AlloCiné : A J-2 du lancement de la compétition officielle du Festival Canneséries, dans quel état d'esprit êtes-vous ?
Fleur Pellerin : Très enthousiaste, très excitée. On a déjà ouvert le Festival avec les 2 premiers épisodes de la 3e saison de Versailles avec toute l'équipe, c'était un beau moment. Je suis avant tout très admirative du travail accompli par toute l'équipe de Canneséries parce que c'était un véritable défi de créer un tel événement à partir de rien. La sélection officielle est de qualité, tout ce qui a été créé autour est solide.
Est-ce que cette première édition est telle que vous l'aviez imaginée lorsque vous étiez encore Ministre de la Culture ?
C'est en tout cas dans l'esprit de ce que j'avais imaginé. On va forcément avoir besoin de temps pour que le festival s'installe dans le paysage, on va tatônner sur certaines choses, on va faire des erreurs, mais sur la vision au long terme c'est exactement ce que je voulais : un festival qui soit à la fois exigeant sur le plan artistique avec une programmation forte, et qui s'ouvre aussi au grand public, tel un hommage rendu à cet amour que l'on peut porter au genre de la série télévisée. Il y a des projections dans toute la ville qui sont ouvertes au public, il y a des rencontres avec les auteurs, les acteurs... Ce projet ce n'est pas juste le festival, pas juste la montée des marches, c'est aussi tout ce qu'il y a autour.
Quel a été votre rôle en tant que Présidente dans les mois qui ont précédé ce lancement ?
Un rôle plutôt symbolique, celui d'ambassadrice, de représentante, de bonne fée. Mais j'espère qu'il sera amené à grandir dans les années à venir car je pense qu'on aura su montrer au terme de cette première édition ce dont on est capable et ainsi attirer de nouveaux sponsors, de nouveaux partenaires. Je me déplace beaucoup dans le cadre de mes activités professionelles et j'en profiterai pour diffuser la bonne parole autour du festival, travailler sa notoriété à l'international, notamment en Asie.
Le symbole du festival, c'est le palmier. Le trophée en prend la forme. L'originalité, c'est le tapis rouge... qui devient rose. Tout cela donne un aspect très ludique, très fun, mais ça pourrait aussi laisser penser que l'on ne prend pas les séries autant au sérieux que les films lors du festival de Cannes...
On avait envie de quelque chose de décalé, sans se comparer au festival de Cannes, en se disant que c'était bien que chaque événement ait ses propres codes et ses propres références. On s'adresse à un public plus jeune, on veut parler aux "millenials" comme à un public plus mature. L'univers des séries télé, c'est pop, ça touche à la pop culture, au sens de culture populaire donc on avait envie d'une identité visuelle qui soit en accord, avec des couleurs festives, queque chose de festif, de peut-être moins sérieux effectivement. Mais ça ne veut en aucun cas dire que pour nous les séries sont un sous-genre du cinéma.
Pour qu'un festival marche, il faut qu'il soit associé à un marché
Il y a d'autres festivals consacrés aux séries en France, notamment celui concurrent de Lille Séries Mania. Qu'est-ce qui fait que Canneséries a sa place et se démarque des autres selon vous ?
Nous, on a eu une rélfexion d'ensemble, avec cette idée de proposer une compétition composée de séries inédites en France pour pouvoir les faire découvrir au public, mais on voulait aussi que le festival ait un aspect professionnel. On l'a associé au MIP TV (le marché international des programmes de télévision), et ce n'est pas un hasard, c'était même une recommandation. Pour qu'un festival marche, il faut qu'il soit associé à un marché puisque les professionnels sont déjà sur place. Ensuite, il était important d'avoir un lieu qui fasse rêver, qui donne envie aux gens de se déplacer, et en cela Cannes est parfaite car elle a une aura des Etats-Unis à la Chine. Tout le monde sait où c'est et tout le monde a envie d'y venir. Enfin, il était important pour nous de travailler sur la formation, celle des showrunners, des scénaristes, c'est pourquoi on a mis en place un forum de production et des ateliers d'écriture, en partenariat avec une université californienne réputée (UCLA).
Est-ce que vous avez vu les séries en compétition ou vous allez les découvrir en même temps que le public ?
J'avais commencé à les visionner, puis je me suis finalement interdit de le faire parce que je préférais les découvrir sur grand écran, en même temps que le public et le jury, je trouve ça assez magique. Donc j'en ai vu une et demi pour le moment !
Il y a notamment une série Sud Coréenne dans les séries en compétition, dont vous êtes originalre. C'était important pour vous que l'Asie soit représentée ?
On n'a pas voulu faire de quota. J'étais désireuse que le festival soit très international dès la première année, qu'il montre une ouverture à toute forme d'écriture et de diversité. Je n'ai pas participé à la sélection, mais c'était important pour moi que l'Asie soit présente, dans l'idée aussi d'attirer des partenaires asiatiques dans les années à venir.
En revanche, il n'y a pas de série française dans la sélection, ce qui peut sembler étonnant pour un festival qui se déroule en France, non ?
Je le regrette, mais le cycle de production des séries est compliqué. C'est plus simple pour un film. Les diffusions sont ensuite décidées par les plateformes ou par les chaînes. On avait des critères techniques, au delà des critères artistiques, et ça a débouché sur une absence de séries françaises. C'est surtout un hasard de calendrier et j'espère qu'il y aura des séries françaises l'année prochaine.
Et quel regard portez-vous sur les séries françaises dans leur globalité. On dit souvent qu'on a beaucoup de retard par rapport au reste du monde. Vous êtes d'accord avec ça ?
On aime bien s'auto-critiquer en France, mais je pense que ça change et c'est la raison pour laquelle j'avais envie de créer ce festival lorsque j'étais Ministre car je pensais que ça allait pouvoir donner un coup d'accélérateur à l'éco-système de la production française. Nos choix sont de plus en plus audacieux, que ce soit du côté de Canal qui a proposé de très belles créations françaises, mais aussi d'Arte, qui fait des choses formidables, des co-productions de séries européennes notamment. J'aime beaucoup Le Bureau des Légendes, Engrenages est une très belle série aussi je trouve. On progresse en tout cas.
Vous qui avez fait de la politique et qui l'avez quittée, qu'est-ce que vous avez pensé de Baron Noir justement, si vous l'avez vue...
Excellente série, très bien faite, probablement parce que les scénaristes ont été conseillés par des gens qui sont dans la politique et qui leur ont confié de vraies anecdotes. Ca donne quelque chose de très réaliste. Et Baron Noir m'a fait découvrir Kad Merad, que j'ai trouvé formidable et étonnant dans ce rôle.
FLEUR PELLERIN, SPECTATRICE DE SERIES
En tant que spectactrice, quelles séries vous conseilleriez...
- à regarder en famille : Stranger Things, parfaite à regarder avec des ados.
- à ne pas rater tant elle est culte : Twin Peaks, cultissime, dont je n'ai pas vu la 3e saison d'ailleurs, j'ai lu des critiques, je n'aurais pas dû peut-être, et j'ai préféré rester sur mes souvenirs des premières saisons; cet univers, cette inquiétante étrangeté si chère à David Lynch, ces acteurs... pour moi c'est la mère de toutes les séries.
- à regarder pour se détendre, pour rire : Sex & The City !
- à regarder pour se cultiver : The Crown, c'est celle qui me vient en premier...
- à regarder pour pleurer : The Leftovers, ce que j'adore avec cette série c'est qu'elle commence sur un mystère, et ce qui s'est passé devient totalement secondaire, pour laisser place à une réflexion sur la religion, sur le phénomène sectaire, sur le deuil aussi, la filiation, la recomposition familiale... la bande-son est superbe, totalement lacrymale... C'est une série très émouvante.
- et quelle série réveriez-vous d'avoir en avant-première l'année prochaine ? Game of Thrones bien sûr, mais je crois que ce ne sera pas le bon timing malheureusement.
Propops recueillis par Jean-Maxime Renault à Cannes le 05 avril 2018
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