Sofia, 20 ans, vit avec ses parents à Casablanca. Suite à un déni de grossesse, elle se retrouve dans l’illégalité en accouchant d’un bébé hors mariage. L’hôpital lui laisse 24h pour fournir les papiers du père de l’enfant avant d’alerter les autorités… C'est le point de départ de ce premier long métrage de la cinéaste Meryem Benm’Barek, remarquée par ses courts métrages, primé pour son scénario à Cannes (Un Certain Regard) et Angoulême.
AlloCiné : L'histoire de Sofia s'inspire-t-elle de quelqu'un que vous avez connu ? Ou est-ce peut être une histoire que vous aviez lu dans un journal ?
Meryem Benm’Barek, scénariste et réalisatrice : L'histoire de Sofia, c'est une histoire comme des jeunes femmes en vivent tous les jours au Maroc. C'est un composite de plusieurs choses. Je connais des femmes qui sont passées par là. Mes amis en connaissent. Tous les marocains ont été confrontés de près ou de loin à une histoire comme celle-ci.
Quels ont été les films qui ont compté dans votre cinéphilie, ou les réalisateurs qui vous ont accompagner vers l'envie d'écrire et de réaliser ?
Je ne pense pas être particulièrement être cinéphile. Par contre, en fonction des projets que j'écris, il y a des cinéastes qui m'accompagnent. Sur Sofia, j'ai été beaucoup accompagnée par le cinéma de Fahradi, de Ceylan parce qu'il aborde un peu les thématiques que j'aborde dans Sofia, et j'ai été accompagnée aussi par Cristian Mungiu. Ils ont un cinéma un peu sec, il n'y a pas de gras, avec des sujets sociaux assez forts. Ils sont au plus près de leurs personnages, il n'y a pas de fioriture. On est dans une grande sobriété de la mise en scène qui porte bien les sujets.
Un mot sur votre parcours. Sofia est votre premier long métrage en tant que réalisatrice, mais vous vous étiez faite remarquer avec un court métrage...
J'ai fait des courts métrages à l'école quand j'étais en études de cinéma. Mes deux derniers courts métrages ont un petit peu tourné, beaucoup en dehors de la France, pas trop en France. J'ai eu avec mon film de fin d'études Jennah, le grand prix à Rhode Island, qui m'a permis une pré-sélection aux Oscars. C'était assez encourageant. J'ai commencé à écrire pour préparer mon premier long métrage.
Et votre premier long a été produit par une société bien connue sur la place de Paris, Curiosa Films...
Quand j'avais écrit mon court métrage, mon agent l'avait envoyé à Curiosa Films. Il y avait au sein de Curiosa Films une jeune productrice, chargée de développement, Lisa Verhaverbeke, qui avait vu ce court qui a beaucoup aimé, et qui a proposé de me rencontrer. Elle était chargée par Olivier Delbosc de trouver des jeunes talents, des jeunes projets. Je l'ai rencontrée pour un autre film qui ne s'est pas fait : c'était un film assez compliqué, un road-movie. Pour un premier film, c'était assez difficilement finançable.
Cet autre projet qui n'a pas pu se faire, est-ce que vous le gardez dans un coin de la tête ?
Pas du tout. Mais c'est une question intéressante car quand je sortais de l'école, j'avais un projet que j'avais écrit, avec un écrivain et scénariste qui est décédé maintenant, qui est un très grand ami. J'ai appris avec lui que la sincérité dans l'écriture était la plus grande des armes. C'était un projet difficile à financer comme je vous le disais, et à chaque fois que j'avais des rendez-vous avec des producteurs, on me disait : trop compliqué, il vaut mieux que tu fasses quelque chose qui ressemble à Jennah, mon court métrage de fin d'étude. Il vaut mieux rester dans le « coming of age ».
C'est intéressant de parler de ça, car j'ai l'impression qu'il y a un appétit pour des premiers films français réalisés par des femmes. Souvent on attend d'elles qu'elles abordent des sujets, tels que le « coming of age », la sexualité, la féminité, des histoires d'amour. On voit beaucoup plus rarement des films financés qui parlent de sujets beaucoup plus sociaux. Il y en a, je ne dis pas qu'il n'y en a pas. Mais donc, j'en avais marre d'être tout le temps refoulée par rapport à ça : c'est trop compliqué, c'est trop politique, c'est trop social, c'est trop ceci, c'est trop cela.
Figurez-vous que j'ai écrit le long métrage de Jennah, j'en ai écrit le traitement, j'ai rencontré beaucoup de producteurs. Mais j'ai été très touchée par ma rencontre avec Lisa Verhaverbeke et Olivier Delbosc, et je m'y suis sentie à ma place, avec une jeune productrice, en même temps parrainée par un producteur important qui pouvait m'apporter la sécurité dont j'avais besoin. En arrivant au rendez-vous, je leur ai proposé le long métrage de Jennah, mais je leur ai dit que j'en avais un autre, qui me tient beaucoup plus à coeur. Je leur ai présenté, ils ont beaucoup aimé et on s'est lancé là-dessus. Mais il a fallu que je passe par un autre projet en quelque sorte plus conventionnel, plus attendu dans le sens de ce qu'on attend d'une jeune réalisatrice.
La bande-annonce de Sofia