Après avoir signé un court métrage remarqué (Ce n'est pas un film de cow-boys), travaillé pour la série Les Grands et participé au scénario de Mon inconnue, Benjamin Parent dévoile en ce début d'année Un vrai bonhomme, plongée dans l'univers adolescent qui aborde notamment le thème de la masculinité et de la quête d'identité. Un premier long métrage fort, juste et attachant, emmené par deux jeunes comédiens talentueux, Benjamin Voisin et Thomas Guy. Rencontre.
AlloCiné : "Un vrai bonhomme" est votre premier long métrage, sept ans après le remarqué court "Ce n'est pas un film de cow-boys" ? Ces deux films sont-ils liés ?
Benjamin Parent : Pas directement, mais ils sont liés par des thématiques et des sujets qui m'animent : les injonctions de virilité, la masculinité, la jeunesse, comment on construit son identité... En fait, l'idée d'Un vrai bonhomme est venue en développant la série Les Grands, qui passe sur OCS. A un moment, je ne me retrouvais pas forcément dans les scripts, je ne retrouvais pas des choses liées à ma jeunesse, ce n'était pas assez personnel et j'avais une sorte de frustration. On a donc fait une petite pause et avec deux auteurs, Tristan Schulmann et Victor Rodenbach, on s'est dit : "Et si on reformatait l'ensemble ?"
En partant du principe que je voulais parler de choses personnelles, Tristan m'a alors dit "Partons de toi ! Comment t'étais, ado ?" Je lui ai répondu que j'étais petit, que j'avais grandi tardivement. Et de là, on a élaboré, en même pas dix minutes, l'histoire d'Un vrai bonhomme, celle d'un gamin et de son grand frère qui l'aide. Il y avait cette idée d'un grand frère qui t'aide, qui te donne l'allonge que tu n'as pas. Et puis quelqu'un a alors eu une idée forte pour le film, et on s'est dit qu'on tenait un truc. Quand je pitchais légèrement l'histoire, les gens étaient bouleversés. On a pas pu intégrer ça dans Les Grands, je suis parti de la série qui a été reprise par Vianney Lebasque, et des productrices ont été séduites.
Un vrai bonhomme s'est ensuite écrit très vite, car j'ai réutilisé des choses que je voulais dire dans un autre projet de film qui n'avait pas abouti en les intégrant sous forme cinématographique. Le film parle énormément de mon adolescence, mais d'une manière extrêmement cinématographique et distante. Je sais à quoi les scènes font référence, c'est très lié à des choses que j'ai pu connaître ado, mais quand tu vois le film, c'est avant tout une histoire de fiction.
Un thème est très présent dans Un vrai bonhomme, c'est la masculinité, et comment un garçon, aujourd'hui, doit essayer de trouver sa voie...
Quand j'ai fait Ce n'est pas un film de cow-boys, je parlais un peu de ça mais sans l'avoir identifié comme un vrai sujet de société. J'étais plus sur le harcèlement scolaire. En creusant le personnage joué par Finnegan Oldfield, il y avait cette idée qu'on apprend pas aux garçons à parler de leurs émotions. Je me suis rendu compte que c'était ce dont je voulais parler : quand tu as l'impression que tu ne correspond pas aux critères de virilité qui sont dans notre société, dans les films d'action, les statues, les héros de guerre, les peintures...
On sait que les femmes sont victimes d'injonctions que l'on retrouve dans la mode, sur les affiches, les publicités. Les mecs, c'est un peu pareil. Je pense qu'ado, ça m'a impacté. Dans ma chambre, j'avais un poster de Schwarzenegger, mon frère en avait un de Stallone. Les années 80, c'était les gros films d'action avec des mecs baraqués. Je pense que ça a une influence, ça m'a donné le sentiment, quand j'étais plus jeune, que j'étais anormal, que je n'étais pas vraiment un homme. Ce sujet m'habite. J'ai le sentiment que c'est le mien.
J'avais envie de faire un film que je puisse montrer au moi de 14/15 ans et à d'autres ados en disant : "Fais ce que tu veux. C'est pas grave si t'es un mec sensible, qui aime bien lire des bouquins, être dans son coin, que t'es pas dans la guerre, la bagarre, que tu joues pas au foot. C'est pas grave !" Parce que ça, on le vit pas forcément toujours bien. La volonté, c'était de parler de la pression qu'ont les garçons et dont il faut qu'ils se détachent impérativement.
Dans votre parcours, du court métrage au long en passant par "Les Grands", il y a clairement un fil rouge qui est l'adolescence. Qu'est-ce qui vous passionne dans ce sujet ?
On me disait souvent que mon truc, c'était les adolescents. Mais parfois, je me dis que c'est plutôt parler de MON adolescence, égoïstement. Interroger ce que j'ai traversé, ce que j'ai vécu... En tout cas, ce qui me passionne dans l'adolescence, c'est que c'est une période où l'on se construit, une période où il y a une volonté de se conformer à une norme et en même temps de s'en extraire. Tu veux être comme le groupe et en même temps tu veux être un individu bien à part dans le groupe. C'est pas facile, et c'est ce que je trouve intéressant.
J'essaie aussi de parler des adolescents de manière sérieuse, de me mettre à leur niveau. Quand tu es ado, ce que tu vis est toujours une tragédie. Et quand tu es adulte, tu es un peu moqueur par rapport à ça. Mais c'est bien de ne pas se moquer car quand tu le vis, tu le vis avec intensité. On m'a dit, et ça m'a fait plaisir, que les ados ne sont pas caricaturaux dans Un vrai bonhomme. Parfois, je pense qu'il y a des archétypes, mais à chaque fois, j'essaie de faire en sorte que quand tu crois avoir complètement cerné le personnage, tu as d'un coup le détail qui fait qu'il paraît plus réel. Les ados ne sont pas justes définis par des fonctions, ils ont leur petit truc qui les fait exister.
Propos recueillis à Paris le 6 décembre 2019
La bande-annonce d'"Un vrai bonhomme" :