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    We Blew It : pleins feux sur le Nouvel Hollywood

    Que sont donc devenus les idéaux de la contre-culture US et de ces cinéastes qui furent à l'origine de ce qu'on appelle Le Nouvel Hollywood ? A l'occasion de la sortie du documentaire "We Blew it", retour sur un phénomène qui a marqué le cinéma.

    Steven Spielberg, le geek de génie

    Bien qu'il ait involontairement participé à la chute du Nouvel Hollywood, au même titre que Georges Lucas et dans une autre mesure Michael Cimino, Steven Spielberg fait avant tout partie des grands innovateurs des années 1970, aussi bien sur le plan esthétique que scénaristique.

    Après l’échec cuisant de Sugarland express (1974), pourtant salué par la critique comme un divertissement de haute volée, Spielberg se retrouve un peu dans la même situation que Francis Ford Coppola après Les Gens de la pluie ou Georges Lucas après son THX 1138. Il est alors à la recherche du scénario qui va relancer sa carrière. Mais son cœur balance : va-t-il plutôt se tourner vers l’art et essai et tenter d’égaler Antonioni, Bob Rafelson, Hal Ashby ou encore Martin Scorsese, ses cinéastes fétiches, ou choisir de s’orienter vers un divertissement susceptible de faire un bon score au box office ? Finalement, il doit se rendre à l’évidence, il n’est plus possible pour lui de prendre un risque : il est donc nécessaire de réaliser un hit, et celui-ci s’intitulera Les Dents de la Mer. Steven deviendra donc un Antonioni ou un Ashby plus tard.

    Dès le début du projet, Spielberg a une certitude : il lui faut dénicher des acteurs inconnus pour que le public s’identifie à eux. Après le fiasco de Sugarland Express, pourtant emmené entre autres par Goldie Hawn, le cinéaste n’est plus prêt à faire d’erreur. "Mon objectif était de trouver quelqu’un qui n’avait jamais fait la couverture de Rolling Stone", raconte-t-il. Il fait alors appel à Richard Dreyfuss, qui refuse par trois fois le rôle principal avant de se raviser. "A contre-cœur, j’ai appelé Steven pour lui dire que j’étais d’accord pour le film sur les poissons. Il n’y avait encore ni scénario, ni distribution, ni requin et le tournage allait commencer", se souvient-il. Un temps hésitant et désireux de tout abandonner, Spielberg est rappelé par Universal qui fait pression sur lui et lui rappelle ses engagements. Il n’a alors d’autre choix que de mener à son terme le projet.

    Universal Pictures

    Le tournage débute dans une atmosphère pleine d’incertitudes, aussi bien côté casting que technique. Les multiples problèmes techniques relatifs à la mécanique du requin occasionnent de nombreuses interruptions de tournage. De sorte que l’équipe du film transforme un jour le titre original du film Jaws ("Mâchoires") en le surnommant Flaws ("Failles"). D’après Brian De Palma, qui visionna les premiers rushes du film, le rendu était aussi palpitant qu’un enterrement. Il confie : "Bruce (le requin) louchait et sa mâchoire ne se refermait pas correctement". Mais paradoxalement, ces problèmes techniques furent une chance pour Spielberg, qui put ainsi prendre son temps pour revoir petit à petit le scénario. Longtemps pendant ce tournage interminable, il crut qu’il n’arriverait jamais au bout de son film et que le tout Hollywood le bannirait à jamais.

    Alors que le budget initialement alloué explosait, Universal tenta de convaincre Spielberg d’abandonner le tournage en pleine mer, trop coûteux, pour le poursuivre dans un bassin. Mais le cinéaste n’en démordit pas. Le tournage une fois terminé, les ennuis n’étaient pas pour autant derrière lui. Avec un budget trois fois supérieur au montant originellement fixé, la réalisation des Dents de la Mer avait sérieusement écorné la réputation de Spielberg. D’autant que la post-production du film était alors houleuse. Le cinéaste prit la décision de ne laisser que très peu de séquences mettant en avant les apparitions du requin pour se concentrer sur les réactions des personnages. "Mon film est passé du style de William Castle à celui d’Alfred Hitchcock", raconte-t-il.

    Universal Pictures

    Une fois en salles, en 1975, et contre toute attente, le film dépassa les scores déjà impressionnants du Parrain et de L'Exorciste, en rapportant 129 millions de dollars. Les producteurs d’Universal David Brown et Richard D. Zanuck empochèrent 40 points des bénéfices nets, contre deux et demi pour Spielberg. Zanuck raconta par la suite qu’il avait gagné plus d’argent avec ce film que son père durant sa vie entière. Si Spielberg avait réussi à faire passer au premier plan un genre jusqu’alors cantonné au rang de série B sans jamais rien céder par rapport à son ambition première, il n’était toutefois pas parvenu à s’affranchir du poids des distributeurs. L’industrie du cinéma n’avait jusqu’à présent jamais été aussi florissante : l’année 1975 marqua le début d’une époque et la fin d’une autre. Alors que Nixon venait d’être destitué et que la guerre du Viêtnam était terminée, Les Dents de la Mer opérait un tournant historique pour le cinéma. Désormais, les studios se lançaient dans des campagnes de publicité à la télévision et les budgets marketing des films explosaient. Le blockbuster était né.

    Ci-dessous, la bande-annonce des "Dents de la mer"...

     

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