
Stanley Kubrick
"Le thème de la guerre occupe une place centrale dans l’oeuvre de Stanley Kubrick. Dans tous ses films, le réalisateur envisage le monde comme une vaste arène où s’affronte une multitude de forces qui ne sont pas extérieures à l’homme mais reflètent sa propre dualité. La guerre selon Stanley Kubrick n’est pas un dysfonctionnement accidentel des sociétés humaines mais un élément constitutif de la condition humaine" expliquait Sam Azulys, philosophe et professeur de cinéma à la New York University in Paris, auteur de Stanley Kubrick - une odyssée philosophique (édition de la Transparence, 2011).
La dualité de l'homme donc, le Bien ET le Mal et non pas le Bien OU le Mal, clés de voûte de toute l'oeuvre de cet immense cinéaste. Dans ces considérations, il n'est finalement pas très étonnant que le cinéaste débute sa carrière de réalisateur en signant avec son premier long métrage un film de guerre, Fear & Desire, en 1953.

Kubrick rassemble 9000 $ qu'il emprunte à des amis et à sa famille, en particulier son père et son oncle. Tourné dans les montagnes de San Gabriel près de Los Angeles, l'équipe du film se réduit à trois ouvriers mexicains qui transportent le matériel, quelques amis, et sa femme Toba. Kubrick loue pour 25 $ par jour une caméra Mitchell, dont le propriétaire lui apprend le fonctionnement. Mais les dépenses pour la post-synchronisation se montent à trois fois celles du tournage et le film ne couvre pas ses frais. Refusé par toutes les grandes sociétés, il est finalement pris en distribution par Joseph Burstyn, qui le montre dans l'une de ses salles, le Guild Theater de New York. Kubrick attire alors l'attention de la Critique. Même si, quelques années plus tard, le cinéaste reniera son film, le trouvant notamment "trop prétentieux".
Kubrick, sur les "Sentiers de la gloire"
Quatre ans avant Spartacus, la première collaboration entre Stanley Kubrick et Kirk Douglas accoucha déjà d'un chef-d'oeuvre absolu, sans doute le meilleur film jamais consacré à la Première guerre mondiale : Les Sentiers de la gloire.
A la différence d'un film de guerre classique, on ne voit jamais l'ennemi. Ici, l'opposition ne passe pas entre deux camps mais entre les officiers et les soldats d'un même camp; les uns jouant leurs promotions, comme le cruel général Mireau, les autres leurs vies comme ces malheureux qui seront fusillés "pour l'exemple". Et au milieu : des hommes comme le Colonel Dax (puissamment interprété par Douglas), certes impétueux et impulsif, mais idéaliste et profondément humain.
Sans démagogie ni manichéisme, pourfendant les mécanismes implacables et aberrants de la justice militaire, le film de Kubrick est aussi un puissant vecteur de valeurs intemporelles et universelles comme la paix, la justice et l'équité. 60 ans après sa sortie, la démonstration reste toujours aussi brillante.
Ci-dessous, un extrait du film : l'extraordinaire séquence du travelling dans la tranchée avant de monter à l'assaut...
Né pour tuer
Sorti après le Platoon d'Oliver Stone, Full Metal Jacket souffrit à l'époque de la comparaison avec son prédécesseur, et il fallut quelques années avant qu'il ne se hisse légitimement au rang de chef-d'oeuvre et de film culte, visant davantage une approche semi documentaire et mentale du conflit. Pour le Critique français - et ami de Kubrick-, Michel Ciment, "le choix du Viêtnam comme cadre de son nouveau film ne saurait surprendre. Le cinéaste a toujours été concerné par les fractures historiques. [...] Kubrick est fasciné par ces périodes où le monde bascule, ce tournant étant le corrélatif objectif de la perte du contrôle de leur destin par les individus. S'il prend appui sur la guerre du Viêtnam, Full Metal Jacket débouche davantage sur une peinture sans illusion de l'instinct d'agression qui anime les hommes".
