Il a été Trinita, Django, Lucky Luke, Don Matteo et même... Personne ! Terence Hill fête ses 81 ans aujourd'hui, l'occasion d'explorer la carrière de celui qui a été l'une des incarnations les plus reconnaissables du western italien, avec ou sans l'aide de son comparse Bud Spencer.
La rencontre avec Bud Spencer... par hasard
Suite à la sortie des trois premiers westerns de Sergio Leone avec Clint Eastwood de 1964 à 1966, le western italien prend son envol et lance à la chaîne des productions axant leurs intrigues sur la vengeance, la violence et les héros durs à cuire. A l'époque, Terence Hill s'appelle Mario Girotti et il a joué dans Le Guépard de Visconti et pléthore de petits rôles dans quelques péplums, comédies et drames. Depuis quelques temps en Allemagne où il participe à la série des Winnetou, Girotti retourne en Italie et se retrouve par hasard à tourner dans un western.
Nous sommes en 1967 et il tourne pour Giuseppe Colizzi le western Dieu pardonne, moi pas. Sur le plateau, il rencontre un certain Carlo Pedersoli et tous deux prennent des pseudonymes américains. Il sera Terence Hill et Pedersoli sera Bud Spencer. Au départ, Terence Hill vient remplacer un acteur (Pietro Martellanza) qui s'est blessé au pied et se retrouve avec le premier rôle ! Il devient ami avec Bud Spencer et le film, un joli succès, devient le premier d'une trilogie informelle.
Les Quatre de l'Ave Maria (1968) et La Colline des bottes (1969) vont suivre après Dieu pardonne moi pas, toujours avec Colizzi aux manettes et Hill comme Spencer y reprennent leurs rôles. Ce sont des westerns majoritairement "sérieux", où l'on dégaine vite et on discute peu. L'humour commence à poindre par petites touches dans Les Quatre, mais sera totalement absent de La Colline, qui propose un surprenant mélange de western et de cirque.
Citons pour mémoire à cette période T'as le bonjour de Trinita, comédie musicale portée par Rita Pavone qui vaut le coup d'oeil et un autre western sérieux : Django, prépare ton cercueil, retitré des années plus tard Trinita prépare ton cercueil après le succès de On m'appelle Trinita.
Trinita, le basculement
En 1966, Enzo Barboni (sous le pseudonyme d'E.B. Clucher) prépare un western parodique qu'il propose à l'acteur Franco Nero alors qu'il tourne Django. Ce dernier refuse et le projet est ensuite discuté pour George Eastman et Pietro Martellanza (encore lui). Finalement, le duo Terence Hill / Bud Spencer est plus convaincant et ce sont eux qui tournent On l'appelle Trinita (1970), l'histoire de deux demi-frères aux physiques et caractères diamétralement opposés. L'un est longiligne et séducteur, l'autre massif et bougon. Ensemble, ils repoussent les assauts de bandits mexicains qui souhaitent attaquer une colonie de mormons.
Le film tranche véritablement avec ce que le western italien proposait jusqu'alors. L'ambiance est à la rigolade, les fusillades ressemblent à des duels de Lucky Luke (où les méchant finissent avec le pantalon sur les genoux) et les problèmes causés aux petites gens par les puissants se règlent avec des coups de poings assénés avec vigueur mais dans la bonne humeur.
On l'appelle Trinita est un succès international qui propulse Terence Hill et son comparse au rang de stars. Une suite est immédiatement lancée, simplement intitulée On continue à l'appeler Trinita (1971), qui suit la même veine et obtient un succès similaire. mais les deux films Trinita ne vont pas être que des films à succès, ils vont aussi changer la face du western italien.
Alors que les histoires de vengeance et de courses au trésor sur fond d'humour noir sont sur le déclin, les recettes incroyables des Trinita vont faire vriller le genre tout entier vers la comédie, jusqu'à faire disparaître les héros sombres et ténébreux et voir fleurir les personnages paresseux amateurs de bagarre et de fayots. Il ne s'appelleront pas tous Trinita mais aussi Cippola Colt (Franco Nero), Providence (Tomas Milian) ou Tresette (George Hilton). Cependant, peu sont ceux à parvenir à trouver leur ton et beaucoup sont des copier-collers de Trinita. Surtout, l'humour se dégrade très vite et tombe dans les bagarres interminables, les blagues faciles et la pétomanie.
Après Trinita, devenir Personne
Le succès du duo Hill-Spencer laisse tout de même du temps à chacun pour tourner ses projets personnels. Après le western Et maintenant on l'appelle El Magnifico (1972) dans lequel il joue un "pied-tendre", Terence Hill tourne Mon nom est Personne de Tonino Valerii (1973). Dans ce dernier, considéré comme un classique du genre, il incarne un jeune pistolero fan d'un autre, vieillissant, incarné par Henry Fonda. Ce casting est un symbole fort : le western italien (Hill) rend hommage au western américain (Fonda), auquel il doit tout. Mon nom est Personne est également le chant du cygne du western européen, qui connaîtra certes encore quelques grands films, mais qui ici boucle la boucle avec le grand ancien, le cinéma américain.
Terence Hill montre encore ses yeux bleus lumineux dans le western comique Un génie, deux associés une cloche (1975) avec Miou-Miou et Robert Charlebois puis consacre la décennie suivante à ses collaborations avec Bud Spencer. Leur dernier film ensemble sera Petit papa baston (1994), un échec retentissant.
En 1991, malgré sa non-ressemblance avec le personnage mais grâce à sa bonne humeur et à son charisme, Hill est engagé pour jouer Lucky Luke dans un film puis une série de huit épisodes. Trop librement adaptée, cette tentative ne convainc pas les fans de la BD mais ravit les enfants. Enfin, Hill incarne en 2009 le personnage de Doc West dans deux téléfilms qui le voient interpréter un joueur de poker pistolero à 70 ans avec une aisance déconcertante.
Par son physique de jeune premier et sa capacité à effectuer lui-même certaines de ses cascades, Terence Hill restera un visage particulier du western, de ceux que l'on raccroche toujours au genre parce qu'ils se démarquent et véhiculent une positivité contagieuse. Sa blondeur et ses yeux bleus pénétrants immédiatement identifiables en ont fait un Lucky Luke vivant, un cowboy au grand coeur et aux bonnes intentions, en bref : un véritable héros.
"On l'appelle Trinita", la fin du western "sérieux" en Italie :