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    Cannes 2017 : Jupiter's Moon "mixe les genres" selon Kornél Mundruczó

    Le 70ème Festival de Cannes présente parmi sa compétition "Jupiter's Moon" (La Lune de Jupiter) de Kornél Mundruczó. Rencontre avec le réalisateur hongrois, également auteur de "White God", présenté à la Croisette en 2014.

    Pyramide Distribution

    Présenté en compétition du 70ème festival de Cannes, La Lune de Jupiter est le nouveau long métrage du Kornél Mundruczó. Nous avons pu rencontrer le cinéaste hongrois, qui présente pour la troisième fois un film en compétition après Delta en 2008 et Un garçon fragile - le projet Frankenstein (2010).

    La Lune de Jupiter est l'histoire d'un jeune migrant découvrant qu'il a maintenant le pouvoir de léviter. Jeté dans un camp de réfugiés, il s'en échappe avec l'aide du Dr Stern qui nourrit le projet d'exploiter son extraordinaire secret. Les deux hommes prennent la fuite en quête d'argent et de sécurité, poursuivis par le directeur du camp.

    AlloCiné : Vous avez déclaré en conférence de presse que le développement du scénario de ce film avait pris beaucoup de temps, pourquoi cela ?

    Kornél Mundruczó : la première version du scénario date d'avant White God [2014, NdlR] et était destinée à être en anglais. L'histoire était celle d'un gamin pouvant léviter et sa relation avec un contrebandier. Mais le film n'a pas été financé, en grande partie parce que personne croyait à un héros volant qui ne soit pas Superman ! C'était avant Birdman (...). Puis j'ai fait White God, qui était un peu influencé par le scénario de ce Flying Man, et mixait déjà les genres. Nous avons réécrit Flying Man en replaçant le film en Hongrie avec ce médecin et ce réfugié, avant la crise. Puis la crise est arrivée (rires) ! Nous avons alors dû couper l'introduction du film, qui disait "dans un futur proche", mais le futur était devenu le présent.

    Dans votre film, les pouvoirs du réfugié sont utilisés par un docteur véreux pour gagner de l'argent. Etait-ce une façon de dire que les gens exploitent les migrants ?

    Cela arrive, j'en suis persuadé. Tous les partis ont été très cyniques quant à cette question. (...) C'est un problème complexe et un peu fou. Comme toutes les crises, celle-ci entraine son lot de contradictions mais aussi d'espoir. (...)

    Dans "La Lune de Jupiter", vous utilisez beaucoup la caméra embarquée, était-ce pour ajouter de l'immersion, du réalisme ?

    Oui, c'était capital. C'est un film fantastique, teinté de science-fiction et de thriller. C'est aussi un drame social très profond. Ces scènes en plans séquences n'étaient pas improvisées, plutôt chorégraphiées.

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    J'avais prévu une question pour plus tard à ce propos, car vous avez aussi de longs plans séquences, et je comptais vous demander si elles étaient beaucoup répétées...

    Chorégraphiées, plutôt. Les dialogues étaient très écrits, ce qui laissait peu de place aux acteurs pour changer les choses. Car chaque petit détail doit coïncider avec les autres, comme une polyphonie. Mais chaque prise était très différente malgré tout, ce qui fut un problème important pour nous par la suite. (...)

    Vous avez parlé de mélange des genres toute à l'heure, et comme dans "White God", vous avez fait la part belle au fantastique. Est-ce que ce genre vous permet de créer de nouvelles histoires et une nouvelle manière de filmer ?

    Je crois que oui. Cela ajoute du sensationnel. (...) Avoir un dieu parmi les humains ou un réfugié pouvant voler dans notre film est irrationnel, j'adore mixer les genres.

    Vous êtes aussi un metteur en scène de théâtre, est-ce que cela influence aujourd'hui votre façon de composer les cadres de vos films ?

    A l'origine, c'était l'inverse. J'étais un metteur en scène qui créait des pièces avec un oeil de réalisateur, impérialiste et d'un style très filmique. Et à mesure que le théâtre est devenu plus important pour moi, me permettant de faire des choses plus folles, j'ai commencé à mettre de ça dans mes films. Le théâtre m'incite donc à prendre des risques et à tenter davantage de choses au cinéma. (...) Par exemple, lorsque j'ai vu mon premier Fassbinder, Le bouc, je n'avais jamais rien vu de pareil ! Je me souviens encore très bien de ce que j'ai ressenti.(...)

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    Vous avez trois acteurs principaux dans ce film. Comment les avez-vous dirigés et avez-vous la même technique pour diriger un comédien de théâtre et un acteur de cinéma ?

    Non, j'ai une technique très différente, car la distance est très différente. Au cinéma, vous êtes très proche, donc vous êtes dans le réalisme et l'émotion. Ce n'est pas le cas au théâtre, où vous êtes loin et où l'on est davantage dans la stylisation. (...)

    Lorsqu'Aryan vole, la caméra tourne lentement autour de lui, et ce pouvoir se manifeste d'une façon très différente de celle des pouvoirs d'un personnage de films de super-héros, très lente. Pourquoi ?

    Nous voulions représenter un vrai miracle. Quelque chose jamais vu auparavant et qui soit crédible. Voilà pourquoi nous n'avons pas coupé [et tourner les vols en plans séquences], et c'est bien plus lent. Et cela se produit réellement, nous n'avons pas utilisé d'effets spéciaux. Parce que [le moment où le héros s'envole] est un moment transcendental, celui où vous pouvez vous détendre, vous élever au-dessus du chaos.

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    Vous avez plusieurs séquences hallucinantes dans le film, dont celle où la chambre d'un néo-nazi est mise littéralement sens dessus dessous par Aryan. Comment l'avez-vous tournée ?

    L'idée est venue du chef décorateur : comment punir ce nazi ? Il a donc proposé de faire tourner une salle complète. Nous l'avons donc construite avec beaucoup d'accessoires, un moteur pour faire bouger le tout, et sans effets spéciaux. Nous avons ensuite utilisé des grues : une pour Aryan, une pour la caméra, et la perspective fonctionne.

    Vous ajoutez à ces moments de mise en scène une réflexion théologique via le personnage de Stern, qui se demande si ce réfugié est un dieu. Pourquoi avoir fait le choix de ne pas répondre à cette question ?

    J'aime entrainer le public dans une réflexion et le laisser seul chercher les réponses. Y a-t-il une possibilité pour un être humain de s'échapper ? Et le personnage du docteur Stern va avoir cette possibilité, tandis que tout le monde voit Aryan voler et s'échapper, lui aussi. Doit-on y voir un signe ?

      

    Découvrez les premières images de "La Lune de Jupiter" :

     

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