AlloCiné : Laurel et Hardy, pour vous, en quelques mots, c'était quoi, c'était qui ? Comment définiriez-vous leur collaboration ? A-t-on raison de dire qu'ils ont formé le plus grand duo comique de tous les temps ?
Roland Lacourbe, auteur de l'ouvrage "Laurel et Hardy : la véritable histoire" : Pour moi, comme pour des millions de gens sur la planète, Laurel et Hardy, c’est toute mon enfance. Dès que résonnait dans la salle de cinéma leur célèbre musiquette, je savais que j’allais rire et passer un bon moment. Ils sont incontestablement les plus grands comiques de tous les temps. Il n’y a pas d’autre exemple d’un duo aussi populaire dans le monde entier : aussi bien aux Etats-Unis qu’en Europe et… en Extrême-Orient !
Malgré les décennies, la plupart des films de Laurel et Hardy font encore aujourd'hui éclater de rire toutes les générations de spectateurs. Comment, selon vous, ont-ils réussi à rendre leur humour immortel, ce qui est un exploit rarissime pour un artiste comique ?
Je crois que leur secret réside avant tout dans l’empathie qu’ils suscitent chez les spectateurs. Cela tient à leur naïveté apparente, leur gentillesse naturelle et leur fondamentale innocence : ils donnent le sentiment que tout le monde leur est supérieur, ce qui facilite le rire et la moquerie sans la plus petite once de méchanceté.
Savez-vous comment sont nés leurs "gags" les plus célèbres ? Le mouvement de cravate d'Oliver, le grattement de tête de Stan ? Outre ces deux signes très distinctifs, quelles sont d'après vous leurs meilleures signatures ?
Les gags de leurs films étaient très travaillés. C’est Laurel, la "tête pensante" du duo, qui les écrivait. Mais les idées qui caractérisent un personnage naissent, la plupart du temps, spontanément sur le plateau, au cours d’un tournage. Impossible de remonter à leur origine. Stan est resté fidèle à ses deux gestuelles essentielles — pleurnicher et se gratter le dessus du crâne — alors qu’il ne les aimait guère, mais elles le caractérisaient et c’est ce que les spectateurs attendaient de son personnage. Et la meilleure trouvaille d’Ollie demeure ses continuels regards à la caméra qu’il agrémentait de toute une panoplie de nuances : regard de commisération, de complicité, de connivence ou d’exaspération.
Avez-vous pu découvrir "Stan & Ollie" de Jon S. Baird ? Le film correspond-il à la vision que vous vous faites du duo, notamment lors de cette dernière tournée en Angleterre ?
Je trouve le film remarquable parce qu’extrêmement fidèle à l’image que l’on se forge du couple de comédiens dans leurs rapports entre eux, et conforme en tous points aux innombrables témoignages qui ont été recueillis chez leurs collaborateurs et leurs proches depuis des décennies. Les auteurs du film (le scénariste Jeff Pope et le réalisateur Jon S. Baird) ont réussi à être à la fois proches de la réalité et à éviter toute sensiblerie qu’aurait pu susciter leur Chant du Cygne — leurs dernières apparitions en public — par des citations de gags qui dénotent une parfaite connaissance de leur œuvre. En outre, par leur formidable talent, les deux acteurs qui les incarnent [ndlr : Steve Coogan et John C. Reilly] se sont tellement glissés dans leurs personnages que, dès les premières minutes de projection, on a l’impression de voir les véritables Laurel et Hardy.
On sait que Laurel écrivait et supervisait la plupart des films du duo, et qu'il a d'ailleurs continué à le faire même après la disparition de Hardy, mais qu'en est-il de ce dernier ? Quelle était selon vous sa contribution à leur entreprise, outre son talent d'acteur ? Au-delà de ça, que pensez-vous qu'ils se soient apporté l'un à l'autre ? Comment se sont-ils complétés ?
Stan a continué, jusqu’à la fin de sa vie — huit ans après la mort d’Ollie — à écrire des sketches et des dialogues pour des films de Laurel et Hardy qui ne verront jamais le jour. John McCabe, leur biographe, les a recueillis dans un livre en 1972. Oliver Hardy, lui, était un homme extrêmement modeste et qui s’est toujours senti très inférieur à son partenaire. C’est pourquoi il le servait avec la seule qualité dont il estimait légitimement disposer, son exceptionnel talent d’acteur. Je pense que cette admiration profonde d’Ollie pour Stan a été sa plus grande contribution à la cohésion de leur équipe. On leur a demandé un jour à chacun ce qu’il pensait de son partenaire ; Stan a répondu d’Ollie : "Il vaut plus que son poids en diamant." Et Ollie de Stan : "Si j’ai jamais souhaité être quelqu’un d’autre, c’était être Laurel."
Pour en savoir plus sur l'ouvrage de Roland Lacourbe, "Laurel et Hardy : la véritable histoire", publié aux éditions L'Archipel...
(Re)découvrez la bande-annonce de "Stan & Ollie", en salles à partir d'aujourd'hui...