Un mot d'ordre : diversité
Depuis le début de sa carrière à la fin des années 1990, Ryan Murphy s'est fait un point d'honneur d'imposer plus de diversité à l'écran. Devenu le créateur de séries le plus en vue de Hollywood, cet Américain ayant grandi à Indianapolis au sein d'une famille catholique d'origine irlandaise et qui a toujours assumé son homosexualité est également scénariste, réalisateur et producteur. De sa toute première série Popular à Hollywood, dont les sept épisodes sont disponibles sur Netflix depuis vendredi 1er mai, il n'a jamais cessé de révolutionner la télévision, montrant que les minorités y ont leur place.
La diversité est partout chez Ryan Murphy, qui prend soin, dans Glee, Pose ou The Politician, mais aussi dans 9-1-1, The New Normal ou American Horror Story, d'écrire des personnages gays, trans, noirs, hispaniques, et d'en faire des personnages de premier plan. Dans Hollywood, la diversité est le coeur même de la série, qui met en lumière l'absence de diversité inhérente à l'industrie hollywoodienne et à ses préjugés racistes - sur les rôles que l'on peut ou ne peut pas attribuer à des personnes de couleur par exemple - sexistes ou homophobes et sa grande hypocrisie. En partant de ce constat, la série tente d'imaginer ce qu'aurait pu être Hollywood si la diversité y avait eu sa place. Le Hollywood des années 1940 qui y est dépeint résonne évidemment avec beaucoup de force avec le Hollywood d'aujourd'hui.
Pour interpréter les personnages qu'il écrit pour le petit écran appartenant à toutes les minorités, Ryan Murphy s'attache à engager des comédiens qui en sont eux-mêmes issus. L'exemple de Pose est certainement le plus criant, son casting étant l'un des plus ouverts à la diversité de genre et de culture de l'histoire de la télévision. Dans Pose, Ryan Murphy s'intéresse à l'émergence de la scène culturelle underground queer noire et latino, qui trouve son point de convergence dans la ball culture. Les actrices principales de la série sont cinq femmes trans de couleur : MJ Rodriguez, Indya Moore, Dominique Jackson, Hailie Sahar, et Angelica Ross. Derrière la caméra, le créateur a également recruté des activistes des droits civiques transgenres et des consultants de la ball culture.
Bienveillance et fidélité
L'un des éléments qui caractérise le travail de Ryan Murphy et son rapport à la diversité est la bienveillance. Dans chacune de ses séries, on le sent : le créateur aime ses personnages et on les aime aussi. Il rend leurs lettres de noblesses à ces femmes et ces hommes racisés ou issus de la communauté LGBT et aux comédiens de talent qui les incarnent et cela suffit à nous questionner sur leur rareté à l'écran, dont on comprend qu'elle ne repose que sur de préjugés entretenus au fil du temps.
Le phénomène de troupe est également très important pour Ryan Murphy et nourrit sa marnière de fabriquer des séries. On parle souvent de la "grande famille du cinéma", expression un poil ironique ; Murphy est parvenu à réunir une famille, sans ironie aucune cette fois-ci, de fidèles collaborateurs. Brad Falchuk et Ian Brennan, ses compagnons de la première heure côté création et production, mais aussi de nombreux acteurs - Sarah Paulson, Jessica Lange, Dylan McDermott, Darren Criss ou Jim Parsons pour ne citer qu'eux - qu'il retrouve d'une série à l'autre ou d'une saison à l'autre sur ses séries anthologiques comme American Horror Story ou American Crime Story.
Un créateur engagé
Ryan Murphy l'a bien compris, pour faire évoluer le paysage télévisuel, il faut écrire des personnages qui représentent toutes les communautés et engager des acteurs qui en font partie, mais le changement doit aussi s'opérer de l'autre côté de la caméra, chez les scénaristes et les réalisateurs notamment. En 2016, il a créé sa propre fondation, baptisée Half, pour promouvoir la diversité. Il s'est ainsi engagé à recruter 50% des metteurs en scène de ses séries parmi des femmes, des minorités ou des membres de la communauté LGBTQIA+. L'intégralité des bénéfices générés par la série Pose sont également reversés à des associations LGBT.
De nombreuses femmes ont été invitées à rejoindre ses équipes et à réaliser des épisodes de ses séries. ainsi que des réalisateurs et réalisatrices LGBTQ+ ou issu.e.s de minorités. L'occasion pour des personnes talentueuses, mais de qui l'on exige habituellement une expérience dix fois supérieure à celle que l'on attendrait d'un homme blanc cisgenre, de montrer qu'elle sont tout aussi capables de se retrouver aux manettes d'une série télé. Rachel Goldberg, qui a réalisé un épisode d'American Horror Story, confirmait lors d'une table ronde consacrée à la diversité et à la question des quotas que cela avait changé la donne pour elle et bon nombre de scénaristes ou réalisatrices : "On a juste besoin que quelqu'un nous donne une chance", observe-t-elle. "[Ryan] m'a confié un épisode d'American Horror Story, ça a changé ma vie."
Parmi les talents repérés par Ryan Murphy, on peut aussi citer Janet Mock, activiste transgenre afro-américaine de 37 ans, d’abord employée comme scénariste sur Pose et passée rapidement à la réalisation et à la production. Après avoir participé à The Policitian et Hollywood, les deux dernières créations de Murphy, elle a accepté en juin dernier un deal avec Netflix, devenant la première femme trans à signer un tel contrat avec une plateforme.
Aujourd'hui, Half est à l'origine de plusieurs initiatives destinées à encourager la diversité : par exemple, un programme de mentorat, destiné aider de jeunes réalisateurs et réalisatrices des différentes minorités à s'accomplir dans l'industrie, permet chaque année aux participants de bénéficier des conseils des réalisteurs et réalisatrices ayant travaillé sur les shows de Ryan Murphy. A cette occasion, ils mettent en scène des courts-métrages qui pourront ensuite leur servir de vitrine pour convaincre les studios ou les chaînes de leur faire confiance et de leur donner leur chance à leur tour.
La bande-annonce de Hollywood :