AlloCiné : D’où vient le titre Catch-22 ?
George Clooney : Au départ, Joseph Heller parlait d’un catch-18, mais quelqu’un de plus connu a écrit à la même époque un livre avec le chiffre 18, alors il l’a changé en catch-17. Mais bien sûr, le légendaire film Stalag 17 a forcé Heller à changer encore de titre. Catch-11 ? Mais Ocean's 11 est sorti ! Catch-14 ? Son éditeur trouvait que le chiffre n’était pas accrocheur. Au final Heller et son éditeur ont donc fini par adopter le titre Catch-22. C’est vraiment une histoire de fou.
Se retrouver dans un Catch-22 désigne une situation qui, à cause d’un problème intrinsèque de logique, ne possède pas de solution. Est ce que vous vous êtes déjà retrouvé dans un catch-22 ?
Kyle Chandler : est ce un catch-22 d’être américain en ce moment ?!
Comment avez-vous découvert le livre de Joseph Heller ?
George Clooney : C’était obligatoire, c’était un devoir d’école. Et ce ne fut pas évident car le livre est tellement dense. Cela m’a prit beaucoup de temps pour en venir à bout. A l’époque [le roman est publié en 1961 aux États-Unis], c’était une oeuvre révolutionnaire, au style frais et novateur. 40 ans après, je l’ai lu à nouveau et j’ai encore été surpris par sa fraîcheur et sa force. Ce fut une joie de passer d’une lecture obligatoire en tant qu’enfant au plaisir de le redécouvrir en tant qu’adulte. Et d’en faire une série !
Les thèmes du livre et de la série sont totalement d’actualité…
George Clooney : Oui ! Les thèmes, la sensibilité de l’époque furent sans doute différents de ceux que l’on peut ressentir aujourd’hui et en même temps, la thématique est bien plus clair, notamment celle sur les maladies mentales. Les questions qui sont soulevées n’ont pas d’époque. Nous sommes toujours en guerre quelque part et nous sommes entourés d’un grand nombre de personnes souffrant de problèmes mentaux. Le « ridicule » se retrouve également au coeur du livre et de la série, qu’il s’exerce au niveau du pouvoir ou de la bureaucratie. C’est parfaitement d’actualité. Au final Catch-22 montre la folie de la guerre, ce qui est bien le débat sans fin auquel nous sommes confrontés, quelque soit l’époque. Cette série aurait le même impact dans la Rome antique ou 50 ans dans le futur…
Est ce que la série entretient un dialogue avec notre époque en ces temps politiquement instables ?
Kyle Chandler : Une série comme Catch-22 permet de nous moquer de nous-même, elle permet de regarder la situation dans laquelle nous nous trouvons et de rire de son ridicule plutôt que d’en pleurer. Si nous avions davantage de sens de l’humour, le cours de certains événements serait moins dramatique.
Christopher Abbott : La série nous rappelle également que l’histoire se répète parfois et qu’il faut être vigilant pour ne pas commettre les mêmes erreurs que dans le passé.
Quel type de recherches avez-vous fait pour ce film ? Avez-vous parlé à des pilotes de la seconde guerre mondiale ?
Christopher Abbott : Non, je n’ai pas pu rencontrer d’anciens pilotes de guerre. Mais grâce à Internet et Youtube, vous trouvez un grand nombre d’interviews et de reportages les concernant. Pendant le tournage, nous avions un certains nombres d’experts et spécialistes militaires ou de l’aviation pour nous éclairer sur telle ou telle question. Ils ont pu aussi guider nos gestes à bord des avions mis à notre disposition pendant le tournage. Rien que le fait de se retrouver à bord de ces machines de guerre, dans cette extrémité toute en verre, vous aide à vous mettre en condition. On se sent vulnérable avec un grand sentiment de claustrophobie.
Quel a été le plus gros défis sur le tournage ?
Christopher Abbott : Pour moi c’était de ne pas perdre le cours de l’évolution de mon personnage. Où il se trouve dans l’histoire par rapport à la scène que nous tournions. Nous avons filmé la série d’un seul bloc, comme un long métrage mais avec trois réalisateurs en même temps ! Un jour, je pouvais tourner une scène de l’épisode 1 le matin avec George Clooney puis une scène d’un autre épisode avec Grant l’après-midi et ainsi de suite… Il faut donc rester très concentré en permanence.
George Clooney : Je suis d’accord avec Chris [Abbott], tourner une série comme un long film de 10 heures n’est pas aisé. Ce fut un emploi du temps et une logistique sans dessus-dessous pour nous tous.
[à George Clooney] Est ce que les séries vous ont manqué depuis Urgences ?
George Clooney : Non, pas vraiment car ma société de production a toujours été impliqué sur les séries, comme Memphis Beat. Nous vivons une époque formidable pour les séries et je suis ravi de pouvoir monter des projets exceptionnels comme Catch-22.
Quel est votre point de vue sur les nouvelles plateformes comme Netflix, Hulu, Amazon Prime Vidéo...
George Clooney : Je leur dis un grand merci ! Grâce à eux, nous pouvons monter des films indépendants qui ne sont plus financés par les studios ou des séries comme Catch-22 dont le budget est peut-être trop lourd pour une chaîne classique de télévision. Regardez Roma, ce film n’aurait jamais pu exister sans Netflix ! C’est vraiment de plus en plus dur de financer « des petits films dramatiques » sans le soutien des grosses plateformes. Par exemple, un film comme Good Night and Good Luck qui a coûté 6 millions de dollars à produire mais 33 à distribuer et promouvoir, ne pourrait pas exister et ne serait pas rentable pour une sortie en salle. Donc ce serait un film comme Roma, soutenu par une plateforme comme Netflix. De toute façon, elles sont là pour rester et il s’en monte plusieurs nouvelles chaque année. Pour moi, c’est l’opportunité d’avoir de nouveaux partenaires et de continuer mon travail de cinéaste, d’acteur, de conteur d’histoires !
Catch-22 est diffusé les jeudi soirs sur Canal+.