De quoi ça parle ?
Un hôpital public en périphérie d’une grande ville. Suite à des mesures sanitaires, les médecins titulaires du service de médecine interne se retrouvent confinés chez eux pour 48h. Trois internes inexpérimentés et un médecin légiste, qui ne se connaissent pas encore, vont devoir faire bloc pour gérer seuls le service et les malades. Mais la quarantaine se prolonge…
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C'est avec qui ?
Pour incarner les jeunes internes en médecine d'Hippocrate, Canal + a fait appel à deux visages féminins qu'elle connaît bien : Louise Bourgoin d'abord, qui y a fait ses débuts en tant que Miss Météo avant de s'émanciper au cinéma dans Adèle Blanc-Sec, Un Heureux Evenement ou Je Suis un Soldat; et Alice Belaïdi, l'une des révélations de Workingirls, vue également dans Budapest ou L'Ascension. Elles sont parfaites et surprenantes dans ces rôles écrits avec soin. A leurs côtés, Zacharie Chasseriaud, apparu régulièrement au cinéma et à la télévision depuis qu'il est enfant et qui tient ici son premier grand rôle. Il est d'emblée convancaincant. Pour compléter le quatuor, Karim Leklou, star cette année du film Le Monde est à toi de Romain Gavras, croisé auparavant dans Un Prophète et Voir du pays, excelle avec un personnage mystérieux.
Chez les médecins titulaires, on retrouve Anne Consigny, qui avait déjà brillé dans Les Revenants de Canal +, entre autres rôles marquants; et Eric Caravaca, notamment remarqué dans La Chambre des officiers et Les Ambitieux; sans oublier la participation de Géraldine Nakache (Tout ce qui brille, Je fais le mort) en directrice de l'hopital, qui mériterait une plus grande place en saison 2.
Ça vaut le coup d'oeil ?
On vous en fait le serment : Hippocrate est LA série médicale que la France n'avait encore jamais eue et qu'elle méritait. Et on va même aller plus loin : c'est probablement LA meilleure nouvelle série française de l'année, tous genres confondus, malgré de belles tentatives un peu partout. La plus aboutie, la plus réaliste et finalement la plus ambitieuse aussi, car derrière son pitch relativement simple, qui pourrait donner l'impression que ce qu'elle propose a déjà été fait ailleurs et pas qu'une fois, se cache une merveille d'originalité qui arpente les couloirs d'hôpital à sa manière, en déjouant les pièges et les clichés, avec des héros tout sauf idéalisés, qui ont le droit à l'erreur. Et en commettent plus d'une ! Cela dit, de notre point de vue, c'est un sans fautes !
Qui mieux pour adapter le film de Thomas Lilti sorti en 2014 que Thomas Lilti lui-même ? Il occupe véritablement la place de showrunner dans cette production, puisqu'il a à la fois réalisé et co-écrit les huit épisodes, accompagné d'Anaïs Carpita (Dix Pour Cent), Claude Le Pape (Petit Paysan, Les Combattants) et Julien Lilti (Adama). Une belle équipe qui a su trouver le ton juste pour raconter l'hôpital français en 2018, ceux qui soignent et ceux qui souffrent, avec une sincérité désarmante. Il ne s'agit pas d'une série feel good, il ne s'agit pas d'un bel hôpital rempli de médecins/mannequins qui se grimpent dessus entre deux interventions, il ne s'agit pas non plus de cas médicaux qui laissent les blouses immaculées et qui se terminent (presque) toujours par une victoire contre la mort. Et ne comptez pas trop sur des blagues pour détendre l'atmosphère, même s'il arrive de temps à autres à la série d'offrir des instants fugaces de légèreté.
Les deux premiers épisodes sont déstabilisants parce qu'ils surprennent, la série n'étant pas tout à fait dans la lignée du film, elle est beaucoup plus sombre. Il faut un petit temps d'adaptation pour s'apprivoiser ses codes, s'attacher aux personnages, peu sympathiques de prime abord, et se faire au rythme, qui joue sur les accélérations et les ralentis. Tout y est intime, cru, sans concession. On se passionne rapidement pour ces médecins, dont les secrets refont surface à mesure que la fatigue les rattrape, que la camaraderie les rapproche, que les masques tombent ; médecins incarnés par des acteurs que l'on sent investis et heureux de pouvoir composer sur la longueur. On se passionne aussi pour les patients, qui sont suivis au fil des épisodes et non remplacés par de nouveaux systématiquement. Leurs destins nous importent vraiment, autant qu'à ceux qui enchaînent les premières fois pour leur venir en aide. Il y a une minutie dans les interventions et un souffle dans la mise en scène qui impressionnent constamment; et une montée en puissance qui laisse exsangue au terme des deux derniers épisodes, particulièrement réussis.
Hippocrate réussit le tour de force de n'emprunter ni à ses aînées américaines (même si Urgences semble être sa grande soeur la plus proche) ni à tout à fait à ce que Thomas Lilti a proposé au cinéma précédemment avec Médecin de campagne ou Première Année. La série a son univers, répond à ses propres règles et fonctionne de bout en bout grâce à une maîtrise parfaite de son récit et de ses personnages, et une intensité folle. Vite, une saison 2 !