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    We Blew It : pleins feux sur le Nouvel Hollywood

    Que sont donc devenus les idéaux de la contre-culture US et de ces cinéastes qui furent à l'origine de ce qu'on appelle Le Nouvel Hollywood ? A l'occasion de la sortie du documentaire "We Blew it", retour sur un phénomène qui a marqué le cinéma.

    D.R.

    William Friedkin, l'homme révolté

    Dès les années 1960, William Friedkin est un cinéaste qui se démarque par son engagement politique. C’est à cette période qu’il réalise le documentaire The People Versus Paul Crump, un plaidoyer en faveur d’un Afro-Américain accusé d’un meurtre qu’il n’a pas commis. Quelques années à peine après la tragédie meurtrière perpétrée par Charles Manson et ses sbires, et alors que Mick Jagger continue à entonner l’incroyable Sympathy for the Devil, la Warner cherche à partir de 1972 un cinéaste pour adapter le best-seller de William Peter Blatty, L’ExorcisteMike Nichols est le premier cinéaste à être approché par le studio. Après avoir lu le scénario, le cinéaste se montre catégorique : "Je ne vais pas risquer ma carrière et miser sur la performance d’une gamine de douze ans pour assurer le succès ou l’échec de ce film".

    Même chose côté Arthur Penn et Peter Bogdanovich, qui se montrent tous deux assez fébriles à l’idée de mettre en scène la "torture d’un enfant". C’est alors que le chargé de production de la Warner repense au réalisateur William Friedkin, qu’il avait rencontré quelques années auparavant. A ce moment, Friedkin est surtout connu pour French Connection, ses documentaires et son côté affranchi des us et coutumes de la planète Hollywood. Une fois le roman L’Exorciste en main, le metteur en scène n’hésite pas une seconde et bondit sur le projet. Il se souvient : "Une bonne partie de ma motivation était de faire un meilleur film que Francis. On était tous les deux ambitieux et en pleine compétition. Il y en avait toujours un pour faire monter les enchères". Au départ, Friedkin a du mal à se projeter et les séquences de lévitation, de possession et d’esprits frappeurs lui semblent difficiles à mettre en scène sans tomber dans le ridicule.

    La Warner pense un moment à Jack Nicholson ou Marlon Brando dans le rôle du père, mais William Friedkin préfère recourir à des acteurs moins "voyants" et s’y oppose vigoureusement. Il se tourne alors vers Ellen Burstyn et Chris MacNeil, qui viennent tout juste de jouer dans The King of Marvin Gardens, de Bob Rafelson. Le casting est en revanche plus difficile concernant le rôle de Regan, la petite fille possédée. Après une recherche fastidieuse, le réalisateur choisit Linda Blair. Âgée de seulement douze ans, la jeune actrice dut néanmoins démontrer à Friedkin qu’elle pouvait assumer les scènes les plus outrancières du film. Une fois le tournage débuté, le cinéaste se révèla d’une exigence qui n’avait d’égale que sa tyrannie. Afin de soumettre ses acteurs à la crainte et d'inspirer la terreur, il se mettait dans des colères sans pareilles.

    Warner Bros.

    Un matin, il décida que le plateau du tournage ne lui convenait plus et congédia dans la minute son chef décorateur John Robert Lloyd, qui avait déjà travaillé avec lui sur plusieurs films. Il ordonna alors la commande d’un nouveau décor, ce qui eut pour conséquence de retarder le tournage de six semaines. Les acteurs de L'Exorciste firent courir la rumeur que Friedkin temporisait car il n’était pas encore prêt à réaliser le film. La Warner commença à s’inquiéter et le directeur de la production technique Charlie Greenlaw tenta de joindre le réalisateur. Friedkin n’avait jamais caché son mépris des responsables de studios. D’après lui : "La majorité des mecs qui dirigeaient les studios n’avaient jamais écrit ni fait de film, de production, de prises de vue ni de numéro de claquettes. Je me disais que ces types ne savaient vraiment pas de quoi ils parlaient". A sa secrétaire qui venait de prendre l’appel de Charlie Greelaw, il indiqua : "Dis-lui que s’il appelle pour me virer, je prends l’appel, sinon, je suis au téléphone avec madame Burstyn, et qu’il aille se faire foutre", puis il reprit ce qu’il était en train de faire.

    Après la reprise du tournage, les ennuis continuèrent et Friedkin se révéla de plus en plus intransigeant. Il s’agissait pour la première prise de filmer en gros plan une tranche de bacon en train de cuire. Mais le metteur en scène décréta que celle-ci ne devait pas se gondoler pendant la cuisson. Ce qui amena le chef accessoiriste à passer les boucheries de New York au peigne fin pour dénicher un bacon sans conservateur qui resterait soi-disant plat sous l’effet de la chaleur. Trois jours après, la prise n’avait toujours pas été tournée. Le reste du tournage fut dans son intégralité à l’image de cette séquence. Bientôt, l’équipe du tournage trouva un surnom au réalisateur : "Willy le cinglé".

    Warner Bros.

    Lorsque les pontes de la Warner visionnérent L'Exorciste pour la première fois, ils en ressortirent sidérés. Pour eux, c’était du jamais vu, le film était à la fois magnifique et terrifiant. Ils décidèrent de se passer d’avant-première pour ne pas risquer de faire naître des réactions outragées avant la sortie en salles. L’Exorciste sortit en 1973, le lendemain de Noë,l et l’impact fut colossal. Certains exploitants allaient jusqu’à répandre de la litière dans les salles de projection en cas de vomissements et l’Eglise catholique reçut rapidement plusieurs milliers de demandes d’exorcisme.

    Sans aucun doute trop politiquement incorrect pour l’époque, le film reçut des critiques très partagées, ce qui ne l’empêcha pas de devenir l’un des plus importants succès des années 1970. Au même titre que Le Parrain, L’Exorciste bouleverse l’ensemble du business du cinéma. Se répand l’idée que le cinéma peut désormais rapporter beaucoup d’argent. William Friedkin venait à la fois de révolutionner la manière de traiter un sujet de société, ici la sexualité féminine naissante, et de métamorphoser l’approche économique du cinéma. Un bien pour un mal.

    Ci-dessous, la bande-annonce de "L'exorciste"....

     

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