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    Kaamelott : pourquoi la série a-t-elle été un tel succès ?
    Corentin Palanchini
    Passionné par le cinéma hollywoodien des années 10 à 70, il suit avec intérêt l’évolution actuelle de l’industrie du 7e Art, et regarde tout ce qui lui passe devant les yeux : comédie française, polar des années 90, Palme d’or oubliée ou films du moment. Et avec le temps qu’il lui reste, des séries.

    Ce 25 novembre, "Kaamelott Premier volet" devait sortir en salles, avant d'être repoussé du fait de la pandémie. Pour patienter, décryptage des éléments qui ont fait de la série d'Alexandre Astier un succès populaire durable.

    Calt Productions

    Quelles sont les raisons du succès de la série Kaamelott depuis sa difffusion originale sur M6 de 2005 à 2009 ?

    Kaamelott parle de/comme nous

    Le show cherche à réactualiser le mythe du roi Arthur et du Graal. Cela passe notamment par des dialogues qui parlent aux spectateurs, mais aussi pour créer davantage de véracité selon A. Astier : "Comme on sait pas comment ces gens-là parlaient, par défaut on leur donne des phrases extrêmement littéraires, ce qui est pour moi plutôt une faute anachronique de penser que ces gens-là n'avaient pas de langage quotidien. Donc, j'essaie de mettre en scène le quotidien, donc je leur donne le seul langage quotidien que je connais, c'est-à- dire le mien. Je dirais jamais le terme "flipper" pour "avoir peur", qui pour moi sort du lexique du "flippeur" et d'un truc très moderne, je ne le mets jamais. Par contre, "vous me faites chier", ça c'est une métaphore, je suis désolé, ça a toujours existé."

    Un argument difficilement contestable. Et ce langage participe de la réactualisation par Kaamelott du mythe de la Table ronde. La série se permet même des parallèles avec la société actuelle. C'est ainsi le cas lorsque le Père Blaise fait visiter le château comme le ferait aujourd'hui un guide d'un château-fort classé aux Monuments historiques.

    Ce qui est intéressant, c'est que si la série s'autorise un vocabulaire plus moderne, elle ne recourt que très rarement à l'anachronisme contextuel ou historique comme le faisait par exemple Deux heures moins le quart avant Jésus-Christ (1982) de Jean Yanne, où Coluche interprétait "Ben-Hur Marcel", un "garagiste pour chars". A l'inverse, Alexandre Astier tente de se limiter à l'anachronisme verbal, ajoutant de l'argot ou des mots modernes dans la bouche de ses personnages. En témoigne cette réplique de Perceval, qui utilise le mot "slibard", alors que le slip n'est apparu qu'en 1913 :

    La réactualisation du mythe arthurien est aussi assurée par Arthur lui-même, qui représente la modernité et défend souvent des valeurs de justice et d'humanisme, se heurtant parfois à la rudesse de son époque. En témoignent ses différends avec Venec ou Léodagan qui défendent respectivement l'esclavage et la torture. Par ses positions politiques avant-gardistes, Arthur ressemble davantage à un dirigeant de notre époque qu'à un personnage médiéval aux principes archaïques. Et dès lors qu'on admet que Kaamelott se permet d'évoquer les travers du monde actuel, elle touche plus facilement une audience contemporaine, ce qui peut expliquer une partie de son succès.

    Les acteurs connaissent leur partition

    La marque d'auteur d'Alexandre Astier avec Kaamelott, c'est qu'il a rédigé ses dialogues pour des comédiens bien précis et adapté son écriture à leur façon de jouer. Les comédiens principaux de la série sont à l'époque relativement inconnus du grand public : ce sont des acteurs de théâtre, et si l'on croit à l'univers de Kaamelott, c'est aussi grâce à cette utilisation de visages nouveaux que la série a contribué à révéler et à faire apprécier. Ce sont des gens qu'Astier connaissait pour les avoir vu jouer ou avoir joué avec eux sur les planches ou dans des courts métrages.

    Bien sûr, le succès aidant, des guests célèbres participeront à Kaamelott, parfois le temps d'un seul épisode, parfois avec un rôle un peu plus récurrent, tel Caius Camillus interprété par Bruno Salomone ou le Répurgateur joué par Elie Semoun.

    L'efficacité de Kaamelott résulte également dans le tempo avec lequel les dialogues sont lancés. Rien ne semble laissé au hasard et chaque comédien suit le rythme imposé par les répliques écrites par Astier. Musicien de formation, le créateur de la série signe des partitions parfaitement exécutées par ses interprètes. Ce n'est pas un hasard si les six saisons du show sont dédiées à Louis de Funès, car le comédien avait lui aussi débuté comme musicien et avait un sens du timing comique qui n'appartenait qu'à lui. Un sens du timing que l'on retrouve dans KaamelottAlexandre Astier s'inspirera notamment du personnage préféré de De Funès, le patron mécontent de ses employés, et de sa façon de jouer cette colère jusqu'à en devenir drôle. Cet hommage à un comédien bien aimé des Français n'est pas non plus étranger à l'adhésion du public à la série.

    Des personnages truculents

    La galerie de personnages secondaires de Kaamelott fait beaucoup pour sa popularité. La liste est longue, avec le nigaud glouton (Karadoc), le naïf volontaire (Perceval), le beau-père belliqueux (Léodagan), l'horrible belle-mère (Séli), le duo d'incapables (Yvain et Gauvain) en passant par le preux chevalier (Lancelot), le magicien décevant (Merlin), la reine malheureuse (Guenièvre) et le sensible qui arrondit les angles (Bohort). Entre beaucoup d'autres. Ces personnages, archétypaux sur le papier, participent activement au succès de Kaamelott par la façon dont on les retrouve inchangés de saison en saison.

    Tous sont excessifs dans leurs traits de personnalité, et c'est ce qui les rend aussi attachants. Malgré la tentative de certains de bien faire, le résultat est toujours décevant pour Arthur et suffisamment raté pour amuser le spectateur. Et surtout, les intrigues restent toujours ancrées dans l'univers Kaamelott en ce sens qu'elles partent souvent de la politique locale : "doit-on rajouter des tourelles sur le littoral pour se protéger des navires ennemis ?" "Les taxes sont-elles trop hautes ?" "Que doit-on consigner dans le journal de quête du Graal ?" Ces questions anodines et quotidiennes pour les gens du château sont tournées en dérision par l'incapacité des intéressés à y répondre correctement. De la même façon, une simple tarte aux fraises servie au repas peut être révélatrice de tensions en vigueur au château et constituer le focus d'un épisode.

    Kaamelott est peuplé d'incapables, de gens malintentionnés ou qui ne se comprennent pas. Astier va donc s'attacher à montrer comment toutes ces personnes vont immuablement se tourner vers Arthur pour avoir des réponses ou des conseils, alors que lui-même est de plus en plus perdu. Et ces responsabilités vont lui peser, donnant lieu à un tournant dans le ton de la série.

    Arthur, un héros complexe

    Alexandre Astier donne à Arthur davantage de complexité que ne l'avaient fait les précédentes adaptations de la légende du Graal. Loin d'être un brillant chevalier à l'armure étincelante persuadé que la quête du Graal va de soi, l'Arthur de Kaamelott doute. De plus en plus, à mesure que la série progresse. Car à quoi ressemble le Graal ? Où le chercher ? Le trouvera-t-on un jour ? Suis-je assez efficacement secondé pour cette mission ? Voilà certaines questions qui s'imposent à lui et auxquelles il ne trouve pas de réponse satisfaisante.

    Avec ces doutes, viennent peu à peu la lassitude et la dépression. Arthur change et finit par tout remettre en cause, sans même voir qu'un homme avance dans l'ombre pour lui ravir son trône et sa reine. Ces évolutions de la personnalité d'Arthur en ont fait un personnage que le public, qui avait appris à l'apprécier lorsqu'il était drôle, a accepté de suivre même dans ses moments les plus dramatiques. Alexandre Astier avait réussi à le rendre attachant en le rendant humain et faillible. Comme tout un chacun, Arthur est désarçonné par les choses qu'il ne comprend pas ou qu'on lui demande sans explication ni accompagnement. Et le fait qu'il ait conscience de son échec renvoie à une vision négative de l'exercice du pouvoir : le pouvoir peut user. Alexandre Astier déclarera d'ailleurs en parlant d'Arthur et de la conscience de son échec :

    C'est le grand malheur de notre civilisation, la conscience.

    Pour l'instant sans date de sortie, Kaamelott - Premier volet explorera le retour d'Arthur aux affaires afin de sauver Kaamelott de la main-mise de Lancelot qui y règne en tyran. Un nouveau chapitre s'ouvre donc pour le personnage, qui continue d'évoluer et devrait à nouveau trouver son public. Les fans le retrouveront a priori remis de ses doutes, paré à la guerre et beaucoup plus positif que dans les dernières saisons de la série, les autres découvriront simplement un roi revenu récupérer ce qui lui est dû. Dans les deux cas, chacun devrait y trouver son compte. Concluons avec une citation latine du roi Loth : "Victoriae mundis et mundis lacrima". Bon, ça ne veut absolument rien dire, mais on trouve que c’est assez dans le ton.

    30 guests qui ont joué dans la série :

    Kaamelott : de Chabat à Clavier, 30 guests qui ont joué dans la série
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