Sam Peckinpah
En 1998, la Presse et le public saluèrent entre autre qualité le réalisme de la séquence du Débarquement d'Il faut sauver le soldat Ryan. Des scènes parfois insoutenables, des corps déchiquetés ou carbonisés au milieu desquels les balles sifflaient et pénétraient les chairs. Pourtant, c'était un peu vite oublier que 21 ans plus tôt, Sam Peckinpah faisait déjà aussi fort avec Croix de fer, unique film de guerre du réalisateur, et probablement un des meilleurs films de guerre jamais réalisés. Un film à la violence paroxystique, que le cinéaste n'aimait pourtant pas et voulait justement en dégoûter les spectateurs, contrairement aux commentaires stupides de l'époque qui l'accusaient de la glorifier tout au long de sa carrière.
Peckinpah se heurta à de nombreuses difficultées pour ce film, adapté de l'oeuvre La peau des hommes de l'écrivain Willi Heinreich : scénario remanié plusieurs fois, tournage en Yougoslavie avec une équipe cosmopolite ce qui entraîna des problèmes de communications, financement insuffisant... Il parvient pourtant à délivrer un film d'une force implacable, violemment anti militariste ("si vous saviez à quel point je dégueule cet uniforme..." lâche Steiner), dépouillé de toute grandeur et de tout héroïsme, sans oublier qu'il adopte le point de vue (du soldat) allemand, ce qui est plutôt rare à l'époque.
Magnifié par le formidable travail du directeur de la photo John Coquillon, le film offre aussi l'occasion de voir un puissant face à face entre un immense James Coburn (qui se trouvait trop vieux pour le rôle à 48 ans !), et Maximilien Schell, qui incarne Stransky. Un affrontement qui trouve un dernier écho dans un échange aussi bref que sublime : "Je vais vous montrer comment un officier prussien sait se battre !" dit Stransky à Steiner. Avant que ce dernier ne lui balance un définitif : "...et moi je vais vous montrer... Comment ca se gagne une Croix de fer". Une réplique qu'on pourra sans doute préférer en VO ("...and I will Show You...where the Iron Crosses grow" / "Je vous montrerai où poussent les Croix de fer").
In Fine, on en profite pour revoir l'extraordinaire générique d'ouverture du film, et son fantastique travail de montage à base d'images d'archives, d'abord sur la chanson "Hänschen Klein" chantée par les enfants, puis sur la musique d'Ernest Gold...