Le cinéaste qui a signé le documentaire ultime sur l’Holocauste, Shoah (1985, d’une durée de 9h26), n’a pas encore dit son dernier mot. Alors qu’il présentait hors compétition à Cannes en 2013 Le Dernier des injustes, une sorte d’ajout à son film fleuve de 3h40 supplémentaires sur le Rabbin de Vienne Benjamin Murmelstein, on aurait pu croire qu'il mettait un point final à sa carrière.
Mais malgré ses 91 ans, Claude Lanzmann ne nous a pas encore tout dit. A travers Napalm, présenté en séance spéciale au 70ème Festival de Cannes, on lui découvre une nouvelle obsession : la Corée du Nord. En 2015, le cinéaste revient sur les traces d’un premier voyage datant de 1958 – déjà renouvelé en 2004 – dans cette impénétrable dictature lointaine.
Pendant les cinquante premières minutes de ce documentaire d’un peu plus d’une heure et demie (un court métrage pour le réalisateur !), la caméra de Claude Lanzmann filme les monuments de Pyongyang, du moins ceux que ses guides délégués par le gouvernement l’autorisent à filmer. En voix off, le réalisateur nous rappelle les faits historiques qui ont mené le pays à se scinder en deux, jusqu’à la proclamation de l’indépendance nord-coréenne, le 9 septembre 1948.
Cannes 2017 : Coppola, Hazanavicius, Haneke, Twin Peaks, Kristen Stewart... toute la sélection officielleClaude Lanzmann revient également longuement sur les bombardements américains meurtriers au nord du pays, destinés à empêcher l’influence soviétique de s’étendre sur la péninsule coréenne. Ce sont eux qui donnent, naturellement, son nom au documentaire : Napalm. Mais dans un second temps, le réalisateur se met en scène lui-même, face caméra, pour offrir au spectateur une longue anecdote qui, presque soixante ans plus tard, résonne encore fortement en lui.
Il s’agit de sa rencontre, à l’âge de 33 ans, avec une jeune infirmière nord-coréenne de la Croix Rouge, et d’une brève romance interdite le temps d’une après-midi. Claude Lanzmann se remémore cette journée ambiguë et troublante au cours de laquelle, dans un pays où chacun est surveillé de près, son regard s’est posé sur le destin d’une jeune femme venue de l’autre bout du monde, elle aussi victime des bombardements américains.
Napalm est justement dédié à Kim Kum-Sun, que le cinéaste a décidé de ne pas retrouver, mais de ne pas non plus oublier. Preuve supplémentaire que chez l’auteur de Shoah, la mémoire est encore vive et mérite plus que jamais d’être cultivée. Il ne s’agit pas d’une simple visite dans le pays le plus tabou du monde. Ce nouveau documentaire ouvre les frontières d’un autre territoire où aucune caméra n’est encore jamais allée : l’intimité sentimentale de Claude Lanzmann.
La bande annonce du Dernier des injustes, précédent documentaire de Claude Lanzmann