Mon compte
    Le XXe siècle au cinéma vol.2 : cinq films à découvrir pour comprendre la période 1914-1918
    Olivier Pallaruelo
    Olivier Pallaruelo
    -Journaliste cinéma / Responsable éditorial Jeux vidéo
    Biberonné par la VHS et les films de genres, il délaisse volontiers la fiction pour se plonger dans le réel avec les documentaires et les sujets d'actualité. Amoureux transi du support physique, il passe aussi beaucoup de temps devant les jeux vidéo depuis sa plus tendre enfance.

    Le XXe siècle a été le plus extrême de l'Histoire dans la création et la destruction, mais aussi dans les profonds bouleversements sociologiques et culturels. Et le cinéma a souvent mis en images ces moments clés. Seconde période : 1914-1918.

    MGM

    L'idée est sensiblement différente des Top recommandations régulièrement mis en ligne durant le confinement et au-delà. Ici, la sélection des films a aussi vocation à développer une petite mise en perspective historique propre à la toile de fond déroulée dans l'oeuvre, ou même sur son sujet. De quoi contextualiser un peu plus des films qui méritent d'être découverts, et qui sont, dans certains cas, d'authentiques chefs-d'oeuvre.

    Nous avons découpé notre thématique du XXe siècle en plusieurs chapitres. Le premier volet (que vous pouvez retrouver ici) évoquait la période 1890-1914, qualifiée de "Belle Epoque". Une expression née d'ailleurs après la Grande guerre de 14-18, pour qualifier une période idéalisée à postériori et insouciante, par contraste avec la boucherie de la Première guerre mondiale. Une guerre que l'on se propose justement d'évoquer dans notre seconde période.

    Colonel Redl (1985)

    Fils de cheminot admis à l’Académie militaire de l’Empire austro-hongrois, Alfred Redl se lie d'amitié avec un jeune aristocrate. Dissimulant ses origines comme son homosexualité, il gravit rapidement les échelons de la hiérarchie. A la veille de la Première Guerre mondiale, l’archiduc François-Ferdinand lui confie la responsabilité des services secrets…

    Soif de pouvoir, ambition, soumission jusqu'à la perte d'identité : Istvan Szabo signe avec Colonel Redl un chef-d'oeuvre, porté par un extraordinaire Klaus Maria Brandauer qui trouve ici le plus grand rôle de sa carrière, aux côtés de celui qu'il a tenu, déjà sous la direction de Szabo, dans Mephisto. Le film se base sur le destin du vrai du colonel Redl, chef des puissants services secrets de l'Empire Austro-Hongrois, contraint au suicide le 25 mai 1913, alors qu'il fut accusé de haute trahison pour avoir vendu aux Russes des plans secrets militaires autrichiens, en particulier les plans des forteresses de Galicie. Le scandale fut tel que les parents proches de Redl changèrent leurs noms de famille par crainte de devenir des parias.

    Au-delà de son implacable et brillante démonstration, Szabo dessine le portrait d'un Empire Austro-Hongrois, véritable mozaïque de peuples, lancé inexorablement dans la marche à la guerre, alors qu'il est en proie à de fortes tensions au sein de ses minorités et à un nationalisme exacerbé. C'est d'ailleurs un nationaliste Serbe, Gavrilo Princip, membre de la société secrète de la Main noire ayant des ramifications dans l'armée serbe, qui assassina à Sarajevo le 28 juin 1914 l'Archiduc héritier François-Ferdinand. Un mois plus tard, le gouvernement austro-hongrois déclencha une guerre préventive pour punir la Serbie. La "machine infernale" s'enclencha, entraînant avec elle le suicide de l'Europe...

    Colonel Redl
    Colonel Redl
    De Istvan Szabo
    Avec Klaus Maria Brandauer, Armin Mueller-Stahl, Gudrun Landgrebe
    Sortie le 6 mars 1986
    Streaming

    Retrouvez ici toutes les offres en VOD sur ce film.

    A l'Ouest, rien de nouveau (1930)

    1914. Encouragés par l’un de leurs professeurs, des lycéens allemands décident de s’engager afin de prendre part à la Première Guerre Mondiale. Après un entraînement impitoyable, ils sont envoyés au front. Là, ils découvrent le vrai visage de la guerre : l’horreur des combats, les assauts voués à l’échec, les corps à corps sanglants, la boue des tranchées. Un par un, ils seront tués. Très peu en reviendront…

    Entre le 2 et 17 août 1914, l'Allemagne sera capable de mobiliser plus de 3,75 millions d'hommes. Plus de 2 millions de soldats allemands périront lors du conflit; et on comptera plus de 4 millions de soldats blessés. Une génération entière sacrifiée. Tout comme son homologue français Roland Dorgelès, l'illustre auteur des Croix de bois (remarquablement adapté au cinéma par Raymond Bernard dès 1931), l'écrivain allemand Erich Maria Remarque fit la guerre de 1914-18. Marqué par les atrocités dont il fut témoin dans les tranchées, il appartient à cette vague d'auteurs profondément pacifistes née de l'immédiate après-Guerre. A l'Ouest, rien de nouveau est sans doute son oeuvre la plus célèbre. Remarque fut d'ailleurs inscrit par Goebbels sur la liste des écrivains interdits par le régime Nazi.

    70 ans après sa sortie, l'oeuvre éponyme et oscarisée de Lewis Milestone n'a absolument pas pris une ride, formidablement mise en scène. Elle fit sensation notamment en raison de la violence qu'elle montrait, inouïe pour l'époque, des combats dans les tranchées, d'une sauvagerie rare. En particulier une séquence restée célèbre, où la caméra, dans un travelling, filme les mitrailleuses allemandes faucher à bout portant les soldats français chargeant les barbelés. Derrière la maestria de ces scènes, la puissance du discours pacifiste du roman de Remarque se tient là, intacte. Et culmine dans la splendide scène finale, qui demeure l’une des plus fameuses du cinéma américain, porteuse d'une charge émotive à fendre les pierres en deux.

    A l'Ouest, rien de nouveau
    A l'Ouest, rien de nouveau
    Sortie : 5 janvier 1999 | 2h 13min
    De Lewis Milestone
    Avec Louis Wolheim, Lew Ayres, John Wray
    Presse
    4,5
    Spectateurs
    4,0
    louer ou acheter

    Le film est disponible en DVD et Blu-ray. Retrouvez ici toutes les offres.

    Les Sentiers de la gloire (1957)

    En 1916, durant la Première Guerre mondiale, le général français Broulard ordonne au général Mireau de lancer une offensive suicidaire contre une position allemande imprenable, surnommée "La fourmilière". Au moment de l'attaque, les soldats tombent par centaines. Mais une partie des troupes n'a pas quitté les tranchées : leurs officiers ont été tués au moment-même de lancer l'assaut. Ulcéré, le général Mireau ordonne de faire feu sur ses propres troupes. Un compromis est finalement trouvé : des soldats, tirés au sort, seront fusillés "pour l'exemple"... Le colonel Dax, qui a assuré lui-même l'assaut sur la fourmilière, ex-avocat dans le civil, assure la défense des soldats qui passent en Conseil de guerre...

    Si Les Sentiers de la gloire se déroule en 1916, rappelant en cela les meurtrières offensives qui eurent lieu dans la Somme, on pense surtout aux offensives aussi inutiles que coûteuses de 1917, comme celle du Général Nivelle, le 16 avril 1917. Il promettait une percée décisive sur "le Chemin des Dames" (Département de l'Aisne, entre Laon et Soissons) en 24h ou 48h. "L'heure est venue, confiance, courage et vive la France !" proclama-t-il... Bilan : une boucherie de 187.000 morts et blessés pour le seul côté français. L'échec de cette offensive fut un des catalyseurs des mutineries de 1917. Sur 3500 condamnations prononcées en Conseil de guerre, il y eut 1381 condamnations aux travaux forcés, 554 condamnations à morts dont 49 furent effectuées. Kubrick s'appuie entre autres sur l'affaire des "caporaux de Souain" où le général Réveilhac aurait fait tirer sur son propre régiment refusant de sortir des tranchées lors d'un assaut impossible, avant de faire exécuter quatre caporaux le 17 mars 1915. Ils seront réhabilités en 1934. La justice militaire était devenue une justice d'exception depuis des décrets d'août et septembre 1914 : le sursis, le recours en révision, les circonstances atténuantes et le droit de grâce étaient supprimés.

    A la différence d'un film de guerre classique, on ne voit jamais l'ennemi dans le film. Ici, l'opposition ne passe pas entre deux camps mais entre les officiers et les soldats d'un même camp; les uns jouant leurs promotions, comme le cruel général Mireau, les autres leurs vies comme ces malheureux qui seront fusillés "pour l'exemple". Et au milieu : des hommes comme le Colonel Dax (puissamment interprété par Douglas), certes impétueux et impulsif, mais idéaliste et profondément humain. Sans démagogie ni manichéisme, pourfendant les mécanismes implacables et aberrants de la justice militaire, le film de Kubrick est aussi un puissant vecteur de valeurs intemporelles et universelles comme la paix, la justice et l'équité. 53 ans après sa sortie, la démonstration reste toujours aussi brillante et implacable.

    Les Sentiers de la gloire
    Les Sentiers de la gloire
    Sortie : 26 mars 1975 | 1h 28min
    De Stanley Kubrick
    Avec Kirk Douglas, Ralph Meeker, Adolphe Menjou
    Presse
    4,6
    Spectateurs
    4,4
    louer ou acheter

    Le film est disponible en DVD et Blu-ray (import). Voir toutes les offres ici.

    La vie et rien d'autre (1989)

    1920. La Première Guerre mondiale est achevée depuis deux ans. La France panse ses plaies et se remet au travail. Dans ce climat, deux jeunes femmes d'origines sociales très différentes poursuivent le même but, retrouver l'homme qu'elles aiment et qui a disparu dans la tourmente. Leur enquête les conduit à la même source d'information, le commandant Dellaplane. Du 6 au 10 novembre 1920, Irène, Alice, le commandant se croisent, s'affrontent et finalement apprennent à se connaître...

    Le chef-d'oeuvre de Bertrand Tavernier met en lumière une réalité terrible. Saignée à blanc, la France a payé un lourd tribu lors de la Grande Guerre : 1,4 millions de soldats tués ou disparus, plus de 4,2 millions de soldats blessés, 300.000 civiles tués. Des années après, alors même que l'on parlait de la guerre de 14-18 comme "la Der des Ders", la tâche d'identification des disparus n'a jamais aboutie. C'est ainsi qu'au sein de l'Ossuaire de Douaumont, situé près de Verdun, 130.000 restes de soldats français et Allemands reposent. Des soldats anonymes, dont on a jamais pu trouver l'identité. La tâche du commandant Dellaplane dans le film est aussi magnifique et poignante que dérisoire.

    Admirablement servi par ses comédiens au milieu desquels domine un extraordinaire Philippe Noiret, dont la tâche douloureuse et ingrate consiste à "mettre un nom sur une figure, mettre une figure sur un nom" comme il le rappelle si bien, La vie et rien d'autre a en outre le mérite d'avoir été le premier film à traiter de ce sujet. Avec plus d'1,5 millions d'entrées, La Vie et rien d'autre est le deuxième plus gros succès public de Tavernier après Coup de torchon à l'époque. Un succès plus que largement mérité.

    La Vie et rien d'autre
    La Vie et rien d'autre
    Sortie : 6 septembre 1989 | 2h 15min
    De Bertrand Tavernier
    Avec Philippe Noiret, Sabine Azéma, Maurice Barrier
    Spectateurs
    4,0
    Voir sur Mubi

    Découvrez ici toutes les offres VOD sur ce film.

    Le Diable au corps (1947)

    Cinq ans après la fin du Premier conflit mondial, Raymond Radiguet, un jeune homme de vingt ans, ami et amant de Jean Cocteau, signe un premier roman sulfureux, qui raconte l’amour interdit entre un adolescent de 15 ans, pas assez âgé pour être soldat, et une femme mariée de 18 ans, dont le mari est parti au combat : Le Diable au corps. Cette histoire d'amour provoqua un énorme scandale. Il fut vécu comme un affront à la morale bourgeoise, une exaltation de l'adultère,  et surtout une atteinte insupportable à l'honneur des anciens combattants. Car l'oeuvre touchait ainsi à l'une des choses les plus viscérales au lendemain de la Grande guerre : le respect sacré dû au soldat. Un scandale qui n'empêchera pas le roman d'être toutefois un énorme succès.

    En 1947, Claude Autant-Lara adapte l'oeuvre de Radiguet, avec en tête d'affiche Gérard Philippe et Micheline Presle. Et connait un second scandale : alors que dans les années 1920, le personnage de l’adolescent oisif dérange l’ordre moral, dans l’immédiat après-guerre 39-45, c’est la femme infidèle qui cristallise le déshonneur de la France... Si l'oeuvre a été plusieurs fois adaptée à l'écran, mieux vaut découvrir cette d'Autant-Lara, solide, portée par son duo de comédien. Gérard Philippe obtiendra d'ailleurs un prix d'interprétation au Festival de Cannes en 1946.

    Le diable au corps
    Le diable au corps
    Sortie : 21 octobre 2009 | 1h 50min
    De Claude Autant-Lara
    Avec Gérard Philipe, Micheline Presle, Jean Debucourt
    Presse
    4,0
    Spectateurs
    3,8
    louer ou acheter

    Le film est disponible sur la plateforme VOD d'Orange.

    FBwhatsapp facebook Tweet
    Sur le même sujet
    Commentaires
    Back to Top