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    Disney / Fox : les lois antitrust US peuvent-elles faire capoter le deal ?
    Olivier Pallaruelo
    Olivier Pallaruelo
    -Journaliste cinéma / Responsable éditorial Jeux vidéo
    Biberonné par la VHS et les films de genres, il délaisse volontiers la fiction pour se plonger dans le réel avec les documentaires et les sujets d'actualité. Amoureux transi du support physique, il passe aussi beaucoup de temps devant les jeux vidéo depuis sa plus tendre enfance.

    L'accord conclu entre Disney et la 21st Century Fox renforce encore plus la position dominante de l'empire de Mickey au sein de l'industrie de l'Entertainment. Mais peut-il être condamné par les puissantes lois américaines Antitrust ?

    Début novembre, la chaîne CNBC révélait que la Walt Disney Company était en cours de négociation pour racheter une grande partie des actifs du groupe de médias et de divertissement 21st Century Fox, lui-même filiale du groupe Fox créé par Rupert Murdoch. Démenties puis relancées, ces informations ont finalement été confirmées aujourd'hui, avec l'officialisation d'un deal colossal au montant qui donne le tournis : 66,1 milliards $. Ou, encore plus précisément, 52,4 milliards $; la différence correspondant à la prise en charge de la dette de Fox. Hier soir, à la clôture de la bourse de Wall Street, l'imminence de cette annonce a fait chuter de 3,96%  le cours de l'action Fox, tandis que celle de Disney gagnait 0,17% pour atteindre 107,61 $. Cet accord financier permet ainsi à la firme aux grandes oreilles d'atteindre une valorisation de 163 milliards $.

    Le généreux panier garni de Mickey

    Disney achète ainsi les studios télé et cinéma de la Fox, les chaînes FX et National Geographic, ainsi que ses actifs internationaux, notamment les chaînes indiennes Star, les 39 % détenus par la Fox dans le groupe européen de télévision Sky, ainsi que sa part dans la plateforme de streaming vidéo Hulu, selon le site spécialisé Bloomberg. La Fox ne conserve plus alors que la grande chaîne hertzienne américaine Fox, les stations locales, les chaînes d’informations et des chaînes sportives comme Fox Sports. Quant aux actionnaires actuels de la Fox, Disney est aux petits soins avec eux : toujours selon CNBC, ils devraient détenir à terme 25% de l'empire Disney. Bob Iger, le CEO et PDG de Disney, a par ailleurs accepté de rester dans son fauteuil jusqu'à la fin de l'année calendaire 2021. Initialement, atteint par la limite d'âge, il était fortement question qu'il cède en juillet 2019 son fauteuil à James Murdoch, Chief Executive Officer de 21st Century Fox et fils de Rupert Murdoch. Il n'en sera finalement rien... Au moins jusqu'en 2021.

    Avec un tel accord financier, le paysage de l'industrie hollywoodienne de l'Entertainment est profondément changé. En pérénisant toujours plus sa suprématie, Disney cherche aussi à couper l'herbe sous les pieds des géants de la Sillicon Valley et d'acteurs majeurs comme Netflix ou un autre géant comme Amazon Prime, avec leurs plateformes de Streaming et de VOD, qui cherchent à étendre leurs catalogues. Au-delà, cette colossale opération financière signe aussi la fin de la 20th Century Fox en tant que Major concurrente, puisque complètement absorbée. C'est une page qui se tourne...

    Disney, une voracité stoppée par les lois Antitrust ?

    Rachat de Marvel Entertainment fin 2009 pour 4 milliards $; rachat trois ans plus tard à peine de Lucasfilm, fin octobre 2012, pour 4,05 milliards $. Et avec le rachat de la 21st Century Fox et d'une grande partie de ses actifs, on passe donc à un deal historique et absolument colossal de 66,1 milliards $. La voracité de la firme aux grande oreilles est-elle sans aucune limite, au point de tuer progressivement toute concurrence ? Pas tout à fait, car il y a des garde-fous. Et ils sont puissants.

    Lorsqu'un tel conglomérat absorbe / fusionne avec un autre, les autorités fédérales ont leur mot à dire. Et entre le moment de l'annonce de l'accord et sa mise en application effective, il peut s'écouler plusieurs mois, au point même que le deal final peut tout à fait être différent de ce qui fut annoncé au préalable. Avant que le deal ne soit effectif, il faut en effet passer par une validation de la Federal Trade Commission, le gendarme de la bourse américaine, mais aussi un examen du dossier par la puissante Federal Communication Commission, agence indépendante du gouvernement des États-Unis créée par le Congrès américain en 1934. Elle est chargée de réguler les télécommunications ainsi que les contenus des émissions de radio, télévision et Internet. Le Département de la Justice a aussi son mot à dire sur un tel accord.

    C'est qu'aux Etats-Unis, les lois antitrust veillent. Celles-ci s'opposent à l'entrave de la libre concurrence pratiquée par des groupements visant à bénéficier d'un monopole. Elle sont donc là pour veiller à la bonne marche du Fair Trade et de la concurrence économique au bénéfice des consommateurs. Cet arsenal juridique de lois s'est bâti sur de très célèbres jurisprudences établies au gré des décennies. La première, fondatrice, date de 1890 : c'est le Sherman Antitrust Act, première tentative du gouvernement américain de limiter les comportements anticoncurrentiels des entreprises. Il faut attendre 1914 et le Clayton Antitrust Act pour mettre un coup d'arrêt aux concentrations d'entreprises quand elles ont pour effet de restreindre la concurrence. Ces dispositions sont complétées la même année par la création de la Federal Trade Commission. Sa mission principale est l'application du droit de la consommation et le contrôle des pratiques commerciales anticoncurrentielles tels que les monopoles déloyaux. A ce cadre juridique posé par le gouvernement fédéral s'ajoutent les propres lois antitrust adoptées par les différents Etats.

    Une position délicate ?

    Disney et Fox ont nécessairement eu en tête cet arsenal censé être dissuasif en échaffaudant leur accord. Les conflits potentiels susceptibles de tomber sous les coups des lois antitrust, comme par exemple la chaîne de sport ESPN détenue par Disney (qui fait d'ailleurs face à une hémorragie d'abonnés) et Fox Sports ont fait l'objet d'une attention toute particulière : pas question de fusionner ces deux chaînes.

    Mais le Diable est, comme toujours, dans les détails... Car le deal pourrait avoir un réel impact sur le processus créatif des films et des Shows TV. La plupart des shows TV et des films sont en effet produits par une poignée de sociétés : Time Warner, 21st Century Fox, Walt Disney Co., Comcast - NBCUniversal et Sony Corp. Selon la publication spécialisée Forbes, la fusion de deux des plus puissants producteurs élimine de facto un acheteur, donnant à l'entité acquéreuse un poids énorme, voire décisif, sur ce qui peut être et doit être produit, de même que cette entité serait en capacité d'imposer ses conditions aux petites sociétés de productions, aux producteurs, réalisateurs et scénaristes. "Disney est déjà extrêmement puissant dans l'industrie de l'Entertainment, et ce deal peut avoir d'énormes effets sur la concurrence au sein de cette industrie et les contenus que les consommateurs seront amenés à consommer dans le futur".

    Côté cinéma, Fox et Disney réunis, cela équivaut à plus d'un tiers du marché américain du film. Selon l'étude des parts de marché des Majors établi par Box Office Mojo, Disney fut, entre 2014 et 2017, le plus puissant studio. A lui seul, il a représenté un peu plus de 20% du volume total des billets vendus. Et encore, Thor Ragnarok et Star Wars - Les derniers Jedi ne sont même pas (encore) pris en compte ! Les parts de marché de Disney sur les billets vendus ont bondi de 15% en 2014 pour atteindre 27% en 2015, année où la firme a sorti Le Réveil de la Force et Avengers : l'ère d'Ultron. Sur la même période, la Fox captait 15% des résultats du Box Office US, ce qui placait la firme au 4e rang des Majors, derrière Disney, Warner Bros. et Universal.

    Devant la nouvelle force de frappe de Disney avec l'accord signé, les concurrents, par crainte, pourraient être tentés de fusionner pour résister à l'empire de Mickey et l'empêcher d'écraser le marché... Autant dire que dans les mois à venir, les différents organismes officiels de contrôles vont scruter à la loupe ce qui se passe dans le petit monde du gros business et de l'Entertainment. Le dernière exemple en date, et pas des moindres, est le blocage par les autorités américaines du rachat par le groupe de télécom américain AT&T du groupe Time Warner. Rachat estimé à la somme astronomique de 85,4 milliards de $. Un blocage qui est d'ailleurs en travers de la gorge de Randall Stephenson, PDG de AT&T, qui s'est même déclaré prêt, début novembre, à un bras de fer judiciaire avec les autorités américaines, visiblement agacé par le temps pris par le ministère de la Justice pour examiner l'opération. : "Nous travaillons sur cette transaction depuis un an. Nous sommes prêts désormais à intenter une action judiciaire. [...] Si nous devons aller en justice, le plus tôt serait le mieux".

    L'épilogue ultime ?

    En avril dernier, une rumeur est à nouveau revenue... Et, comme souvent avec les rumeurs venant du monde de la finance, il y a toujours un petit fond de vérité, d'autant que l'information avait été préalablement relayée par Bloomberg. Vous êtes peut-être passé au travers, auquel cas on résume pour vous : Apple serait en train d'accumuler plus de 200 milliards $ pour se lancer dans le plus gros rachat jamais vu de toute l'histoire de la finance : celui de The Walt Disney Company. Oui oui, vous avez bien lu : 200 milliards $, qui seraient déboursés par la marque à la pomme, dont la valorisation en bourse a même atteint un pic début novembre dernier pour atteindre momentanément la somme stratosphérique de 900 milliards $...Ca laisse songeur.

    Grâce à cette acquisition, Apple mettrait la main sur les licences de Lucasfilm, Marvel Entertainement, Mickey ou encore ABC sans compter les parcs d’attractions de la firme elle aussi américaine. Un rachat qui permettrait selon les analystes d'offrir à Apple de disposer de son propre service de vidéo à la demande pour concurrencer directement un acteur comme Netflix. Mais aussi offrir un colossal débouché à la marque en tant que fabriquant de Hardware. iPhones, iPads, et autres MacBooks auraient accès à une bibliothèque phénoménale, tandis que la marque de feu Steve Jobs pourrait aussi s’implanter dans l’ensemble des parcs au niveau de l’infrastructure informatique. Et ça, c'était avant que Disney n'annonce le deal avec la Fox... Certes, on est dans de la prospective. Pour le moment en tout cas...

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