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    We Blew It : pleins feux sur le Nouvel Hollywood

    Que sont donc devenus les idéaux de la contre-culture US et de ces cinéastes qui furent à l'origine de ce qu'on appelle Le Nouvel Hollywood ? A l'occasion de la sortie du documentaire "We Blew it", retour sur un phénomène qui a marqué le cinéma.

    D.R.

    Francis Ford Coppola, le nabab visionnaire

    Après que Jack Warner s'est retiré du studio qui porte son nom, Kenny Hyman fut placé à la tête de la production. Ce dernier décida aussitôt de donner davantage de liberté artistique aux réalisateurs. Il engagea ainsi Sam Peckinpah, pourtant rejeté de toutes parts à cause de ses problèmes d’alcool et de son manque de respect envers les studios, pour deux films : La Horde sauvage et Un nommé Cable Hogue. Hyman aida également un autre cinéaste, encore inconnu à l’époque : Francis Ford Coppola.

    Tout juste sorti de ses études de cinéma à UCLA (Université de Californie, Los Angeles), le jeune homme tourne Big boy, une opportunité inespérée. D’après John Ptak, également un ancien de UCLA, "90 % des réalisateurs commençaient par devenir scénariste parce qu’il n’y avait pas d’autres solutions à l’époque pour approcher la mise en scène. Rien. Nada. La seule chose qu’ils avaient pour eux, c’était leur capacité à raconter une histoire."

    Dans son sillage, un autre réalisateur qui fera bientôt parler de lui : George Lucas. Comprenant l’intérêt qu’il y a à contrôler l’ensemble de ses films, Francis Ford Coppola crée en 1969 sa propre société de production, American Zoetrope. George Lucas se souvient : "Francis concevait Zoetrope comme une espèce de studio alternatif, d’Easy Rider Compagnie où il pourrait accueillir pour pas grand-chose de jeunes talents novateurs, leur donner les moyens de faire leur film en attendant les succès qui feraient de Zoetrope un studio à part entière. Nous avions des idées qui n’auraient jamais pu fonctionner au sein des studios établis. Zoetrope marquait une rupture très nette avec Hollywood."

    D.R.

    Après avoir réalisé Les Gens de la pluie (1969), Coppola quitte Los Angeles pour s’installer à San Francisco, où il installe les quartiers généraux de Zoetrope. George Lucas est nommé vice-président. La seule et unique règle alors en vigueur dans le studio : pas de drogue. Ce qui faisait une différence considérable avec les fumeurs de marijuana de la BBS (Bert Schneider, Bob Rafelson, etc.). Coppola impressionnait les nombreux cinéastes en herbe qu’il avait placés autour de lui. Il avait alors une influence considérable sur Lucas. Mais rapidement, les deux hommes commencèrent à développer des points de vue divergents, des attentes contradictoires.

    Lucas : "Ma vie n’est qu’une sorte de réaction à la vie de Francis. Je suis son antithèse." Coppola le surnomme à cette époque l’"enfant de soixante dix ans". Et Lucas, de surenchérir : "Tous les réalisateurs sont égocentriques et angoissés. Mais de tous ceux que je connais, c’est Francis le plus égocentrique et le plus angoissé." Ce qui n’empêche pas Coppola de produire le premier film de Lucas, THX 1138, que ce dernier tourne avec peu de moyens et finit par monter dans son grenier.

    Présenté à la Warner en 1970, il reçoit des avis mitigés aussi bien du côté des cadres de la firme que du côté de Coppola. Un salarié de la Warner, s’adressant à Coppola : "Qu’est-ce que c’est que ce merdier, Francis ? Ça n’a rien avoir avec ce dont tu nous avais parlé. Ce n’est pas un film commercial !" Et Coppola de répondre : "Je ne sais pas ce que c’est que ce truc…" Finalement amputé de quatre minutes par la Warner, le film sortit tout de même en salles en 1971 et les quitta aussitôt. THX 1138 marqua la fin de l’alliance Zoetrope – Warner.

    Paramount Pictures

    Excepté le scénario d’Apocalypse Now, Warner n’était pas convaincu par les projets de Coppola, pas même par Conversation secrète, dont il venait de finaliser le scénario. La philosophie du metteur en scène, consistant un jour à démolir les studios, le lendemain à devenir à son tour un magnat, décontenance par ailleurs plus d’un professionnel. En parallèle, le contrat Zoetrope - Warner ayant pris fin, la Warner réclame les 300 000 dollars avancés à Coppola et Lucas. Le studio se met petit à petit à dos celui qui va devenir l’un des plus puissants metteurs en scène au monde.

    Coppola : "Ils ont envoyé se faire foutre ce qui allait devenir les cinéma des années 1970. Ils avaient une option sur tous les films majeurs, sur tous les films importants, et ils nous ont refusé leur confiance." Zoetrope se trouve alors à deux doigts de déposer le bilan. George Lucas, qui tente tant bien que mal de monter son second long métrage, American Graffiti, est excédé par la tournure des choses et pense que la mauvaise gestion de Zoetrope par Coppola est responsable du manque de budget de son film. Alors que le studio est au bord de la banqueroute, Coppola reçoit un jour un coup de téléphone de la Paramount qui lui propose d’adapter un roman de Mario Puzo : Le Parrain.

    Le directeur de la production de la Paramount Robert Evans et son bras droit Peter Bart proposèrent à de nombreux réalisateurs parmi lesquels Peter Bogdanovich de mettre en scène le scénario du Parrain, initialement titré La Mafia. Pas un seul n’accepta, et les deux hommes décidèrent alors de se tourner vers un réalisateur américain d’origine italienne, Francis Ford Coppola. Celui-ci se comportant comme un artiste insatiable, il fut très difficile de le convaincre, du fait notamment que l'histoire du Parrain était l'oeuvre de quelqu'un d'autre.

    Ci-dessous, la bande-annonce du film...

    Evans explosa de rage : "Personne ne voudrait lui confier un dessin animé dans cette ville, et Monsieur refuse de faire Le Parrain !" Les nombreuses dettes que Coppola avait envers la Warner et entre autres envers Roger Corman eurent très vite raison de lui. Après avoir été engagé, commença une bataille entre le vieil Hollywood et le Nouvel Hollywood concernant le casting. D’un côté, la Paramount souhaitait faire appel à des stars, de l’autre Coppola voulait sélectionner des non-professionnels et se moquait des têtes d’affiche. "Je ne cherchais pas des stars, dit-il. Je cherchais des gens crédibles en Italo-Américains". Même avec le peu de pouvoir que lui laissait la Paramount, Coppola ne céda jamais aux pressions. "Ils me disaient qu’Al [Pacino] était trop mal soigné et ressemblait trop à un rat d’égoût pour jouer le rôle d’un étudiant", raconte-t-il.

    Après quatre mois de bras de fer, il parvint finalement à imposer ses choix : Brando, Pacino et la musique de Nino Rota. Après un tournage épique et un montage à rallonge, le film sortit à New York en 1972 dans une atmosphère agitée. Alors que Coppola sombrait dans une dépression pour avoir vendu son âme à un studio, les files d’attente s’étiraient à l’infini le long des immeubles et des avenues. Lorsqu’il reçut un coup de téléphone pour l’avertir du succès exceptionnel du film, il refusa même dans un premier temps d’y croire. Première mise en péril du Nouvel Hollywood : Paramount parvint à briser la politique de priorité des exploitants de salles.

    A peine six mois après sa sortie en salles, le film devenait l'un des plus importants succès de l’histoire du cinéma. D’un point de vue formel, Le Parrain remettait au goût du jour les schémas classiques du cinéma, à mille lieues des innovations des films de Dennis Hopper. C’était toutefois sans compter sur Conversation Secrète et Apocalypse Now pour changer la donne.

    Ci-dessous, la bande-annonce de "Conversation secrète", Palme d'or au Festival de Cannes en 1974...

     

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