Au Festival de Cannes 2017, Mathieu Amalric joue un réalisateur pour Arnaud Desplechin. Dans Les Fantômes d'Ismaël, on le voit au travail, il dirige des acteurs qui jouent sa vie fantasmée. Oeuvre "méta" jouant la carte du miroir et de la structure gigogne, le film permet à Desplechin de s'incarner une nouvelle fois en Amalric. Et à Amalric de prolonger son exploration des affres de la création à l'écran.
Cette année, il est également réalisateur et acteur... qui joue un réalisateur pour Barbara, le biopic où il met en scène Jeanne Balibar... qui joue une actrice jouant Barbara. L'acteur-réalisateur se dépeint sous les traits d'un obsessionnel morbide courant après des fantômes, ceux de Barbara mais aussi de sa vie passée. Autre film poupées russes, cette revisitation de la carrière de la mythique Dame en noir permet à Amalric - qui signe ici son 6ème long-métrage - de se plonger une fois encore dans un dispositif tortueux et autoréflexif qu'il affectionne tout particulièrement, et ce depuis longtemps.
Dans Tournée déjà Amalric se donne le rôle d'un producteur/metteur en scène tiraillé entre les exigences de son métier et les errements de sa vie d'homme. Entre doutes et créations, le réalisateur s'exposait en artiste devoré par ses ambitions et ses lâchetés de simple mortel. Pas tendre avec lui-même, l'acteur-réalisateur ne nous cache rien.
Devant la caméra de Valeria Bruni Tedeschi, pour Actrices, Amalric ne montre pas un visage plus angélique. Il incarne le metteur en scène volontiers manipulateur, témoin de la passion naissante entre ses deux acteurs principaux. Figure repoussoir mais figure fascinante, le personnage manie ici l'ambiguïté à merveille dans un film qui illustre parfaitement toutes les contradictions du metteur en scène.
Pour Roman Polanski et sa Vénus à la fourrure, l'acteur compose un metteur en scène de théâtre imbu de lui-même et prétendument intellectuel qui entend sadiser une comédienne présentée comme une idiote sexy. Le rapport de forces s'inverse bientôt, et de bourreau Amalric devient victime, sacrifiant au passage tous les attributs de la virilité. Rappelant le personnage campé par Polanski dans Le Locataire (la ressemblance physique est frappante et les deux héros se voient tous les deux travestis), cet infortuné homme de théâtre apprend l'humilité à travers un long processus d'humilation. Amalric étanche sa soif d'abîme, mais cette fois sur le mode masochiste - le film s'inspire de la pièce de Sacher-Masoch - et particulièrement grinçant.
Almaric, l'acteur et le réalisateur, poursuit une double carrière. Celle, visible de tous, qui le voit enchaîner les tournages impressionnants. Et celle, plus secrète comme en contrabande, qui explore le travail de création. Les deux facettes sont également passionnantes. La suite, vite.
La bande-annonce des "Fantômes d'Ismaël" :