AlloCiné : Au final, qu’est qui a motivé et motive toujours l’écriture de cette série ?
Justin Marks (créateur) : Au départ, c’était pour écrire une sorte d’hommage aux films noirs d’espionnage faisant allusion à la Guerre Froide. Mais comme j’adore la science-fiction, je voulais rajouter une autre dimension et cela a ainsi donné naissance à Counterpart. C’est l’idée que s’il y avait encore un mur à Berlin, il y aurait de l’autre côté un univers parallèle au nôtre avec des alter égos à nos identités. Je trouve cela fascinant et avec des possibilités créatives sans limite.
Quels défis avez vous dû surmonter avec cette nouvelle saison ?
Justin Marks (créateur) : Quand nous avons tourné la première saison, nous avions déjà dix scénarios d'épisodes de prêt mais pour cette saison nous avons dû mettre le turbo et écrire toute la saison en quatre mois ! C’est donc un stress constant pour arriver à écrire autant de scripts en si peu de temps. Heureusement, nous avons une équipe de scénaristes bétons. D’autant que ces scénaristes avaient travaillé pour la plupart sur la première saison. Ils étaient donc familiers avec tous les personnages et nous avions discuté en profondeur de la thématique de cette saison ainsi que des grandes lignes à suivre. Ceci dit, c’est un vrai casse tête de tourner cette série entre deux continents, l’Europe et les Etats-Unis, et avec deux univers totalement différents où les acteurs doivent jongler entre des interprétations différentes selon qui ils jouent.
Parlez-nous du nouveau personnage joué par Betty Gabriel. Aura t-elle un alter ego ?
Justin Marks (créateur) : Elle joue le rôle de Naya Temple qui est un personnage crucial cette saison. La première saison établissait cet univers d’espions après la guerre froide et les confrontations du KGB, de la CIA et MI6. Naya est un agent du FBI dont la spécialité est la chasse aux espions. C’est un rôle parfait pour Betty car vous ne savez jamais ce qui se cache derrière son regard ultra perçant et troublant. Et elle va ainsi vous prendre par surprise à chaque épisode. Je ne peux rien dire quant à son alter ego car il s’agira d’une surprise…
Parlez-nous de vos personnages et de leur alter ego dans l’autre monde...
Betty Gabriel : On ne rencontre pas mon alter ego dans cette saison mais j’espère qu’elle apparaitra dans la saison 3 ! Quant à mon personnage Naya Temple, c’est un ancien agent du FBI et elle est embauchée par l’agence Interchange pour traquer les espions qui ont infiltré les lieux. J’aime jouer Naya car c’est une femme forte, mystèrieuse et au grand charisme. Pour rentrer totalement dans la peau de Naya, j’ai dû passer du temps avec des membres du grand conseil islamique aux Etats-Unis car sa foi musulmane est une part entière de sa personnalité. Quelque part, cela lui permet d’avoir une plus grande objectivité vis à vis de ce qui est vrai ou faux. C’est quelqu’un qui veut vivre dans le vrai et qui ne saurait jamais mentir.
Nazanin Boniadi : Quant à moi, on rentre un peu plus dans la peau de mon personnage, Clare Qayle, et on va vite découvrir une alter ego très sombre, très bad ass. Ce n’est pas simple de jouer deux "versions" du même personnage avec des personnalités assez opposées. Pour bien rentrer dans la peau de mon personnage, ça a été très agréable de tourner à Berlin : cela m'a permis de mieux comprendre l’histoire
politique au coeur de cette série et la psychologie de ce milieu. C’est intéressant de sentir encore aujourd’hui les différences entre ce qui était Berlin Ouest et Berlin Est. C’est une sorte de métaphore pour notre série, où la dualité d’identité est le coeur du débat. C’est un univers de conflits tout comme l’est mon personnage qui se sent tiraillé entre sa famille et le monde de son travail. Il lui faudra faire des choix qui ne sont pas évidents. Vous allez voir la tension entre Clare et son mari Peter atteindre des sommets : est-
ce qu’ils peuvent encore se faire confiance ou est-ce que tout est fini pour eux ?
Etait-ce différent cette fois-ci de tourner à Berlin ?
Justin Marks (créateur) : Ce qui est différent, c’est que nous avons tourné les deux tiers de la série à Berlin alors que nous n’y avions tourné qu’un tiers pour la première saison. Donc au niveau logistique, cela représente une situation plus complexe. J’adore Berlin : c’est une ville extrèmement efficace. Je la trouve totalement dépaysante, surtout pour le public américain. On a vraiment l’impression d’être à une autre époque, justement l’époque de la Guerre Froide, en raison de l’architecture principalement. C’est une ville qui a été coupée en deux et c’est parfait pour notre série puisqu’il s’agit de deux univers également coupés
l’un de l’autre.
Betty Gabriel : J’avoue que de filmer en Europe, à Berlin mais aussi de pouvoir avoir la chance de se balader dans d’autres pays pendant les week-end, comme en France par exemple, cela permet d’avoir une plus grande compréhension de la thématique de la série. Cela nous permet aussi, pour nous Américains, de mieux comprendre le poids d’une histoire riche et mouvementée qui a construit ce qu’est aujourd’hui l’Europe. Donc c’est vraiment une expérience unique et fascinante.
Est-ce que vous voyez des parallèles entre cette série et ce qui se passe en ce moment aux Etats-Unis ?
Justin Marks (créateur) : Oui, absolument. D’ailleurs, quand vous écrivez une série comme la nôtre dont le coeur est la politique, c’est impossible de ne pas faire attention à ce qui se passe autour de vous. Le premier épisode de la saison 2 parle clairement du statut de "réfugié". C’est forcément un parallèle avec ce qui se passe en ce moment avec toutes les vagues de réfugiés qui arrivent en Europe mais aussi avec ce qui se passe aux Etats-Unis avec les flux migratoires venant d’Amérique latine et la crise dans laquelle nous sommes avec ce fameux mur au coeur de tous les débats. Vous allez voir que dans cette saison, nous parlons du mur et des divisions qui impactent de plus en plus notre société. Oui, c’est notre intention d’aborder ces problèmes critiques et d’espérer ainsi relancer le débat et enclencher des discussions chez les spectateurs.
Nazanin Boniadi : Absolument ! La série aborde, en partie, le problème de la transparence, de l’honnêteté du gouvernement. Et l’on voit bien comment nous sommes dans une crise de transparence en ce moment
aux Etats-Unis avec le gouvernement actuel. Par ailleurs, jouer un personnage qui va se radicaliser pour faire des choses néfastes parle au grand jour de vrais problèmes auxquels nous devons de plus en plus faire face. J’espère qu’avec tout ce qui se passe en ce moment, entre les diverses attaques terroristes dans tel ou tel lieu de prière, qu’il n’y a pas d’amalgames de fait mais qu’au contraire on peut apprendre à faire la
différence entre un terroriste et une personne de foi, de bonne foi. Et pour moi, Clare est définitivement quelqu’un de mauvais mais l’on tente de comprendre pourquoi elle en vient à faire ce qu’elle fait. Nous ne
cherchons pas à excuser les terroristes avec cette série mais nous cherchons à comprendre et ainsi, peut-être, à prévenir la prochaine attaque sur notre sol ou ailleurs… L’une des leçons de la série et de mon personnage, est que l’on peut aussi bien apprendre aux gens à se haïr les uns les autres que de s’aimer les uns les autres. J’espère que nous choisirons de plus en plus la seconde solution…
Betty Gabriel : C’est vrai qu’en ce moment aux Etats-Unis, comme dans la série, il est difficle d’avoir un sens d’union, de rassemblement entre nous. Le peuple est divisé et rien ne semble le rapprocher. Nous sommes presque en guerre l’un avec l’autre, ici... C’est vraiment horrible et effrayant. Et évidemment, c’est le résultat de plein de choses mais il va falloir faire face à nous mêmes et trouver des solutions, comme nos personnages… Donc, oui, les parallèles sont évidents entre la série et le monde d’aujourd’hui. J’espère que cette serie ouvrira les yeux et le coeur au plus grand nombre…
Counterpart Saison 2 est à suivre sur OCS