Megalopolis de Francis Ford Coppola
Le script du projet du film jamais réalisé Megalopolis est, à juste titre, un des plus fameux d'Hollywood. Car ce projet, pharaonique, très ambitieux, était LE rêve d'un démiurge : Francis Ford Coppola. Tellement d'ailleurs qu'il déclara qu'il avait accepté de réaliser les films Dracula, Jack et L'idéaliste uniquement pour réunir suffisamment de fonds pour tourner le film.
Décrit par le maître comme un film de Science Fiction sous l'influence de la femme écrivain Ayn Rand, célèbre pour ses oeuvres dépeignant des univers dystopiques, Megalopolis se déroulait dans une ville de New York tentant de se reconstruire après avoir été ravagée par un cataclysme. Une reconstruction opérée par un architecte qui tente de (re)bâtir une petite ville utopique baptisée "Cityworld", en plein coeur de New York...
Le script, particulièrement dense, épais de 212 pages (vous pouvez d'ailleurs en lire le récit ici), comportait notamment plusieurs dizaines de personnages. On sait d'ailleurs que le Who's Who des acteurs hollywoodiens défila devant Coppola pour tenir un rôle dans le film : Nicolas Cage, Kevin Spacey, Warren Beatty, Robert de Niro, Russell Crowe, Parker Posey, Paul Newman... Le cinéaste commença même à faire des repérages pour le film.
Le malheur a frappé à la porte du réalisateur un certain 11 septembre 2001... Pour Coppola, mettre en scène un film dont le personnage principal n'est autre que la ville de New York; ou plutôt la construction d'une ville utopique en plein coeur d'un New York post cataclysme devient tout bonnement impossible. En ce funeste jour de 11 septembre, réalité et fiction se confondaient dans une brutale tragédie. "Le monde était attaqué, et je ne savais pas comment faire avec ce qui venait d'arriver".
En 2007, Coppola revenait après plusieurs années d'absence derrière la caméra, pour signer L'homme sans âge. En conférence de presse à Paris, un journaliste lui demanda ce qu'il advenait de son fameux projet Megalopolis. Réponse du cinéaste : "j'ai abandonné le projet. Je souhaites désormais me consacrer à des films plus personnels". Et d'ajouter : "C'était un film comme une sorte d'opéra. Je crois qu'à l'époque, j'ai vraiment cru ce qu'on écrivait sur moi. C'est à dire que ma force était vraiment dans mon film; ces films énormes, coûteux, qui ressemblaient à des opéras. Je me suis rendu compte que Megalopolis exprimait cette idée un peu mégalomane de la race humaine qui avait le génie, le potentiel de créer une utopie, où chacun serait heureux et y aurait sa place. J'avais situé Megalopolis à Manhattan; donc déjà une thématique difficile. Et avec la tragédie du 11 septembre, c'était encore plus difficile. Mais à l'époque, je croyais vraiment en cette utopie, je croyais qu'elle était possible. Mais qu'on y arriverait peut-être dans 60 ans. Aujourd'hui, je n'ai rien perdu de cette croyance et de cet optimisme. Mais je crois que je suis en train de parler non pas d'une période de 60 ans, mais d'un minimum de trois siècles !"
Une manière bien à lui, élégante, de tirer un trait sur des projets de films pharaoniques qu'il n'a, à 78 ans, ni l'énergie ni l'envie de réaliser, préférant se consacrer désormais à l'exploitation de son empire viticole. "Vous savez, je ne retournerai jamais au cinéma commercial. Dans ce système, je crois que l'on ne sait plus très bien où on en est. Les studios ne produisent plus rien du tout. Ils ne produisent même plus de drames. Tout ce qui les intéressent, ce sont des remakes, des formules toutes faites. Je crois que dans ce monde là, il n'y a pas de place pour un cinéaste comme moi".