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    Where is Jimi Hendrix ? : rencontre avec le réalisateur de cette satire chypriote

    À l'occasion de la sortie cette semaine au cinéma de "Where is Jimi Hendrix ?", satire pointant du doigt la situation politique de l'île de Chypre, rencontre avec le réalisateur Marios Piperides.

    L'histoire de Where is Jimi Hendrix : Yiannis, musicien raté, a décidé de quitter Chypre pour démarrer une nouvelle vie à l’étranger. Mais quand le chien de son ex, surnommé Jimi Hendrix, lui échappe et s’enfuit dans la partie turque de l’île, il doit mettre son projet de côté.

    AlloCiné : Where is Jimi Hendrix ? est votre premier long-métrage. Quel est votre parcours ?

    Marios Piperides : Après avoir étudié la production cinématographique aux États-Unis, je suis revenu à Chypre en 2002 où j’ai essayé de toucher à tous les postes sur un plateau de tournage afin d’acquérir de l’expérience. J’ai fondé ma propre compagnie, AMP Filmworks, en 2005 et ,tout en produisant des projets, j’ai réalisé deux courts-métrages et un documentaire.

    Comment avez-vous eu l'idée de raconter cette histoire se déroulant sur l'île de Chypre, qui a la particularité d'être divisée en deux ?

    L’inspiration vient à la fois de mon expérience personnelle, puisque j’ai grandi et vécu dans une société conflictuelle, et de l’élément déclencheur de l’histoire qui est un protagoniste qui perd son chien.

    J’ai grandi dans un environnement grec chypriote plutôt conventionnel, juste après l’invasion turque de 1974 qui a divisé l’île. Pendant des années, je ne pouvais pas voir les toits de « l’autre côté » de Nicosie, ni les montagnes en contrebas. Je pouvais entendre l’appel à la prière de la mosquée et voir les soldats turcs à leur poste. Bien que j'étais le témoin de la vie de ce côté, je ne pouvais pas l’expérimenter physiquement. Tout ce que j’en connaissais, c’était les histoires qu’on me racontait, et ce jusqu’en 2003, où le premier point de contrôle entre les deux côtés a été ouvert. Je me souviens de la première fois que je l’ai traversé. Tout était différent et étranger mais en même temps familier : les lieux, l’architecture, les odeurs, les gens. Une étrangeté familière inconfortable.

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    Durant les années qui ont suivi, j’ai eu l’opportunité à plusieurs reprises d’expérimenter personnellement « l’autre côté », d’établir des liens personnels et professionnels avec ceux qui partagent l’île. J’ai entendu des récits qui allaient du tragique à l’absurde, et cela m’a donné envie de raconter à mon tour une histoire qui allie les deux. Il y a quelques années, en essayant de traverser le point de contrôle du côté grec chypriote au côté turc chypriote de Nicosie avec un couple d'amis et leur chien, nous avons appris qu’il était interdit de faire passer un animal. Je me suis dit qu’il y avait là le terreau parfait pour raconter les situations tragicomiques quotidiennes vécues par mes compatriotes.

    On pourrait qualifier votre film de fable politique engagée. Vous y pointez du doigt la réalité complexe et absurde liée à cette division.

    Je crois que le film dresse un portrait réaliste de la situation politique actuelle. Il n’y a pas de propagande politique, les choses sont ainsi, voici la situation. Et bien sûr, cela doit changer. Il est important de soulever des questions à travers l’art. Je ne sais pas si on peut trouver des réponses, mais on peut au moins s’interroger. J’essaie de ne pas prendre parti. Ce qui est arrivé à Chypre est tragique, il y a encore beaucoup de blessures ouvertes – les personnes qui ont perdu un proche, les réfugiés qui ont perdu leur maison et leurs biens – qui ont été utilisées pour de la propagande de la part des deux communautés. Il y a encore beaucoup de haine et de préjugés.

    Le film a une approche satirique/critique de la situation et des personnages. Même s’il est extrêmement triste, le problème chypriote ne pouvait pas être abordé autrement. La beauté de la comédie ou de la satire, c’est que vous pouvez repousser les limites pour montrer la vérité. Depuis la Grèce antique, le rôle de la satire a été de dire ce qui ne pouvait pas être dit autrement et de contester les récits traditionnels. L'humour nous permet d'être plus audacieux et, dans certains cas, d’être encore plus efficace pour transmettre "le message".

    Dans mon film, la dévotion de cet homme pour son chien, inspirée d’un fait réel, apporte une touche légère qui permet de compenser les autres problèmes plus graves. Cette intrigue reflète la dynamique sociale complexe du monde d'aujourd'hui : l'île divisée de Chypre, la complexité des problèmes de propriété perdue et la question difficile des colons turcs, qui sont restés sans papiers pendant toutes ces années et ne sont utilisés que comme moyens de négociation par les politiciens.

    Where is Jimi Hendrix ?
    Where is Jimi Hendrix ?
    Sortie : 4 mars 2020 | 1h 33min
    De Marios Piperides
    Avec Adam Bousdoukos, Fatih Al, Vicky Papadopoulou
    Presse
    2,8
    Spectateurs
    2,9
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    Comment l'acteur allemand Adam Bousdoukos a-t-il rejoint le projet et pourquoi l'avoir choisi ?

    Adam est un acteur gréco-allemand qui vit à Hambourg. J’en avais déjà entendu parler mais je ne le connaissais pas personnellement. Je ne savais pas qu'il parlait le grec couramment. Il avait tourné un film produit par mes producteurs et quand on a commencé à discuter des potentiels comédiens, ils ont mentionné son nom. Il était exactement ce que je recherchais. De plus, il sait chanter et jouer de la guitare, tout comme le personnage principal, c’était donc un plus pour lui !

    Aviez-vous des références cinématographiques (ou autres) en tête quand vous avez commencé à écrire le film ?

    Je voulais montrer Nicosie autant que possible et en faire un personnage à part entière. C’est un peu difficile de comprendre la géographie de la ville, ainsi que sa division, si tu n'y as jamais mis les pieds. Il y a toutes ces petites routes qui mènent à des impasses avec des barricades et les zones tampons internationales où était placée l'armée.

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    Avez-vous rencontré des difficultés pour financer le film ?

    Étonnamment non. Nous avons reçu le soutien du Ministère de l'éducation chypriote, puis nous avons candidaté auprès de Creative Europe, un bureau d'aides dans le développement. J’ai passé quelques mois en Allemagne, grâce au programme Nipkow, où j’ai eu la chance de présenter mon projet à Thanassis Karathanos et Martin Hampel de la société de production Pallas Film. Ils ont tout de suite accroché et nous avons ensuite déposé plusieurs demandes auprès de fonds régionaux ainsi que de la ZDF/Arte. Nous avons ensuite demandé une aide de financeement au Greek Film Center, à la chaîne grecque ERT TV puis à Eurimage. La société allemande The Match Factory nous aussi aidés, et ils ont joué un rôle important dans la distribution du film.

    Avez-vous d'autres projets en parallèle ?

    Je produis actuellement quatre longs-métrages avec mon associée Janine Teerling. L'un est en phase de post-production, l'autre démarre son tournage en mai. Les prises de vue pour les deux autres débuteront, je l'espère, en fin d'année et début 2021. Je travaille aussi sur deux idées de script, en espérant concrétiser l’un d'eux d'ici fin 2020.

    Merci à Audrey Grimaud. Merci à Chaïma Tounsi pour la traduction.

     

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