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    La Familia de Gustavo Rondon Cordova : "Je voulais que Caracas soit le personnage principal du film"
    Vincent Formica
    Vincent Formica
    -Journaliste cinéma
    Bercé dès son plus jeune âge par le cinéma du Nouvel Hollywood, Vincent découvre très tôt les œuvres de Martin Scorsese, Coppola, De Palma ou Steven Spielberg. Grâce à ces parrains du cinéma, il va apprendre à aimer profondément le 7ème art, se forgeant une cinéphilie éclectique.

    La Familia est le premier long-métrage du vénézuelien Gustavo Rondon Cordova. AlloCiné a pu s'entretenir avec le réalisateur dans le cadre de la présentation cannoise du film à La Semaine de la Critique en mai 2017.

    Dans La Familia, Pedro, 12 ans, erre avec ses amis dans les rues violentes d’une banlieue ouvrière de Caracas. Quand il blesse gravement un garçon du quartier lors d’un jeu de confrontation, son père, Andrés, le force à prendre la fuite avec lui pour se cacher. Andrés découvre son incapacité à contrôler son fils adolescent mais cette nouvelle situation rapprochera père et fils comme jamais auparavant.

    AlloCiné : Le titre, La Familia, est à la fois énigmatique et très simple, pourquoi l’avoir choisi ?

    Gustavo Rondon Cordova : C’était un titre de travail au départ ; ensuite, durant le montage, j’ai pu me faire une idée de la globalité du film et j’en suis venu à la conclusion que mes 2 personnages principaux étaient une vraie famille, et c’était ça le plus important. Ils ne sont que 2 mais ils forment quand même une famille. C’est pour cela que j’ai finalement gardé ce titre-là au final.

    Les enfants dans le film, et spécialement le protagoniste Reggie Reyes, sont stupéfiants de réalisme, comment les avez-vous trouvé ?

    Je savais dès le départ que je voulais des acteurs non-professionnels pour jouer les gamins. Nous avons donc parti sur un long processus de casting ; nous avons écumé les écoles, les gymnases et d’autres endroits. Nous leur faisions d’abord faire de courts entretiens puis si cela nous plaisait, nous les rappelions pour faire d’autres essais. Nous avons fini par sélectionner 20 enfants en sachant que l’acteur principal serait parmi eux.

    Reggie Reyes était présent et je me suis passer pour l’assistant des deux directeurs de casting. Ils ne savaient donc pas que j’étais en fait le réalisateur. Je suis devenu ami avec eux et un jour, je faisais quelques essais avec la caméra avec Reggie et j’ai senti quelque chose de très magnétique chez lui, il accrochait vraiment bien à l’écran. J’ai donc décidé qu’il serait le héros du film.

    L’ironie, c’est qu’il ne se rendait pas vraiment compte que nous allions faire un film, il était dans son monde, il n’avait pas vraiment conscience de passer un processus de sélection. Au final, quand on l’a informé qu’il serait le personnage principal, il a commencé à prendre conscience de tout cela

    Comment avez-vous réussi à instaurer une telle complicité entre Reggie Reyes et l’acteur qui incarne son père, Giovanny Garcia ?

    Avant le tournage, ils ne se connaissaient pas vraiment, ils avaient fait des tests ensemble mais sans plus. C’est une chose que je souhaitais. Nous tournions en effet dans l’ordre chronologique et je voulais qu’il se passe dans le film ce qui se passe aussi en dehors du film. Il y avait beaucoup de distance entre eux au début, aussi bien dans la vraie que dans celles de leurs personnages. Reggie Reyes est un enfant très timide, j’ai donc utilisé cela durant le tournage pour les faire se rapprocher.

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    Giovanny a aussi beaucoup aidé car c’est vraiment quelqu’un de très sympathique, toujours très ouvert. Il était très attentif avec Reggie et comprenait vite ce qu’il aimait bien et ce qu’il n’aimait pas. Il a trouvé tout seul les outils pour travailler avec lui et j’étais là pour essayer d’arrondir les angles. Au final, nous sommes parvenus à créer une vraie complicité entre tous les membres du tournage car nous étions une petit équipe. Cette ambiance a beaucoup aidé Reggie qui débarquait sans filet dans tout ce processus.

    Je voulais que ma ville, Caracas, soit le personnage principal de cette histoire.

    Vous peignez un tableau très violent de votre pays, le Vénézuela, avec un réalisme presque documentaire, aviez-vous la volonté de dénoncer et de condamner cette violence en faisant ce film ?

    Pour être honnête, j’aime beaucoup les films réalistes, ils m’influencent beaucoup. Je voulais que ma ville, Caracas, soit le personnage principal de cette histoire. J’ai donc voulu être très respectueux de cela. J’ai tout fait pour injecter de la vérité à l’image et aussi trouver de la beauté dans cette triste réalité.

    Je ne voulais pas spécialement dénoncer, je voulais vraiment me concentrer sur l’histoire de ces 2 personnages. Je souhaitais aussi qu’à la fin du film, le public ait une sorte de sentiment en 3 dimensions par rapport à l’environnement du film.

    Vous avez décidé de ne pas montrer le scénario aux acteurs avant de tourner, pourquoi avoir choisi cette méthode ?

    Je n’ai pas inventé cette technique, je l’ai apprise de metteurs en scène que j’admire beaucoup. Dans ce cas-là, je pensais que ce serait bien car il n’y avait pas beaucoup de dialogues, les personnages sont surtout dans l’action. De plus, je ne voulais pas que les comédiens intellectualisent trop et finissent par créer des personnages qui ne collent pas au film. Il fallait donc que j’apporte une vraie dynamique durant le tournage car nous tournions donc dans l’ordre chronologique et je montais le film en même temps donc je pouvais me rendre compte de la justesse à chaque seconde.

    D.R.

    Je voulais garder une certaine souplesse sur le plateau et au niveau de l’écriture, du coup je regardais les rushes de la veille et je réécrivais en fonction ce que nous allions touner le lendemain. Même quand nous faisions des répétitions, nous préparions toute la scène avec les acteurs et nous nous donnions la permission d’enlever des répliques, d’enlever certains choses pour aller à l’essentiel.

    Caracas est une ville très dangereuse et certains endroits de la ville le sont particulièrement mais nous étions très bien préparés.

    Pouvez-vous nous parler de l’atmosphère à Caracas durant le tournage, n’avez-vous pas eu de problèmes de violence ou de menaces ?

    Non, pas du tout, car nous sommes passés par une longue phase de pré-production qui incluait des négociations pour pouvoir tourner dans tous ces endroits. Il fallait aussi comprendre la dynamique de ces lieux et surtout être honnête avec tout le monde là-bas. Nous expliquions précisément ce que nous allions faire, notre plan, comment nous allions tourner etc.

    Bien sûr, Caracas est une ville très dangereuse et certains endroits de la ville le sont particulièrement mais nous étions très bien préparés et nous avions un service de protection de notre côté. Il y a bien eu quelques tensions pendant le tournage mais en réalité, paradoxalement, dans ces moments-là, certains endroits deviennent plus calmes.

     

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