages. Et ensuite on a parfois réadapté le scénario en fonction des comédiens qu’on avait choisis pour que ça marche bien.
Pensez-vous déjà à une éventuelle saison 2 ?
Benjamin Rocher : Bertrand avait écrit tout une histoire pour la saison 1, et finalement on n’en a utilisé qu’un tiers. Donc techniquement on sait ce qui se passera en saison 2 et en saison 3 si elles voient le jour.
Bertrand Soulier : En sachant que maintenant que la saison 1 est dans la boîte, on voit les forces et les faiblesses qui vont nous permettre d’aller de l’avant pour la suite. Et l’idée c’est que la saison 1 a un côté enfantin, que la saison 2 serait sur l’adolescence, et la maturité sur la saison 3. Ça fonctionne un peu comme un slow-burner. C’est une série qui demande beaucoup d’attention. On n’a pas la chance d’avoir "Il y a longtemps dans une lointaine galaxie", avec un truc qui déroule et qui nous explique les enjeux de l’histoire. Donc il faut s’accrocher, et au fur et à mesure on s’aperçoit que plus on a d’outils, plus c’est simple et plus on comprend les enjeux. Ce serait donc super chouette qu’on puisse exploiter ça à l’avenir sur d’autres saisons.
Propos recueillis le 18 septembre 2020 à Paris.
La bande-annonce de Moah, disponible dès aujourd'hui en intégralité sur OCS :