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    Little Fires Everywhere (Amazon) : "Cette série traite de la lutte des classes"
    Emmanuel Itier
    Emmanuel Itier
    -Correspondant
    Basé à Los Angeles, Emmanuel Itier accompagne AlloCiné sur les sorties américaines, en assurant interviews/junkets et couverture d’événements US.

    L'excellente mini-série dramatique "Little Fires Everywhere", portée par Reese Witherspoon et Kerry Washington, arrive aujourd'hui sur Amazon Prime Video. A cette occasion, on a interrogé Celeste Ng, l'autrice du roman dont elle est adaptée.

    Amazon Prime Video

    Le récit des événements tragiques qui font suite à l'adoption d'un bébé sino-américain dans la banlieue cossue de Shaker Heights, dans l'Ohio, créant une guerre ouverte entre une propriétaire, Mme Richardson, à la tête d'une grande famille aisée, et sa mystérieuse locataire, Mia, une mère célibataire...

    Little Fires Everywhere, une série créée par Liz Tigelaar d'après le roman de Celeste Ng, avec Reese WitherspoonKerry WashingtonJoshua JacksonRosemarie DeWitt...

    8 épisodes disponibles sur Amazon Prime Video

    AlloCiné : Parlez-nous du processus d'adaptation de votre roman pour cette nouvelle série ?

    Celeste Ng (autrice) : Je pense que la barre va être haute pour tout autre projet adapté de mes livres, car le processus s'est fait sans heurts et avec une grande efficacité. On m’a même dit que d’habitude, il y a énormément de complications lorsque que vous adaptez un livre à l’écran. J’ai donc eu beaucoup de chance que tout se passe bien dans mon cas. Le mérite en revient à mes productrices : Reese Witherspoon et Lauren Neustadter, et leur société Hello Sunshine, ont été exemplaires dans la bonne mise en place de ce projet. Je pense qu’elles avaient une compréhension profonde et intime du livre, ce qui nous a permis de parler la même langue et d’avancer rapidement. Toutes les personnes qu’elles ont embarquées sur cette série partageaient la même vision. Elles ont eu la gentilesse de me laisser parler dans tous les débats importants et c’est ce que je voulais.

    Ceci dit, je ne me sentais pas capabable d’être scénariste sur la série. Ce n’est pas mon métier; je suis avant tout une écrivaine de romans. Mais j’ai collaboré étroitement avec le groupe de scénaristes embauchés pour l’occasion, huit écrivains hors normes. Evidemment, certaines libertés ont été prises par rapport au livre mais nous avons gardé de nombreuses similitudes. Je pense que j’ai été utile dans ces moments créatifs pour aller dans d’autres directions que celles empruntées par le livre. Je pouvais, avec objectivité, donner ma bénédiction aux scénaristes et les rassurer quant à leurs décisions.

    Quels sont les thèmes et les messages que vous avez voulu explorer avec cette série et pensez-vous qu’elle reflète l’humeur surréaliste de cette période liée au COVID-19 ?

    Il faut savoir que je ne pense jamais aux thèmes, aux messages que pourraient porter tel ou tel livre que j’écris. Tout viendra plus tard, d’une manière naturelle, à travers le développement de mes personnages. En tout cas, c’est mon point de vue. Evidemment, une fois que ce livre a été terminé, je me suis rendue compte que l’un des sujets principaux était le rôle de la mère et de sa relation avec ses enfants. Qu’est-ce qui définit une bonne mère d’une mauvaise ? A partir de quel moment pouvons-nous juger une mère pour ses mauvaises actions ? Je pense que c’est normal que ces thèmes apparaissent dans ce livre et cette série, puisque je suis moi-même mère de famille. Et je suis également la fille d’une autre mère. Maintenant que j’ai un fils de 9 ans, je peux comprendre beaucoup mieux les actions de ma mère à mon égard lorsque j’ai grandi. Je suis plus compatissante avec la dureté d’élever un enfant.

    Cette série traite aussi du problèmes, toujours présent dans notre société, de la lutte des classes. Comment certaines personnes ont tout dans leur vie quand d’autres n’ont rien. Comment la vie est "relativement" simple pour certains et ulra compliquée pour d’autres. Aux Etats-Unis, ce système de confrontation entre classes et couleur de peau est plus que jamais présent. Je pense que ces thèmes résonnent fort dans cette série et qu’ils sont mis en avant grâce à un casting incroyable. Notamment grace à la présence de Kerry Washington qui joue Mia Warren et qui rencontre des difficultés pour élever sa fille Pearl.

    Je pense qu’en ces temps de COVID-19, de confinement, de déconfinement ou de distanciation, ces thèmes sont absolument d’actualité. Cette situation met en avant les inégalités entre les gens. Ceux, par exemple, qui ont les moyens de rester à la maison et de faire du télétravail pendant que d’autres n’ont pas cette possibilité et doivent rester exposés au risque de contamination. Certaines personnes ont également le temps et les moyens de s’occuper de leurs enfants et de leur éducation pendant que d’autres doivent se battre pour survivre. Je pense donc que cette série et ce que nous vivons en ce moment peuvent nous faire prendre conscience de la situation du monde. Est-ce que nous allons vouloir changer les modes de fonctionnement de ce monde... ou pas ? Le choix est devant nous. Ce qui est certain, c’est que la pandémie a mis en avant toutes nos faiblesses et nos erreurs, surtout ici aux Etats Unis.

    Amazon Prime Video

    Dans quelle mesure le casting de Reese et de Kerry ont mis en avant des sujets mis en sourdine dans le livre ?

    Nous avons deux stars qui sont adorées pour les rôles qu’elles ont joué avec succès. Reese est adulée pour les rôle de femme exemplaire et sans reproche dans d’autres films. Quand vous la voyez dans cette série agir d’une manière contestable, on ne peut que ressentir un conflit d’émotions. Car on a pour habitude d’aimer Reese. Dans les chaussures d’Elena Richardson, ce n’est plus la femme parfaite de notre imaginaire. J’aime ce flou artistique qui nous force à ne pas juger quelqu’un sur les apparences. De même avec Kerry. Ces deux actrices nous permettent d’explorer avec plus de profondeur et d’objectivité des sujets délicats comme le racisme et les différences de classe dans notre société. Il est également intéressant de savoir que Mia et Pearl étaient des femmes blanches dans le livre : je pense qu’en ayant fait le choix d’actrices noires dans la série, nous pouvons rentrer plus en profondeur dans ces sujets de racisme et de classes. Evidemment j’aurais pu, puisque je suis asiatique, écrire ces rôles pour des femmes asiatiques mais on me l’aurait reproché en pensant que j’étais trop proche de mes personnages. C’est pour cela que dans le livre elle étaient des femmes blanches, et que dans la série nous avons décidé de signer des grandes actrices afro-américaines.

    La série a rencontré un grand succès aux Etats-Unis, est-ce que vous allez écrire une suite ?

    Pour l’instant je n’ai pas en tête de poursuivre l’histoire de ces personnages. Je pensais avoir tourné la page avec mon livre et maintenant cette adaptation. Mais tout peut changer. Voyons si l’inspiration me vient…

    Vous avez un petit caméo dans cette série, quel souvenir en gardez-vous ?

    J’ai adoré jouer ce tout petit rôle, d’autant que je pense y être méconnaissable ! Petit indice aux spectateurs : je joue le rôle d’une femme qui se rend à un book club. Mais je crois que c’était pour moi juste LE rôle de ma vie et je ne me vois pas en faire une carrière. Je me sens beaucoup mieux dans la peau de l’écrivaine de romans qui reste seule pendant des heures devant son écran et sa page blanche.

    Sur quoi travaillez-vous en ce moment ?

    Sur l’adaptation de mon premier roman, Everything I never told you. Mais aussi, en raison de cette situation de pandémie, je travaille sur un nouveau roman qui aborde les problèmes du déclin de notre société, de la monté du nationalisme. J’ai une pile de bouquins sur tous ces sujets, sur les grands dictateurs de notre temps, sur le totalitarisme... Je sens que ce sera un bouquin explosif !

     

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