"C'est fin, c'est très fin, ça se mange sans faim." Sa réplique, culte, a accompagné plusieurs générations de spectateurs et télespectateurs depuis 1982 et la sortie du Père Noël est une ordure. Inoubliable interprète de Thérèse, bénévole coincée de SOS Amitiés, Anémone s'est éteinte ce 30 avril à l'âge de 68 ans, des suites d'une "longue maladie", selon un communiqué de son agent. Indissociablement liée à la troupe du Splendid, la comédienne avait été citée à cinq reprises aux César, et remporté le trophée de la Meilleure actrice en 1988 pour Le Grand Chemin.
Un pseudo emprunté... à un film
Fille de psychanalyste, Anne Bourguignon, ado rebelle, est renvoyée du lycée privé Notre-Dame-des-Invalides où elle interpréta la Vierge Marie dans le cadre d'un spectacle de fin d'année. Elle fréquente alors les hérauts de la contre-culture que sont Marc'O ou Philippe Garrel. Celui-ci lui fait tourner son premier film, Anémone (1968), un titre qui deviendra son nom de scène -on la retrouvera plus tard dans un autre film imprégné de l'esprit de 68, Le Couple témoin. Après un détour par Reims, où elle suit les cours de comédie de Robert Hossein, elle se lance dans le café-théâtre au sein de la Veuve Pichard, une troupe fondée en 1975 par d'anciens du Café de la Gare.
1982, le tournant
Enchaînant au cinéma les seconds rôles comiques, Anémone est remarquée en 1980 dans Je vais craquer!!! de François Leterrier. L'année 1982 marque un tournant dans sa carrière, puisqu'elle se retrouve à l'affiche de quatre films à succès : inoubliable Thérèse, aussi gentille que coincée, dans Le Père Noël est une ordure, elle se délecte à jouer les séduisantes godiches dans Viens chez moi, j'habite chez une copine, Ma femme s'appelle reviens, et Le Quart d'heure américain, aux côtés de la bande du Splendid. Appréciée pour sa fantaisie (Le Mariage du siècle), elle surprend en voisine introvertie dans Péril en la demeure, et émeut en paysanne dans Le Grand Chemin (1987), décrochant même pour ce rôle un César qu'elle "oublie" de récupérer.
Loin du star-system
Refusant de jouer le jeu du star-system, Anémone apparaît ensuite dans des comédies au ton plus personnel, signées par des cinéastes comme Romain Goupil (Maman) et surtout Tonie Marshall, qui lui confie de beaux personnages de femme libérée dans Pas très catholique (1994) et Enfants de salaud. Et c'est une autre actrice-réalisatrice, Christine Pascal, qui offre à Anémone l'un de ses rôles les plus marquants, celui de la mère d'une fillette gravement malade dans Le Petit prince a dit (1992).
A partir de la fin des années 90, l'actrice apparaît dans plusieurs films d'époque, du Cri de la soie à Lautrec, et dans quelques comédies d'aujourd'hui (Voisins, voisines, La Jungle), mais se consacre essentiellement au théâtre et à des combats citoyens. Elle n'en délaisse pas moins le cinéma, s'illustrant régulièrement dans des rôles de vieilles dames fantasques ou acariâtres (Le Petit Nicolas, Jacky au Royaume des filles, Rosalie Blum, Le Grand Partage...). Sa dernière apparition à l'écran remonte à 2018, dans la comédie La Monnaie de leur pièce de Anne Le Ny.