Les adaptations de comic books DC en films d'animation se suivent et se ressemblent, dans leurs graphismes comme leur volonté de s'attaquer à des histoires déjà connues et aimées par les fans. Après The Dark Knight Returns, Batman - Année Un, Le Paradoxe Flashpoint, Wonder Woman - Bloodlines ou encore La Mort de Superman, le dernier né des studios Warner Bros. Animation s'intéresse lui aussi au natif de Krypton avec Red Son, d'après l'œuvre homonyme signée Mark Millar, Dave Johnson et Kilian Plunkett en 2003. Une uchronie qui part du postulat suivant : et si Kal-El n'avait pas atterri au Kansas, mais dans l'U.R.S.S. de Joseph Staline, pour devenir un symbole de l'union soviétique après avoir été élevé dans un kolkhoze en Ukraine et sensibilisé au communisme ? Mis en scène par Sam Liu, à qui l'on doit quelques-uns des opus précédents, le long métrage part sur le même postulat.
On y retrouve donc Superman, mais également Lex Luthor, mandaté par la CIA pour contrer la menace que représente l'extra-terrestre ; Batman, qui devient ici un rebelle et l'un des leaders du mouvement qui se développe contre Kal-El ; le Green Lantern Corps ; ou encore Wonder Woman, qui concentre quelques-uns des changements opérés par rapport à l'histoire originale et bénéficie d'une approche plus féministe dans son rapport au personnage principal. De manière générale, les libertés prises par rapport au comic book permettent de nuancer les protagonistes et les relations qui se développent entre eux, en confrontant leurs visions respectives du Bien et leurs moyens pour y parvenir, quitte à semer la destruction et le chaos autour d'eux. Rares sont les adaptations qui enrichissent le matériau dont elles s'inspirent et celle-ci y parvient sur le fond, mais on regrettera qu'il n'en soit pas de même sur la forme.
Ça n'est pas une nouveauté : la qualité principale de ces films DC Comics destinés au marché vidéo ne réside pas dans leur animation, avec ses graphismes un peu raide. Red Son n'y échappe pas et y perd l'un des ses atouts de son modèle, dont les dessins s'inspiraient de l'iconographique communiste et de la Guerre Froide, en détournant par moments certaines images connues. L'œuvre de Dave Johnson et Kilian Plunkett aurait donc mérité mieux sur ce plan mais, à l'exception d'un final un peu précipité, elle ne perd rien du reste son essence dans son passage sur petit écran. A travers le combat entre Superman et Lex Luthor, le récit rejoue l'affrontement entre les États-Unis et le bloc de l'Est, tandis que plusieurs scènes revisitent des moments iconiques de l'univers super-héroïques pour les inclure dans cette relecture. Impossible, en effet, de ne pas penser à Frank Miller et son "Dark Knight Returns" lorsque Batman en vient aux mains avec ce même Superman.
Comme le comic book qu'il adapte, Red Son, le film, est donc accessible pour les novices tout autant que pour les connaisseurs, qui sauront repérer les références et détournements plus ou moins cachés au gré de ce récit qui insuffle un peu de politique chez les super en faisant des héros des symboles idéologiques qui s'affrontent au nom de la paix, quitte à en passer par des actes extrêmes sans en saisir la portée. En résulte une violence assez graphique et à un long métrage à déconseiller aux plus jeunes spectateurs mais sur lequel les autres peuvent jeter un coup-d'œil sans crainte, car son approche adulte du genre n'a pas été altérée dans le processus d'adaptation.
"Superman Red Son" est disponible en DVD et Blu-Ray depuis le 17 juin 2020.