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    Il y a 20 ans, le soldat Ryan de Spielberg débarquait au cinéma
    Olivier Pallaruelo
    Olivier Pallaruelo
    -Journaliste cinéma / Responsable éditorial Jeux vidéo
    Biberonné par la VHS et les films de genres, il délaisse volontiers la fiction pour se plonger dans le réel avec les documentaires et les sujets d'actualité. Amoureux transi du support physique, il passe aussi beaucoup de temps devant les jeux vidéo depuis sa plus tendre enfance.

    Le très grand film de guerre de Steven Spielberg, couronné en 1999 par cinq Oscars dont celui du Meilleur réalisateur, est devenu depuis sa sortie un classique, dont la séquence d'ouverture sur le D-Day est ancrée dans les mémoires...

    DreamWorks Pictures

    Il y a vingt ans déjà, le 30 septembre 1998, sortait  Il faut sauver le soldat Ryan. Avec plus de 4,13 millions d'entrées en France, dont plus de 700 000 sur Paris-périphérie, le film de guerre de Spielberg fut l'un des dix plus grands succès de l'année 1998. Aux Etats-Unis, il a rapporté plus de 216 millions de dollars et plus de 480 millions au box-office mondial. A ce triomphe en salles s'ajoutait un succès critique et l'Oscar du meilleur réalisateur pour Steven Spielberg. Découvreur de talent, comme il le fut avec Richard Dreyfuss ou Roy Scheider, Spielberg lança à l'occasion de ce film plusieurs jeunes comédiens aux côtés de Tom Hanks et Matt Damon. Edward BurnsBarry Pepper ou Giovanni Ribisi y font pratiquement leurs premiers pas. Quant à Vin Diesel, il fut contacté par Spielberg qui lui a écrit spécialement le rôle du soldat Adrian Caparzo, lançant par la même occasion la carrière de la (future) nouvelle icône du film d'action.

    La guerre, toujours la guerre...

    C'est avant tout l'expérience humaine et morale de la guerre qui intéresse Steven Spielberg. "La période 39-45 m'obsède, car l'Amérique, qui avait déjà perdu son innocence plusieurs fois, l'a abandonnée à jamais pendant la Seconde guerre mondiale" expliquait le cinéaste dans une interview accordée à L'Express en septembre 1998, à propos du film. "Je voulais rendre hommage à tous ces jeunes garçons qui n'avaient jamais quitté leur ville, ne parlaient pas d'autre langue que l'anglais, et ont été jetés directement sur Omaha Beach. Je voulais illustrer le choc brutal des cultures". 

    Si L'Empire du Soleil et La Liste de Schindler ont tous deux la Seconde guerre mondiale pour contexte (l'occupation de la Mandchourie par les Japonais pour le premier et l'Holocauste pour le second), ces deux (chefs) d'oeuvres relèvent avant tout de drames historiques, et non de films de guerre à proprement parler. En ce sens, on peut dire que c'est avec Il faut sauver le soldat Ryan que Spielberg livre vraiment son film de guerre. "Je ne voulais pas venir avec mon équipe pour glorifier ce qui s'est passé. J'ai essayé de rester fidèle et cru" expliquait Spielberg. Le credo était simple : livrer un film de guerre ultra réaliste et sans concession. A des années lumière du débarquement du Jour le plus long, même si ce dernier est devenu au fil des ans, un classique.

    Pari réussi au-delà des espérances avec un film gorgé de morceaux d'anthologie, dont la séquence du débarquement à Omaha Beach, qui dure 20 min, assurait déjà à elle seule la postérité du film. Tournée en Irlande avec plus de 1000 figurants, dont 250 soldats de l'armée irlandaise (et même une trentaine de personnes amputées jouant des soldats mutilés), le résultat est proprement hallucinant, et même décuplé par le travail tout particulier effectué sur le Design sonore du film, avec les impacts sonores des balles qui déchiquètent les chairs.

    Ci-dessous justement, un extrait de la fameuse séquence du débarquement...

    En fait, l'impact de cette séquence (et plus largement du film) fut si foudroyant pour les vétérans du D-Day qui découvrirent le film qu'un numéro spécial de téléphone fut mis en place par le Department of Veteran affairs (l'équivalent de notre Secrétariat d'Etat aux anciens combattants) pour recueillir la parole de ces soldats traumatisés par le film, qui venait brusquement de raviver de douloureux souvenirs.

    "Je ne regarde pas beaucoup de films de guerre" expliquait Christopher Nolan à Joshua Levine, auteur du livre Forgotten Voices of Dunkirk, réédité pour la sortie de Dunkerque. "On a vu Il faut sauver le soldat Ryan de Spielberg, qui était [...] instructif car il possède une esthétique de film d’horreur. Son approche de l’intensité et du gore est si absolue et réussie que nous avons compris qu’il fallait aller ailleurs" poursuivait Nolan. En ce sens, Spielberg a bien retenu les conseils avisés du grand Samuel Fuller : "si tu fais un film de guerre, joue le réalisme" lui soufflait le réalisateur d'Au-delà de la gloire.

    Epilogue... Vidéoludique

    On doit également à Spielberg l'idée d'un jeu qui va durablement marquer l'histoire des jeux FPS : Medal of Honor, sorti en 1999 sur Playstation. Le cinéaste eut l'idée du titre alors qu'il était justement en plein tournage de son film de guerre. En 1997, il insista pour que DreamWorks Interactive, filiale du studio DreamWorks fondé en 1994 par le cinéaste, Jeffrey Katzenberg et David Geffen, travaille au développement d'un jeu de guerre "réaliste" ayant pour cadre la Seconde guerre mondiale.

    "Spielberg, qui était alors en pleine période de post-production de son film, est venu pitcher son idée chez DreamWorks Interactive. Il voyait "Il faut sauver le soldat Ryan" comme une expérience éducative tout autant qu'une propriété intellectuelle. Il avait beaucoup regardé son fils adolescent jouer avec ses amis à Goldeneye sur Nintendo 64. Est-ce que DreamWorks pourrait créer un shooter ayant pour cadre la Seconde guerre mondiale, qui pourrait les amener à apprendre sur cette période tout en jouant ?" raconte Jamie Russell, auteur en 2012 d'un livre, Generation Xbox: How Video Games Invaded Hollywood.

    L'ennui, c'est que les développeurs ne partagent pas vraiment l'enthousiasme du cinéaste... Pour eux, il faut aller davantage vers une orientation Fantasy (!), estimant que le cadre de la Seconde guerre mondiale est complètement dépassé et vieillot, en plus d'être faiblement attractif pour un jeu. Peter Hirschmann, producteur du jeu interviewé dans l'ouvrage de Jamie Russell, se souvient : "l'équipe disait que ce que les gens voulaient à ce moment-là, c'était surtout des fusils aux rayons laser. L'idée de créer un jeu s'inscrivant dans un contexte historique pertinent et dans un environnement vidéoludique Low tech était un vrai défi".

    Spielberg n'en démord pas : la précision historique pour son futur jeu est primordiale. Et pour mieux appuyer ses propos, il amène dans ses valises des conseillers techniques militaires et autres historiens, chargés de veiller à ce principe tout au long du développement du jeu. Une première à l'époque, pour une pratique qui s'est depuis largement répandue dans l'industrie du jeu vidéo. Un réalisme voulu dans le jeu mais dont la violence et les effets sanglants seront pourtant nettement purgés lorsque le titre sortira. La fusillade de Columbine et un énième débat sur la violence dans les jeux vidéo passèrent en effet par-là...

    Edité par Electronic Arts en 1999, l'énorme succès du titre a conduit à la création du studio Infinity Ward par des développeurs ayant travaillé sur Medal of Honor, désormais parti chez l'éditeur concurrent, Activision. Infinity Ward qui développera, comme les gamers le savent, la désormais indéboulonnable licence Call of Duty. En 2000, la filiale DreamWorks Interactive fut rachetée par Electronic Arts, qui popularisera encore plus la franchise des Medal of Honor avec Medal of Honor : Allied Assault sorti sur PC en 2002, et sa désormais célèbre séquence du débarquement allié tout droit inspirée de celle du film de Spielberg.

    Séquence souvenir pour les plus nostalgiques d'entre vous...

     

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