AlloCiné : Comment est née l’idée de Pitch, dans laquelle vous incarnez Lionel Planche, jeune producteur de film hyperactif et tyrannique qui n’a qu’une idée en tête : produire enfin son premier long métrage ? Vous aviez envie d’écrire une satire sur le monde du cinéma ?
Baptiste Lecaplain : Pas du tout. En fait c’est Arielle Saracco [la directrice de la création originale de Canal+, ndlr] qui depuis qu’on a fait Bref me demande à toutes les rentrées de présenter un programme court. Et à chaque fois je lui "Désolé, je n'ai pas d’idées". On avait tout de même tenté un pilote une fois, qui était écrit par Benjamin Guedj, mais on n’avait pas le bon timing, on était trop long pour un format court, alors on avait fini par laisser tomber cette idée. Et puis un jour j’en ai discuté avec Xavier Maingon, avec qui j’ai co-écrit la série, et il m’a dit "Franchement, t’es con, tu devrais y réfléchir". Et comme j’avais terminé mon deuxième spectacle et que je voulais faire une pause d’un an avant d’attaquer le troisième, j’ai dit "Ok, je vais y réfléchir". Surtout qu’Arielle ne lâchait pas l’affaire (rires). Et on a eu en référence un personnage qu’on adore, qui est celui incarné par Tom Cruise dans Tonnerre sous les Tropiques. Et on s’est aussi inspiré un peu d’un producteur de la place de Paris, qu’on ne citera pas (rires). On a fini par écrire 4 pilotes qu’on a autofinancé avec la production de Xavier Maingon et de Noah Klein, qui s’appelle Roger Films. On les a apportés à Canal et ils nous ont dit "On en veut 15".
Des producteurs comme Lionel vous en avez croisé beaucoup depuis que vous faîtes du cinéma et de la télévision ?
Non, pas des aussi véhéments, ni des aussi extravagants, heureusement (rires). Mais j’ai eu des échos sur certains, et un notamment, et je dois avouer qu’on retrouve un peu de ça dans la série. Mais en fait on a choisi le monde du cinéma car ça nous faisait marrer. Le "name-dropping" permettait de donner une réalité à tout ça. Mais les épisodes qu’on préfère avec Xavier ne sont pas forcément ceux qui traitent du cinéma. C’est une toile de fond qu’il nous fallait car des gens dans un bureau qui font un métier obscur ça ne tient pas. Il n’y a que Chandler Bing dans Friends qui peut tenir dix ans sans qu’on sache ce qu’il fait comme boulot (rires). Mais on aimait bien l’idée en tout cas d’avoir ce mec qui a à tout prix envie de faire un film mais qui dans les relations humaines est une merde sans nom. Et qui se complète avec Chantal, sa secrétaire, qui est super douce. C’est juste ça qui nous faisait rire.
Le fait que vous veniez avant tout de la scène, est-ce que ça vous a permis d’avoir un regard différent sur le monde du cinéma ?
Non, mais en fait la seconde motivation à cette série c’est que jusqu'à présent dans toute ma filmographie – j’ai fait 6 films – je n’ai jamais eu un rôle comique vraiment pur et dur. Hormis dans Libre et assoupi, j’ai quand même souvent joué des petits cons ou des fils de bonne famille un peu cons. Jamais des mecs qui balançaient des vannes ou des horreurs. Donc Xavier m’a dit "Écris-toi ce personnage". J'avais envie de m’offrir enfin un joli rôle comique grâce à Pitch.
Une grande partie du public vous a découvert dans Bref, sur Canal+ déjà. Revenir à un format court, des années plus tard, sur la même chaîne, c’est un parallèle, ou en tout cas un clin d’œil, qui vous amusait ?
Ça me faisait surtout beaucoup flipper, c’est pour ça que je n’ai pas voulu revenir tout de suite vers ça. Bref, c’était un truc complètement à part, surtout dans la forme. Je n’avais pas la prétention de vouloir faire le même genre de série. Mais c’est plutôt en voyant Jonathan Cohen s’éclater dans Serge Le Mytho que ça m’a donné envie. Mais la comparaison avec Bref n’est pas justifiée selon moi car ce sont deux choses complètement à part.
Comment s’est passée l’écriture des épisodes ? Vous avez écrit tous les épisodes à trois avec Xavier Maingon et FloBer ?
On a beaucoup écrit avec Xavier au début. J’ai aussi beaucoup écrit tout seul. Et puis au bout de huit épisodes j’ai commencé à dire à Xavier "Ce serait pas mal qu’on prenne quelqu’un pour écrire avec nous", et on a pensé à FloBer tout de suite car j’avais fait des séances d’écriture avec lui sur un projet qui ne s’était pas fait. Et j'avais été très marqué par lui. Car ce qui est génial avec FloBer c’est que c’est un auteur pur et dur. Il s’en fout de jouer la comédie et il a zéro ego. S'il t’envoie dix pages de vannes et que tu n'en retiens que deux, il s’en fiche. Et il a vraiment des idées incroyables. C’est lui qui a eu l’idée de mettre des citations sur le mur derrière Lionel. On se complète bien finalement car il a une autre manière que moi d’aborder les dialogues et les gags de situation. Il a une place vraiment importante dans Pitch.
Vous avez aussi une super partenaire de jeu, Jeanne Arènes, qui incarne Chantal…
Quand on a vu les essais et qu’on l’a vue jouer, on a été bluffés, on n’a vu qu’elle. Elle est incroyable. Et dans l’écriture je trouvais que je ne lui donnais pas assez de choses à jouer alors l’épisode sur Titanic je l’ai écrit spécialement pour elle.
Au passage, dans la série, vous tapez avec humour sur pas mal de vos confrères, de Patrick Bosso à Lorant Deutsch, en passant par les auteurs de Scènes de ménages. Depuis la diffusion du premier épisode de Pitch vous sortez désormais en permanence avec un garde du corps par peur des représailles ?
Non, je ne pense pas qu’ils le prendront mal, c’est des vannes (rires). Lionel c’est un personnage, les trois quarts des trucs je ne les pense même pas. C’est parce que le mec est très méchant, il dit tout haut ce que plein de gens pensent tout bas. Mais si je vous dis la vraie phrase qui m’a inspiré la série… En fait il y a une phrase qu’un producteur de Paris a sorti à un serveur asiatique un jour. Je ne vous la dirai pas car je pense qu’elle sortira en saison 2 (rires). Des gens peuvent vraiment sortir des horreurs parfois sur des plateaux. Alors quand tu te dis que des personnes peuvent dire des choses comme ça... Franchement je ne pense pas que ça choquera les comédiens et les comédiennes. Ils vont se dire "J’ai déjà entendu dix fois pire".
Et de toute façon Lorant Deutsch il prend et après il apparaît dans l’épisode en question…
Oui c’est ça, la plupart des comédiens ont beaucoup d'humour vis-à-vis d'eux-mêmes. Et de toute façon on ne tape pas sur les ambulances. Si quelqu’un était malade, ou souffrant, ou au cœur d’une polémique, on ne s’en moquerait évidemment pas. Mais si des gens prennent mal ce qu’on dit dans la série, j’en suis désolé, mais c’est des vannes. Et s’ils le prennent vraiment mal et qu’ils sont en colère, il ne faudra pas qu’ils regardent la saison 2 car on va prendre un malin plaisir à leur en remettre une couche (rires).
Finalement, entre Bref, Hero Corp, Dead Landes, Final Space, Pitch, vous avez participé à beaucoup de séries. Vous en regardez beaucoup vous-même en tant que téléspectateur ?
J’aime bien les séries, oui, mais je n’ai pas beaucoup de temps pour en regarder. Après bien sûr il y a des séries que je regarde en boucle comme Friends ou Kaamelott. Les dialogues de Kaamelott m’ont beaucoup inspiré. Les quatre pilotes de Pitch, une fois tournés, je les ai envoyés à Alexandre Astier pour qu’il y jette un œil et me donne son avis. Et il m’a envoyé une page entière de retour, j’étais ultra content. J’avais l’impression d’avoir eu mon bac mention très bien. Il m’a fait plein de compliments qui m’ont beaucoup touché et il m’a encouragé à poursuivre dans cette voie.
J’ai cru comprendre que vous n'étiez pas très fan de Game of Thrones par contre…
Non, j’ai pas réussi à rentrer dedans, j’ai eu un problème avec les noms (rires). Mais en vrai c’est bien, il faudrait que je continue. De toute façon les séries soit je rentre dedans direct, soit je passe à côté. La série que je regarde à mort en ce moment c’est Crashing de Pete Holmes, produite par Judd Apatow. Je trouve ça absolument génial, le mec est d’une tendresse incroyable. J’ai adoré Ozark aussi. La dernière saison de True Detective c’est pas mal, j’aime bien, mais je suis un peu déçu, car je trouve ça un peu long. Et le duo de la saison 1 était trop fort je crois. Mais j’ai du mal à me mettre à fond dedans et Game of Thrones ça prend du temps, moi j’ai des enfants, je regarde beaucoup Disney. Et j’ai une compagne qui n’aime pas les séries, donc regarder ça tout seul c’est un peu glauque (rires).
Vous avez d’autres projets à venir côté ciné ou télé ?
Je passe des castings de temps en temps mais je pense que la prochaine étape ça va être de s’écrire notre film avec l’équipe, avec Xavier Maingon et FloBer. On va essayer de réfléchir à quelque chose, mais dans une petite économie, pas une grosse comédie. Je pense que le mieux à faire c’est de créer ses propres projets. Et Pitch c’est quelque chose qui nous tient à cœur mais c’est aussi une manière de nous échauffer pour voir si on peut faire autre chose. Mais passer de la série courte à une série de 26 minutes ou de 52 minutes, je pense que j’en serais incapable. Tout comme écrire un film tout seul. J’ai vraiment besoin d’être entouré.
Et pour en revenir à Pitch, est-ce que vous savez déjà s'il y aura une deuxième saison ?
C’est fait à 95%. On doit juste voir dans notre planning comment on procède car j’ai aussi mon troisième spectacle à écrire. Et on réfléchit au long métrage, mais on a envie de faire une saison 2. Tant qu’il y a Arielle Saracco à Canal+ je ferai des choses avec cette chaîne car Arielle est géniale. C’est encore le gardien du temple pour moi. Quand tu as des gens comme ça qui te font confiance tu as envie de rester avec eux. Mais on a tout tourné en trois jours sur la saison 1, c’était sport, donc on a demandé à Canal, si saison 2 il y a, d’élargir un peu pour avoir un peu plus de temps et tenter plus de choses.
La bande-annonce de la série :
Pitch est diffusée chaque dimanche à 13h55 en clair sur CANAL+ et est également disponible sur myCANAL.